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Tertius Zongo à la primature : Ce que les Burkinabè attendent de lui

Publié le mercredi 6 juin 2007 à 07h56min

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Tertius Zongo

Des Burkinabè se prononcent sur la nomination de Tertius Zongo à la tête du gouvernement lundi 4 juin dernier. Certains trouvent en lui l’homme providentiel à même de résoudre les problèmes socioéconomiques du pays, d’autres par contre avancent qu’il a déjà fait ses preuves et ne peut rien entreprendre de véritablement exceptionnel.

Charles Dakouré : “Je salue la nomination de Tertius Zongo à la tête du gouvernement. Je pense qu’il est l’homme idéal pour occuper le poste. Son prédécesseur a fait un bon travail pendant sept ans. Un changement était nécessaire. M. Zongo, qui revient dans le gouvernement pour la deuxième fois, est un homme honnête et sérieux. Je le connais personnellement et je sais que c’est quelqu’un qui aime Dieu. Il va alors agir dans l’intérêt du peuple burkinabè. Je souhaite toutefois qu’il fasse mieux que le Premier ministre sortant, Paramanga Ernest Yonli. Il doit donc redoubler d’effort et aider les jeunes à avoir du travail” .

Justin Tougouri, analyste au Programme de communication pour la santé : “On reprend du vieux et on essaie de faire du neuf avec. Tertius Zongo avait juré, la “main au feu” qu’il n’y aurait pas de dévaluation en 1994. Pourtant, elle a bel et bien eu lieu. J’espère que sa main n’a pas brûlé, mais qu’il a surtout retenu la leçon selon laquelle, il ne faut pas s’amuser avec les institutions internationales. J’espère également que son long séjour aux Etats-Unis d’Amérique lui a donné une certaine envergure permettant de réorienter les choses ici. De nouvelles idées à même d’impulser le développement du pays.

Je regrette cependant qu’on n’ait pas appelé une autre personne, car il existe sur l’échiquier politique burkinabè beaucoup de jeunes aussi compétents que lui. On a l’impression que c’est toujours les mêmes personnes qui sont nommés dans le gouvernement. Comme s’il y avait quelque chose à protéger ou qu’il y a des fidèles pour sauvegarder des acquis. On avait osé avec Paramanga Ernest Yonli, qui a fait ses preuves. Après lui, je m’attendais encore à voir arriver une personne nouvelle. Cela n’a pas été le cas. Mais vu que le climat social est un peu apaisé, j’espère qu’il pourra montrer ce dont il est capable”.

Roger Sanou, gestionnaire au ministère de la Santé : “Si Tertius Zongo revient dans le gouvernement pour la deuxième fois, c’est parce qu’il est compétent. J’espère qu’il va mettre son savoir et ses expériences acquises aux pays des yankee au service du développement de son pays.

Je souhaite qu’il augmente les salaires, car les revenus ici sont très bas”.

Emma Kiema, élève à l’école des éducateurs sociaux : “J’ai été surprise par la nomination de Tertius Zongo comme Premier ministre. Mais je trouve qu’il est compétent, capable de bien mener sa tâche. Je souhaite qu’il satisfasse la plate-forme revendicative des fonctionnaires, notamment celle portant sur l’augmentation des salaires”.

Alassane Sawadogo, professeur d’anglais : “Les mêmes personnes reviennent dans le gouvernement. Tertius Zongo a été ministre des finances et il arrive maintenant comme Premier ministre. Il parait qu’il avait fait un détournement lorsqu’il était ministre. Ce qui lui avait valu d’être enlevé et nommé ambassadeur du Burkina Faso aux Etats-Unis d’Amérique. Je pense qu’il aurait fallu prendre quelqu’un d’autre comme Premier ministre. J’espère cependant qu’avec son équipe, il va diminuer la misère du peuple burkinabè”.

