LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Sommet du G8 : L’heure des comptes

Publié le vendredi 8 juin 2007 à 07h14min

PARTAGER :                          

Réunis en Allemagne autour du thème :"Croissance et responsabilité", avec en filigrane la lutte contre le rechauffement climatique, les huits pays prétendument les plus puissants du monde, vont en fait se dire les "gbès" (la verité en langue "nouchi") au regard de la nouvelle donne internationale où le "bordel" semble devenir la règle, avec les appétits voraces et incontrôlés des uns et des autres.

Derrière le thème commode de "Croissance et responsabilité" retenu par le G8 tout juste pour se donner bonne conscience et bercer les pauvres dans leur rêverie suicidaire d’un monde plus équitable et plus solidaire, se cachent des sujets autrement plus "corsés" que la diplomatie parallèle va se charger de règler.

Montée en puissance de la Chine, répartition du "gâteau" de la mer Caspienne et de l’Europe de l’Est, dossier irakien, palestinien et iranien, lutte contre le terrorisme, autant de points d’achoppement entre lesdits grands, principalement entre Américains et Russes, l’Europe étant de plus en plus confinée dans un rôle de faire-valoir.

Le "coup de sang" de Poutine avant l’ouverture de ce Sommet est symptomatique de ce malaise qui caractérise les relations des deux surperpuissances, lequel s’est accru ces dernières années avec la gestion américaine du dossier proche-oriental et les visées de plus en plus avouées de l’Oncle Sam vers les pays de l’Europe de l’Est et de la mer Baltique.

Sur le premier point, Moscou n’a jamais digéré l’invasion unilatérale de l’Irak en mars 2003 qui lui faisait perdre ses énormes intérêts pétroliers dans ce pays. Il ne faut pas oublier que par le biais de la compagnie "Lurkoil", la Russie contrôlait près du quart de l’exploitation pétrolière en Irak, les trois autres quarts étant répartis entre Américains, Anglais et Français. On comprend du reste pourquoi Paris a développé une diplomatie antimondialiste depuis lors, les intérêts pétroliers français ayant eux aussi été mis à mal depuis lors.

A h’heure où l’enlisement des troupes américaines en Irak est plus que manifeste, avec une retraite sans gloire quasi-programmée, Moscou lance ainsi un signal fort à la future administration américaine : l’avenir politique et économique de l’Irak ne saurait être uniquement anglo-saxon, le retour au multilatéralisme étant impératif. Avec l’Irak, l’Iran et la Syrie sont des soucis majeurs pour Moscou qui ne "tolèrera" pas que les mollahs de Téhéran subissent le même sort que Saddam Hussein.

Aussi, Moscou n’entend pas lâcher son protégé syrien, Bachar El Assad mis mal depuis l’assassinat de Rafik Hariri et dont "l’arrière-cour" libanaise vient de subir les assaut de Tsahall en juillet 2006. Un coup de semonce renforcé par la guerre que l’armée libanaise livre actuellement à des supplétifs d’Al Quaïda et par ricochet, de tous ceux qui sont dans "l’axe du mal".

C’est en définitive toute la politique proche orientale que la Russie veut remettre en cause, pour des raisons de magistère politique mais surtout économique. Plus loin en Asie centrale, l’Afghanistan constitue un autre abcès de fixation entre les deux grands, qu’il va falloir crever très vite avant que le dragon chinois ne vienne piquer le "fromage".

Et l’Europe ?

Mais, l’irritation de Moscou atteint cependant son comble, face à "l’impérialisme" amércain en direction des pays de l’Europe de l’Est et de la mer Baltique. Jadis "precarré" de Moscou, la Pologne, l’Ukraine, l’Azerbadjan, le Kazakstan intéressent fortement l’Oncle Sam. Dans le cas des deux derniers pays, la forte odeur de pétrole attise les convoitises.

Avec le projet d’oléoduc américano européen qui doit traverser la mer Caspienne pour déverser le pétrole dans le "ventre" des navires pétroliers occidentaux, Moscou a quitté le stade de la frilosité pour atteindre celui de l’irritation.

Déjà, la Russie avait envoyé des coups de semonce à l’Europe en "coupant le gaz" à l’automne 2006, au plus fort de la contestation politique en Ukraine. L’Ours a toujours des griffes et entend de le faire savoir, ce qui a du reste contraint les Européens à rentrer dans leur coquille. Des Européens qui en sont à faire les yeux doux à la fois aux Américains et aux russes pour assurer leur "survie".

Si Moscou les tient en effet par le gaz, Washington les tient par les bourses avec sa politique du dollar faible qui a mis leur économie à mal. La "vieille Europe" (France, Allemagne) paie encore ces "errements" de février 2003 et ne serait pas fâchée de rétablir très vite le "lien ombilical".

Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont en tous les cas déjà donné des gages de bonne foi dans le discours et dans les actes. On se retrouve ainsi loin du menu officiel, ce qui prouve que rien de bon (pour les pauvres en tous cas) ne peut sortir de ce Sommet. Le cycle de Doha est bloqué et le Sommet de Johannesbourg sur la terre a accouché d’une souris.

Alors, ces histoires de doublement de l’aide en direction de l’Afrique ne sont que de l’esbrouffe, ce qui doit nous inciter à sortir enfin de notre torpeur. Les grands ont des problèmes de grands et, le XXIe siècle naissant a ceci de particulier qu’il a entrainé un bouleversement de l’ordre international comparable à celui des années 20-30.

Le siècle américain commencé en 1950 est à son apogée et les dauphins de l’Oncle Sam veulent devenir califes à la place du calife. Ce sont les règles de cette compétition féroce qui sont définies lors de ces rencontres annuelles avec un "saupoudrage intellectuel" pour maquiller la vérité. Plus que jamais, l’Afrique gagnerait à se reveiller !

Boubacar SY

Sidwaya

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique