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Sommet de la CEN-SAD : Beaucoup de rêves et peu de pragmatisme

Publié le mercredi 6 juin 2007 à 07h27min

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Pourrait-on dire que déjà la CEN-SAD (la Communauté des Etats sahelo-sahariens) est gagnée par la lassitude, le désintérêt, sinon la banalité, au regard du peu de "tapage" médiatique, tant de la part de la presse africaine que de la presse internationale, autour de la tenue de sa IXe session, tenue à Syrte en Libye du 2 au 3 juin derniers ?

On est tenté de répondre par l’affirmative si l’on tient compte de l’importance de ses enjeux exprimés dans les préoccupations inscrites au menu : travailler résolument en vue d’établir une solidarité effective et créer les conditions d’une paix durable dans l’espace de la Communauté.

Sans oublier que le communiqué final qui a sanctionné les travaux faisait ressortir, entre autres résolutions, la nécessité d’harmoniser les positions des Etats membres sur les différents sujets touchant le continent africain et d’unir leurs efforts dans le cadre de l’Union africaine (UA) sur la question relative à l’établissement d’un gouvernement de l’UA. Une question qui serait même inscrite à l’ordre du jour du sommet d’Accra au Ghana en juillet prochain.

Quand on considère l’importance et la gravité des problèmes qui sévissent dans la plupart des Etats de la CEN-SAD (pauvreté, sous-développement, guerres et conflits, crises de l’OMC et des APE...) et la non moins importante question de l’établissement d’un gouvernement unique pour l’UA, on est étonné du silence médiatique qui a entouré ce sommet. Surtout si on le compare aux précédents.

En tout état de cause, aucune de ces préoccupations fort légitimes par ailleurs de la CEN/SAD, ne peut-être résolue avec efficacité sans l’engagement des peuples africains à la base, en amont et en aval. Ce qui suppose naturellement que ces questions soient préalablement discutées par ces derniers, qu’ils y soient sensibilisés et qu’on les conscientise à travers leurs différentes organisations, que ce soit les démembrements de la société civile (syndicats, associations non gouvernementales, collectivités locales...) ou les partis politiques, toutes obédiences confondues.

A moins qu’on préfère les rêves ou ambitions plus ou moins subjectives aux solutions opérationnelles plus aptes à conduire à des actions concrètes, au pragmatisme en rapport avec les aspirations réelles et légitimes des peuples que les chefs d’Etat prétendent servir. Sinon, en soi, la question d’un gouvernement unique pour l’Afrique n’est pas nouvelle. Le Docteur Kwame Nkrumah en avait déjà émis l’idée dès les années 60 au moment de la création de l’OUA et même que des pays comme le Mali avaient inscrit jusque dans leur Constitution le principe de soumettre la souveraineté nationale à la souveraineté africaine à travers un gouvernement qui transcenderait les gouvernements nationaux. Aujourd’hui, on connaît relativement mieux les raisons qui ont fondé ces voeux ambitieux mais tout à fait sensés, dans la logique des rêves permanents et jamais réalisés.

Le principe d’un gouvernement africain est en tout cas conforme à la politique d’intégration africaine et à l’unité du continent noir, chère à l’OUA hier et aujourd’hui à la CEN-SAD et à l’UA. Reste à voir s’il ira au- delà des voeux pieux.

Une autre chose non moins curieuse a priori est que la question se pose d’abord, voire prioritairement, au sein de la CEN-SAD au lieu d’être posée d’abord au sein de l’UA. Est-ce parce que de plus en plus la CEN-SAD dépasse le cercle réduit des pays sahariens et sahéliens pour accueillir des pays côtiers et forestiers ? Il n’empêche que dans les faits, la CEN-SAD est une composante de l’UA au regard des Etats membres qui composent l’une et l’autre, ce qui, dans le meilleur des cas, représente un risque de plus en plus évident que la première devienne une rivale favorite de la seconde.

Tant l’influence sinon la domination objective et symbolique du leader libyen sont grandes à la CEN-SAD. Ce qui pourrait devenir de plus en plus suspect aux yeux de l’UA.

Le président Kadhafi, par le truchement de la CENSAD dont personne ne doute aujourd’hui qu’elle est sa "chose", ne traduit-il pas ici sa volonté de contourner l’UA pour s’imposer par son argent et son charisme ?

Selon toute logique en effet, un gouvernement africain, pour être réalisable et viable aujourd’hui, aura nécessairement comme président le président libyen, dont la personnalité, manifestement, ne manquera pas de jouer presque négativement sur la crédibilité d’une telle structure et pas seulement aux yeux de la communauté internationale.

Celle-ci en fait entretient vis-à-vis du leader libyen des relations fort ambivalentes : tantôt il est fréquentable compte tenu des réalités et potentialités économiques et financières de son pays qu’il domine sans partages depuis plusieurs décennies, tantôt on s’en méfie à cause du caractère versatile et incohérent de ses positions politiques. Homme imprévisible par excellence, avec des idées peut-être bonnes mais jamais conduites jusqu’à terme, faites de confusions, de fuites en avant et de volontarisme, toutes choses dangereuses pour des programmes politiques de développement crédibles et durables. Il n’ a pas toujours bénéficié de la confiance des autres, notamment des puissances occidentales et même des peuples africains.

Alors on pourrait déjà douter de la fonctionnalité d’un tel gouvernement qui risque d’être victime par ailleurs de la résistance des chefs d’Etats africains qui tiennent tous et chacun à leurs petits trônes nationaux.

La question n’est donc certainement pas suffisamment mûre dans la tête des présidents et a fortiori dans celle des peuples africains pour constituer une préoccupation majeure en Afrique aujourd’hui. La CEN-SAD, par contre, pourrait travailler à renforcer l’UA en lui donnant les moyens surtout financiers pour réaliser son programme de développement du continent par la sauvegarde de la sécurité, de la paix, par l’installation de la bonne gouvernance et la fonctionnalité des institutions qu’elle a créées pour assurer un meilleur devenir au continent. Ainsi l’UA serait-elle plus avancée que l’OUA et la question du gouvernement unique et supra étatique africain apparaîtrait comme un aboutissement et une exigence politique.

Le Pays

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