Camille Kaboré, technicien du bâtiment : “On s’attendait à un changement. Mais j’espère que Tertius Zongo va apporter sa touche pour résoudre les problèmes sociaux. Je souhaite qu’il booste le développement du Burkina Faso, qu’il fasse la promotion des activités économiques surtout celles qui sont rentables pour les jeunes. Il a bien travaillé quand il était ministre de 1995 à 2000. Même si vers la fin il y a eu des rumeurs de détournement à son sujet.

J’espère qu’avec son expérience acquise aux Etats-Unis, s’il s’y met, il ne devrait pas y avoir de problèmes”.

Propos recueillis par Séraphine SOME


Logique et opportune

La nomination de Tertius Zongo à la primature même si elle suscite des commentaires où la surprise et la circonspection dominent (l’homme n’était pas le favori des “bookmakers” ) n’en apparaît pas moins logique, réfléchie et opportune au regard du contexte du moment. Faut-il le rappeler, le programme quinquennal du président Compaoré est un approfondissement du précédent (le programme pour un développement solidaire) dans l’optique de faire du Burkina Faso “un pays émergent à l’horizon 2010”.

Or dans ledit programme de développement solidaire, la société alternative qui y est projetée, récuse l’idée du recours au seul marché pour optimiser l’allocation et la répartition des ressources Elle place au cœur de sa démarche les véritables besoins des populations en se fondant sur la connaissance et l’acceptation de l’interdépendance économique des hommes et des femmes pour mener à bien la construction d’une économie solidaire dans une société démocratique porteuse de créativité, d’inventivité et de dynamisme entrepreunarial au service du développement.

Pour l’avènement d’une telle société, le Burkina Faso compte d’abord sur ses propres forces, sans cracher pour autant sur le soutien de ses amis et partenaires au développement. Dans cette optique, le Millenium challenge Acount (MCA) dont la démarche emprunte beaucoup à celle sus-indiquée pourra être d’un apport considérable dans la lutte contre la pauvreté.

Or le maître d’œuvre de la conclusion de ce partenariat entre les Etats-Unis et le Burkina Faso n’est personne d’autre que Tertius Zongo qui a si bien “vendu” l’image du pays aux Américains que ceux-ci l’ont élu au rang des pays bénéficiaires de cette aide originale. Des millions de dollars seront ainsi mis à la disposition des populations à la base, en fonction des besoins qu’elles ont défini librement. Le gouvernement et la partenaire américain se contentant d’exercer une fonction de contrôle.

Une politique pragmatique et volontariste, américaine dans l’esprit et que le nouveau Premier ministre, bosseur réputé et bretteur d’idées redoutables (rappelons qu’il fut porte-parole du gouvernement) qui maîtrise ses classiques économiques sur le bout des doigts, pourra exécuter sans trop de bobos. C’est dire qu’il n’a pas été choisi “au hasard”, à l’instar de ses prédécesseurs, la personnalité et “l’éducation” militaire du chef de l’Etat laissant peu de place à cette variable.

C’est ainsi que si d’aucuns ont accueilli avec surprise la nomination en 1992 de Youssouf Ouédraogo au même poste, c’est en raison de la lecture superficielle qu’ils avaient fait du contexte politique de l’époque. A l’heure où Blaise Compaoré voulait “rassembler large”, la désignation de cet homme neutre, qui ne faisait de l’ombre à aucun “gourou” lui a permis d’éviter l’implosion qu’un choc des ambitions au sommet de l’Etat aurait entraîner.

Et quand l’œuvre de rassemblement a été plus ou moins achevée, ce fut Roch Marc Christian Kaboré que le président du Faso envoya au charbon. Puis retour donc à la neutralité avec Kader Désiré Ouédraogo, puis Paramanga Ernest Yonli. Zongo lui arrive donc avec son “bébé” sous les bras dans l’espoir de le faire grandir pour le bonheur des populations. L’obligation de résultats plus que toute autre considération aura donc été à la base de sa désignation. Une constante dans le “système” Compaoré.

Boubacar SY


Pérenniser les acquis politiques et économiques

Tertius Zongo, ancien ambassadeur du Burkina à Washington, a été nommé Premier ministre du pays des hommes intègres, le 4 juin 2007, environ 48 heures après la démission de Paramanga Ernest Yonli et de son gouvernement. Quelles pourraient être les priorités, les atouts et les limites de M. Zongo qui arrive à la tête du gouvernement, au moment où la chose qui tend à être la mieux partagée est la pauvreté, avec partout brandi le slogan de la vie chère ? S’il est évident qu’il ne pourra pas inventer la roue, il apparaît logique qu’il travaillera à renforcer les acquis de son prédécesseur. Ce qui devrait consister à renforcer et à moderniser la bonne gouvernance politique et économique au Burkina Faso.

Ainsi, Tertius Zongo devrait avoir à cœur la consolidation de la séparation des pouvoirs, socle de la démocratie et de la transparence des actes à toutes les étapes de la gestion dans les institutions de la République. Ce qui permettra, par exemple, à la justice d’être plus indépendante et efficace pour mettre fin aux dossiers dits pendants et aux institutions comme la Haute autorité de lutte contre la corruption, de mieux fonctionner sur le terrain et de minimiser le phénomène.

Dans la même veine, la liberté d’entreprise devra être encouragée au Burkina Faso, afin d’attirer les financements et les investissements. L’un des pans à ne pas négliger est la confrontation de la stabilité politique et l’élargissement des espaces de libertés publiques dans le pays, ce qui nécessite la consolidation des réformes politiques et institutionnelles entreprises depuis 2000. Cela permettrait de “fluidifier” le débat politique et de “civiliser” les rapports entre les différentes composantes de la société.

Des forces et des limites

Tertius Zongo aura-t-il les coudées franches pour mener à bon port sa politique ? Au regard du passé du nouvel homme fort de la primature, celui-ci semble avoir plusieurs atouts. Après avoir été ministre des Finances, Porte-parole du gouvernement et ambassadeur du Burkina Faso aux Etats-Unis d’Amérique, Tertius Zongo semble être un homme qui maîtrise les dossiers.

Aussi, la nouvelle dynamique des relations entre le Burkina Faso et les USA d’où M. Zongo a été rappelé pour être Premier ministre joue en sa faveur. Au-delà de tout, l’une des forces qui peut se transformer en faiblesse pour Tertius Zongo est qu’il ne semble être sous l’entreprise d’aucun “clan” du parti majoritaire (CDP).

Ce qui lui donnerait des coudées franches pour agir efficacement dans l’intérêt du plus grand nombre. La nomination inattendue de M. Zongo, qui aurait été fait après plusieurs tractations, positions et oppositions, si cela ne rencontre pas l’assentiments des différentes forces en présence, son mandat pourrait connaître des difficultés. Qu’à cela ne tienne, pourvu qu’il soit un homme de consensus, humble et ait la confiance du président du Faso, le grand arbitre, pour mener à bon port son œuvre...

Ali TRAORE (traore_ali2005@yahoo.fr)


Un “revenant” à la tête du gouvernement

Tertius Zongo devient le cinquième Premier ministre de la IVe République après Youssouf Ouédraogo (1992-1994), Roch Marc Christian Kaboré (1994-1995), Kadré Désiré Ouédraogo (1996-2000), Paramanga Ernest Yonli (2000-2007). Jusqu’à sa nomination par le président du Faso lundi 4 juin dernier, il occupait depuis le 4 février 2002, le poste d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Burkina Faso, auprès des Etats-Unis d’Amérique avec résidence à Washington.

Originaire de la province du Sanguié dans la région du Centre- Ouest, marié et père de trois (3) enfants, Tertius Zongo est titulaire d’une maîtrise en économie, gestion des entreprises de l’Université de Dakar au Sénégal et d’un Diplôme d’études supérieures spécialisées (DESS) en administration des entreprises de l’Institut d’administration des entreprises de Nantes en France. Agé aujourd’hui de 50 ans, il a assumé diverses responsabilités aussi bien dans l’administration burkinabè que dans les institutions sous-régionales et continentales. Tertius Zongo a été secrétaire général de la Chambre de commerce, d’industrie et d’artisanat du Burkina Faso (CCIA-BF). Il fut également directeur général de l’Office national des céréales (OFNACER).

De 1988 à 1995, M. Zongo occupe successivement les fonctions de directeur du département de la Coopération multilatérale et de directeur général de la Coopération au ministère de l’Economie et des Finances avant d’entrer au gouvernement de Kadré Désiré Ouédraogo en 1995. Il hérite d’abord du porte-feuile du ministère délégué au Budget, puis de celui du Plan et enfin, du ministère de l’Economie et des Finances.

En tant qu’argentier du pays des “hommes intègres”, Tertius Zongo exerce les fonctions de gouverneur pour le Burkina Faso de la Banque mondiale, du Fonds monétaire international (FMI), de la Banque africaine de développement (BAD), de la Banque islamique de développement (BID) et d’ordonnateur national pour le Fonds européen de développement (FED). Le nouveau Premier ministre burkinbabè a mené des activités académiques notamment à l’Ecole nationale des régies financières (ENAREF). Il est également auteur de plusieurs publications sur l’économie en Afrique et la gestion de l’aide étrangère. Tertius Zongo est officier de l’Ordre national du Burkina Faso.

Jolivet Emmaüs

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Mettre la croissance à la portée de tous

Au moment où Tertius Zongo accède à la primature, la bonne tenue de l’économie burkinabè est relevée par tous les observateurs.

Avec un taux d’inflation maîtrisé, un taux de croissance du PIB au-dessus de 5 % (8 % en 2003) et des agrégats macroéconomiques qui se comportent bien, le Premier ministre dispose d’une base de travail solide. Pour autant, sa tâche ne s’annonce pas moins ardue, cette bonne tenue de l’économie n’étant pas encore pleinement ressentie au niveau du panier de la ménagère d’une part, et la plupart des secteurs socio-économiques (santé, éducation, emploi) étant déficitaires, d’autre part. Il lui faudra concevoir des politiques et des programmes qui prennent en compte ses secteurs prioritaires tout en prêtant une attention particulière aux couches sociales défavorisées (jeunes diplômés sans emploi, femmes ; ruraux).

Dans cette optique, la nécessité d’affiner et d’accélérer les stratégies et politiques pour le plein emploi ou à tout le moins, une résorption importante du chômage s’avère nécessaire. Le programme quinquennal de son “patron” a du reste fait de la lutte contre le chômage des jeunes l’une de ses priorités et Zongo devra apporter les réponses qui seyent.

La croissance économique devra offrir davantage d’emplois décents aux jeunes, réduire le nombre de travailleurs pauvres, maximiser le potentiel de la main-d’œuvre et éliminer les obstacles à l’entrée des femmes et des jeunes sur le marché du travail. Poursuivre et approfondir le volet social de la politique de son prédécesseur en somme, l’équipe Yonli ayant posé des actes concrets dans ce sens (augmentation des salaires, amélioration et extension du régime de sécurité sociale, etc.).

L’aide du secteur privé ne sera pas de trop, si tant est que sa responsabilité en matière de création d’emplois s’est accrue. En retour, le gouvernement doit prendre des mesures pour améliorer le fonctionnement de ce secteur : amélioration des infrastructures, suppression des réglementations inutiles et coûteuses, accès au crédit à des conditions abordables, etc. Il pourrait même être envisagé des partenariats public-privé en particulier dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la formation professionnelle. Le développement du micro-crédit, de la micro-assurance, la promotion du développement du secteur informel, viendront parachever l’édifice.

Il faudra aussi vaincre la pauvreté rurale en approfondissant là aussi, les politiques hardies déjà entreprises (petite irrigation villageoise, micro-crédits, érection de villes moyennes). On le voit, Tertius Zongo est attendu partout à la fois et il ne bénéficiera pas d’état de grâce, le temps lui étant compté. A mi-terme du quinquennat, il faudra se hâter (sans précipitation) pour que le rêve d’une société d’espérance devienne une réalité pour tous.

Boubakar SY

Sidwaya

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