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Football burkinabè : Il faut arrêter la plaisanterie

Publié le jeudi 6 mai 2004 à 11h14min

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M. Demba Fofana n’est pas un inconnu dans le milieu footballistique au Burkina Faso puisq’il a été tour à tour président du RCB et de l’ASRAN, l’actuel RCK. Observateur attentif du football burkinabé, il jette un regard critique sur la participation des clubs en coupes africaines tout en revenant un peu sur le passé. Lisons-le, jusqu’au bout, puisque selon lui, l’honnêteté intellectuelle l’oblige à partager ses expériences avec les autres.

On oublie souvent qu’avant les Etalons, il y a les clubs au niveau desquels aussi les choses ne marchent pas comme on le souhaiterait.

Après mes aventures infructueuses en coupes africaines des clubs avec le RCB et l’ASRAN, l’honnêteté intellectuelle m’oblige à partager mes expériences avec les autres. Ensuite, il ne sera pas inutile de faire une note succincte sur les parcours des ex-Kadiogo et Silures jusqu’à ce jour les meilleurs classés des clubs burkinabè dans les classements Afrique football 2002 de tous les temps à partir des résultats aux compétitions continentales.

En effet, sur 227 clubs africains classés le Kadiogo est 76e, les Silures 139e, l’ASFA-Y 167e, l’Etoile Filante 208e ; les autres clubs burkinabè ne sont pas classés. La liste des joueurs talentueux et doués de notre pays des années 50 à nos jours est impressionnante, mais nous faisons toujours du surplace. Pourquoi ?

A cet égard, il est utile de rappeler que l’équipe des fonctionnaires de Bobo (ASFB), créée avant 1950, a joué et perdu la demi-finale de la coupe de l’AOF en 1958 contre l’Etoile filante de Lomé ( 0-0) à Bobo et (1-0 )à Lomé. L’ASFB, près de 50 ans après, n’a plus atteint les quarts et encore moins les demi-finales d’une coupe africaine.

Deux ou trois clubs burkinabè auraient dû ou pu atteindre une demi-finale à certaines étapes de leurs histoires. Bien sûr, l’ASFA -Y et l’EFO ont déjà atteint les 1/4 et 1/8 de finale et surtout l’ASFA- Y a été quart de finaliste de la coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe en 1992 contre le power dynamos de Zambie qui l’a éliminée au match retour à Kitwé sans lui être supérieur. Score étriqué (1-1) à Ouaga et 1-0 à Kitwé).

Les cas spécifiques du RCB et de l’ASRAN dont je fus le président

Le RCB (Racing club de Bobo) : au début des années 80, l’équipe rajeunie à 95%, moyenne d’âge de 17/18 ans (âges vrais, réels et déclarés) souleymane Camara, Mohamed Diallo dit "Vieux", les frères Gnimassou, Soul, Albert Bambara, Aboubacar Traoré, Wakas, Malamine, Jules Kadeba, Zebré, Tchintcho, etc. ; effectif d’une trentaine de joueurs dont 25 avaient évolué depuis les minimes ensemble, comme les ex-Carabines jaunes de l’ EFO (nous avions même des sous-minimes : 5, 6, 7 ans) dont les réflexes acquis étaient excellents : arrêt, amorti, jeu de tête, passe, centre...

Nous jouions annuellement cinq à six matches amicaux internationaux pour les habituer à la grande compétition et les aguerrir... (Mali, Togo, Bénin, Côte d’Ivoire) En coupe d’Afrique des clubs champions contre le Mouloudjia d’Alger, nous avions gagné 2-0 à Bobo et perdu 4-0 à Alger, température 8° ; terrains et chaussures inadaptés, 3 buts sur balles arrêtées dont un penalty sur les quatre encaissés. Baptême du feu raté par inexpérience sans être techniquement inférieur à l’époque à cette équipe algérienne. Les autres sorties furent des échecs surtout qu’entre-temps, nous avions perdu 50% de notre effectif, partis monnayer leurs talents souvent trop tôt et ce fut pour moi la plus grande désillusion en football.

Mais, d’une manière générale, nous avions échoué, nous (ASFA-Y, EFO, ASFB, RCB...) pour des détails malheureusement importants. Cette équipe du RCB, dans nos prévisions, devraient jouer dans les quatre, cinq ans au moins une demie-finale de coupe d’Afrique, mais hélas nous n’avions pas les moyens surtout financiers de nos ambitions ; il nous est arrivé d’annuler un regroupement de nos joueurs à Matourkou, à la veille d’une coupe d’Afrique pour cinq cent mille francs.

Aujourd’hui, ces moyens existent, mais sans le reste, donc idem. Avec l’ASRAN, l’actuel RCK, nous avons perdu en 8e de finale contre les Sierra Fisheries (équipes du port de Freetown Sierra Leone) 1-1 à Ouaga et 1-0 à Freetown sans avoir jamais été encore une fois inférieurs. A Ouaga, nous devions gagner par un écart d’au moins 3 buts. Ces exemples prouvent que nos clubs ont souvent échoué pour des détails, excepté l’EFO qui est curieusement souvent tombée sur les équipes du Maghreb. Les prouesses du Kadiogo

A L’époque, c’était une formation de la ville de Ouagadougou qui savait tirer son épingle du jeu. Ses résultats ne sont pas décevants et jugez- en vous-mêmes.

1977 : 1/4 de finale perdue contre le Canon de Yaoundé (au sommet à l’époque), après avoir éliminé le Kaloum Star de Guinée Conakry en 8e de finale.

Ouaga : victoire du Kadiogo : 2-1 Yaoundé : victoire du Canon : 3-1, 3e but marqué pendant les arrêts du jeu
1978 : 1/2 finale perdue contre le Horoya de Guinée après avoir éliminé en 1/4 de finale le grand Zamalek du Caire. 3 - 2 à Ouaga et 0-1 à Conakry. Ce but à l’extérieur compté double fut entaché d’irrégularités et marqué à la 93e mn.
1979 : 1/2 finale encore perdue de justesse contre le Gormaya du Kenya.

Les Silures de Bobo aussi...

Cette équipe de la ville de Bobo-Dioulasso s’est payé le luxe de sortir l’AFRICA Sports qu’elle a battue 3- 1 chez elle. A l’aller, les Aiglons l’avaient emporté par 2 buts à 1. En quart de finale, elle est tombée face au Hafia FC aux tirs au but : 0-1. A l’aller comme au retour, chaque équipe avait gagné par 1 but à 0. Le Hafia fut cette année-là le champion d’Afrique. Selon le journaliste Aboubacar Kanté, les Silures de 1979 méritaient de jouer la finale. L’entraîneur de l’Africa, le Guinéen, Chérif Souleymane, et de nombreux autres techniciens de l’époque ont aussi reconnu cela.

Je n’oublierais jamais ce match que nous devrions gagner. Après cet échec, les Silures sont restés entre les 16e et 8e de finale après avoir perdu également de nombreux joueurs venus à Ouaga ou partis au Mali ou en Côte d’Ivoire.

L’objectif d’une telle note très incomplète, bien sûr, est de montrer que nous avons toujours eu le potentiel nécessaire pour faire bonne figure en coupes africaines des clubs, mais pour des raisons diverses (préparation, encadrement) nous sommes toujours à la traîne, et au regard de ce qui se passe, cela pourrait continuer encore tant au niveau des clubs qu’à celui des Etalons.

Que manque-t-il donc à nos clubs, à nos joueurs ?

Nos joueurs doivent être techniquement au-dessus de la moyenne, psychologiquement, mentalement et moralement forts, ce qui ne semble pas être le cas aujourd’hui. Y a-t-il un joueur dans notre championnat actuel du niveau de SAP (Kaboré Joseph), Pierre Sanou Kallé, Antoine, Pascal, Zacharia, Agnama, Sorcier, Sall, Doul... ?

Aujourd’hui, nos clubs ont relativement un peu plus de moyens, mais tout le reste laisse hélas à désirer : des déficits dans la solidarité, dans la reconnaissance, le choix de l’encadrement technique, la formation, le choix des athlètes, et l’engagement des dirigeants et supporters...

Le président de l’ASEC Mimosas maître Ouégnin m’a dit à deux reprises après des défaites de nos clubs à Abidjan : "Fofana, nous vous battons depuis les vestiaires. J’ai feint de ne pas comprendre et lui ai demandé la cause. Il m’a répondu ceci : "Un stade Houphouët-Boigny plein à craquer avec 40 000 supporters dont 90% habillés en jaune et noir entretenant une ambiance et une animation folles, vos jeunes joueurs, malgré leur talent, sortent paniqués des vestiaires et 3 ou 4 tremblotent avant le coup d’envoi. Résultat : quinze ou vingt minutes de jeu, on vous planque 2 , voire 3 buts et c’est fini... Le reste du match peut se stabiliser, mais trop tard.

A ce niveau, il faut avoir l’humilité de rendre hommage à Saboteur, grâce auquel en partie ce complexe a disparu au niveau des Etalons. A sa descente d’avion, il avait déclaré aux journalistes ivoiriens que son équipe est venue pour battre les Eléphants à domicile et un match nul serait leur victoire.

A l’heure où le football prend une autre dimension,il faut mettre fin à certaines mesquineries et à l’improvisation, et devenir plus professionnels. Par exemple, je pense personnellement que le terrain ne peut pas expliquer toute l’ampleur de la débâcle de l’ASFA-Y( 8 -1) . Bravo à l’entraîneur Bamour Fall qui a dit : "Il y a eu certes le terrain, l’arbitrage, mais surtout les limites objectives de notre effectif".

La plupart des supporters ne jouent pas pleinement leur rôle à tous les niveaux : peu de cotisations, propension à la gratuité de l’accès au stade, timide animation, critiques stériles....

Part trop belle aux équipes étrangères qui ne nous rendent pas le 10e chez elles. Restons fair-play, mais dans les limites des normes de la CAF et de la FIFA. L’EFO était orpheline contre la WAC dans un stade muet et un maigre public réagissant plus aux déchets des joueurs qu’à leurs beaux gestes... et avec ça nous ambitionnons de joueur les premiers rôles. Il faut arrêter la plaisanterie.

A l’avenir, il faudrait prendre des dispositions idoines avant les déplacements à l’extérieur :
moins de complaisances dans les différents choix (délégués, joueurs...) ;
équipements sportifs adaptés (terrain synthétique par exemple) ;
transport, hébergement, etc...

Accepter de former à la base et donner les moyens aux clubs sans lesquels les Etalons n’existeraient pas ; or tout ou presque va à l’équipe nationale sans résultats probants. La Fédération vient, semble-t-il, de prendre à bras-le-corps la question des centres de formation. Et avec le championnat des petites catégories les choses devraient bouger. C’est tant mieux.

Les dirigeants doivent être des passionnés (positivement), des volontaires très disponibles et dévoués, et toutes autres motivations, comme c’est le cas souvent chez nous, conduisent inéluctablement à l’échec.

Dans le sport amateur ou c’est en principe du bénévolat, la tricherie pour accéder aux postes de responsabilité dans les clubs ou même dans les instances dirigeantes est "anti-performances". Exemple : en 1997, élection de la Fédération de boxe à Koudougou, j’étais président du BCB (Burkina club de boxe), club de Nabaloum Dramane (Boum-boum), d’Esaïe Kabré (le plus grand promoteur de gala de boxe au Burkina).

Pour m’être intéressé également à la boxe depuis 1976 avec l’ex-champion Moussa Ouattara à Bobo sans être vraiment un passionné, les collègues de la majorité des ligues ont voulu que je sois président et j’ai dû discuter pendant une heure pour leur faire comprendre difficilement que je n’étais pas l’homme de la situation. J’ai proposé à ma place M. Nazaire Tapsoba de mon club qui a été élu président de la Fédération burkinabè de boxe.

Cet exemple, donné sans aucune prétention, appuie l’idée qu’on devrait accepter de diriger les structures du sport amateur lorsqu’on est sûr d’y apporter quelque chose. Et il faut savoir refuser lorsqu’on n’est pas sûr ou lorsqu’on est mû par d’autres motivations. Tous nos grands joueurs venaient des quartiers, des secteurs et des lycées et collèges. Donc, il faut mettre également l’accent sur les activités sportives à ces niveaux. La ville de Bobo offre particulièrement des atouts au développement du football.

De tout temps, Bobo a été le centre naturel de formation des jeunes. Les nombreux tournois et autres maracanas qui, du reste, se pratiquent de plus en plus à Ouaga et dans les autres régions du pays.

Mais depuis quelques années, Ouaga est en train de devenir artificiellement le centre de concentration des joueurs du Burkina. Loin de moi bien sûr tout jugement de valeur entre les jeunes des deux régions, mais ce que je veux faire comprendre est objectif. Un seul exemple : quand j’étais président du RCB, je voyais en moyenne, en dehors du terrain d’entraînement, une fois par jour tous mes joueurs titulaires et il en était de même des autres dirigeants.

Cela nous permettait d’être plus proches d’eux et donc de mieux les connaître et comprendre leurs problèmes. Cette proximité est valable pour tous les clubs de Bobo. Cela est-il objectivement possible à Ouagadougou ? Et ce n’est pas pour rien qu’un joueur bobolais sur deux ne se retrouve pas pleinement une fois transféré à Ouaga. Cas entre autres, de feu notre ex-joueur Jules Kadeba transféré à l’EFO. Il y a bien sûr d’autres raisons.

Malheureusement, depuis quelques années, la meilleure équipe de Bobo dans le championnat national se classe 5e ou 6e ; c’est artificiel et non conforme à la réalité, et par conséquent pas très intéressant pour notre football. Bien sûr on pourrait me répondre que les clubs sont des entités autonomes et que ce n’est la faute de personne, mais chacun de nous sait pourquoi actuellement les quatre premiers du championnant sont de Ouaga et les trois derniers de Bobo. Que personne n’y voit autre chose que l’avis discutable et sujet à débats d’un amoureux du football.

Je voudrais profiter de l’occasion pour souhaiter bonne chance aussi aux Etalons malgré les assurances données par les premiers responsables de la Fédération avant l’arrivée de Todorov Ivica dans l’Observateur du 14/04/04 page 22 : (l’entraîneur sera là et dans les délais ; nous avons une ossature...). Je souhaite seulement qu’ils aient raison, mais telles que les choses sont encore engagées, les mêmes causes pourraient produire encore les mêmes effets. Restons au Burkina, cela signifie soyons plus modestes et plus humbles en sachant tirer les leçons des événements encore frais.

Il faut surtout éviter de mettre trop de pression sur l’encadrement technique et la FBF qui seront naturellement sous-pression après tout ce qui s’est passé. Mais rien n’étant mathématique en la matière, il faut les aider et ne mettre aucun bâton dans les roues. Pour des managers de valeur et qui font leurs preuves tous les jours dans les institutions qu’ils dirigent par des innovations, ils devraient améliorer leur communication pour plus d’efficacité.

Demba Fofana

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