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Elections au Burkina : Pour une police spéciale contre les fraudes

Publié le vendredi 1er juin 2007 à 08h05min

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Au Burkina Faso, la fraude électorale est devenue un sport national. Le phénomène n’inquiète personne : ni les populations qui subissent, impuissantes, ces viols répétés tous les cinq ans, des principes républicains, à ce dévergondage de la démocratie ; ni les pouvoirs politiques dont certains s’en accommodent aisément, pour ne pas dire qu’ils en sont les principaux bénéficiaires ; ni les leaders politiques, même ceux-là qui en sont les premières victimes.

Le comble dans cette affaire, c’est que même les partis qui ne cessent de se proclamer comme étant forts, recourent à la fraude. Les dernières législatives en ont donné la preuve.

La fraude est un acte anti démocratique. Elle fausse le jeu démocratique. La fraude dénature la démocratie. Elle est un refus net du libre arbitre de l’électeur. Les adeptes de la fraude renient au citoyen sa capacité et sa volonté de choisir librement. Au finish, les fraudeurs foulent au pied les principes de la démocratie. Les pays qui la pratiquent sont tout sauf des démocraties. Ce sont des dictatures, des autocraties. Dans ce contexte, les élections sont des alibis pour s’attirer les bonnes grâces des bailleurs de fonds. Comme on le dit couramment : ils font l’âne pour avoir du foin, en présentant au monde extérieur une parodie de démocratie.

Mais s’agissant de la fraude, de sa pratique qui prend des proportions inquiétantes d’une élection à l’autre, au Burkina Faso, on est devant un grand dilemme : "Qui sanctionner ? Qui est chargé de sanctionner ?" La fraude est-elle devenue une fatalité au Burkina ? Certainement que non ! Des pays ont trouvé une parade contre les fraudes. En Thaïlande, le parti de l’ancien Premier ministre qui a été chassé du pouvoir en septembre 2006 par l’armée, a été rayé de la liste des partis politiques par les nouvelles autorités du pays au motif qu’il recourait systématiquement à la fraude. D’où sa longévité au pouvoir.

Peut-on lutter contre la fraude telle qu’elle a cours au Burkina ? Comment lutter contre cette pieuvre au Burkina ? La première étape consiste à créer une police spéciale des élections. Ce sera une police dont la mission essentielle est de réprimer les fraudes et les fraudeurs. Cette force spéciale sera placée sous la tutelle d’un organisme indépendant, jouissant d’une crédibilité nationale. Elle sera composée de personnes également crédibles. Les sanctions qu’elle va infliger seront graduées : le dernier palier étant une interdiction définitive du délinquant et du parti pour lequel il opère, de prendre part à toute consultation populaire. On peut mettre un visage et un nom derrière la plupart des fraudes dénoncées au cours des dernières législatives.

Par exemple, pour les personnes qui ont voté en présentant un acte de naissance ou un jugement supplétif d’acte de naissance fraîchement établi, il suffit de remonter la filière pour aboutir aux responsables qui ont signé et distribué ces documents. Nous savons tous que n’importe qui ne peut s’improviser en maire et secrétaire de mairie pour signer ces documents qui sont des documents administratifs. Malgré les nombreuses dénonciations qui ont été faites lors de l’élection du 6 mai dernier, personne n’a été inquiété.

Personne ne sera inquiété. Par contre, si un organisme indépendant existait, ayant comme bras armé une police spéciale chargée de la répression des élections en période électorale, il lui incomberait la tâche de poursuivre les investigations afin de mettre la main sur les signataires des documents frauduleux et leurs commanditaires. Il faut les sanctionner sévèrement pour donner l’exemple et dissuader tous ceux qui seraient tentés d’utiliser cette courte échelle pour parvenir aux fonctions électives.

La deuxième étape consiste à se mettre d’accord sur le document qui doit permettre de s’inscrire sur une liste électorale et de pouvoir voter par la suite. L’analphabétisme des populations ne saura être un prétexte valable. Si des partis politiques ont des ressources pour fabriquer des centaines et des milliers de faux actes de naissance pour les distribuer à leurs militants le temps d’une campagne électorale, ils ne manqueront pas de moyens pour faire acquérir par leurs militants des documents normaux. C’est tout au plus une question de volonté. Mais aujourd’hui, cette volonté est absente parce que la fraude arrange bien des décideurs.

Demain, des députés, élus grâce à la fraude, vont arriver à l’Assemblée nationale. Ils vont délibérer. Ils vont participer au vote de lois que les institutions judiciaires seront chargées d’appliquer. Des lois qui régiront l’ensemble des Burkinabè. Sur quelle légitimité se fonde l’action de ces hommes et de ces femmes qui sont parvenus par la violence et le vol dans le temple où s’élaborent et se discutent les lois qui normalisent la vie de tout un peuple ?

Il est plus que temps pour les peuples africains d’une manière générale, et pour le peuple du Burkina en particulier, de prendre l’option claire d’aller à la vraie démocratie. Parce que les élections frauduleusement remportées, les hold-up électoraux sont sources d’instabilité des institutions républicaines.

L’exemple du Tchad, où le président Idriss Déby Itno qui a été très mal élu et qui doit faire face à une rébellion, est assez édifiant. Ne nous complaisons surtout pas à dire chaque fois : "Cela ne pas arriver ici". Les seuls remparts, sur lesquels peut compter un régime, ce sont la démocratie assise à partir d’élections justes, transparentes et équitables, et la justice. Pour cela, il faut bannir les pratiques frauduleuses lors des élections.

Ne disons surtout pas que ce n’est pas possible. Si nous avons sincèrement besoin de démocratie, cela est possible. Tout le problème est dans cette question : sommes-nous vraiment sincères quand nous parlons de démocratie ? Cessons enfin de faire semblant. Car il est question de destin d’un peuple, de notre peuple.

Le Fou

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