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Toussaint Abel Coulibaly (UPR) : "Plus jamais personne ne se fera élire en dormant"

Publié le lundi 28 mai 2007 à 08h53min

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Toussaint Abel Coulibaly

L’UPR sera représentée à l’Assemblée nationale pour les 5 prochaines années avec 5 députés contre 10 à la législature sortante. Toute chose qui ne réjouit pas le premier responsable du parti du baobab. Dans l’entretien qu’il nous a accordé à l’issue du meeting de remerciement à Dédougou, Toussaint Abel Coulibaly évoque les raisons de la contre-performance de son parti, fustige l’attitude des fraudeurs, et se penche sur le taux d’abstention.

Le Pays : Quelle appréciation faites-vous des résultats des législatives 2007 en tant que président de l’UPR ?

Toussaint Abel Coulibaly : Les résultats ont été sincèrement en deça de nos attentes. Nous sommes allés aux élections avec une dizaine de députés sortants sur les listes et nous nous retrouvons avec 5 élus pour le moment. De façon globale même si nous restons la 3e force politique, il est à regretter que certains de nos collègues qui étaient déjà des élus et des personnalités que nous trouvions susceptibles de venir à l’Assemblée ne l’aient pas été. Même s’il y a des satisfactions, il y a quand même des regrets quelque part. Cela ne nous dispense pas de féliciter et de remercier les militants qui nous ont accordé leur confiance. Ceux qui n’ont pas pu être élus ce n’est pas parce qu’ils n’ont pas eu de suffrages mais des suffrages qui n’ont certainement pas été suffisants. Il y a lieu de remercier les militants de 33 provinces où le parti a présenté des listes. C’est grâce à ces militants que nous pouvons maintenir notre rang sur l’échiquier politique national.

Qu’est-ce qui justifie cette contre-performance ?

Je crois qu’il faut d’abord la situer dans un contexte général. Déjà au niveau du taux de participation, il faut noter que sur plus de 4 millions d’inscrits, seulement un peu plus de 2 millions ont voté. Le taux d’abstention est très élevé. Si ces abstentionnistes se trouvent être vos militants ou vos sympathisants ça peut être l’une des causes de cette contre-performance de nos candidats dans certaines circonscriptions. Il faut aussi relever que dans certaines circonscriptions nos militants ont subi d’énormes pressions. Je sais de quoi je parle, je ne citerais pas de province ou de situations spécifiques, mais il m’est revenu en tant président du parti que nos militants ont subi des pressions venant de divers partis politiques qui sont à la limite du chantage. Dans d’autres localités, il y a eu des fraudes massives. C’est le cas de la province de la Gnagna où des recours ont permis de faire annuler les résultats des communes de Mani et de Piéla. Cela démontre également qu’il y a eu des fraudes en plusieurs endroits.

Toutes choses qui ne font pas avancer la démocratie. A l’UPR nous sommes pour l’état de droit démocratique. Nous sommes pour que les citoyens s’expriment librement et élisent librement leurs députés. Lorsqu’il y a des entraves cela peut jouer sur des résultats des personnes qui veulent gagner honnêtement des élections. Ce n’est pas une excuse mais c’est l’une des causes des échecs de l’ UPR à certains endroits. A cela il faut aussi ajouter que certains militants du parti ont travaillé, ont ramé à contre-courant contre les intérêts du parti, et cela n’est pas fait pour arranger les choses.

Comment éviter cette fraude dont on parle tant ?

Nous l’avons déjà dit lors de nos journées parlementaires. Ce n’était pas dans le cadre de l’UPR, mais notre parti était partie prenante. Nous avons dit qu’il faut copier ce qui est bien chez les autres. Le système électoral béninois est un système qui a fait ses preuves par l’identification de l’électeur par un document unique. Nous avons aussi vu le cas du Togo où on est en train de mettre en oeuvre une carte d’électeur infalsifiable avec photo. Et je crois que nous devons parvenir ici au Burkina à avoir une carte d’électeur avec photo et que les documents permettant de voter soient réduits au minimum.

Parce qu’en certains endroits les cartes qui restent entre les mains des démembrements de la CENI sont utilisées à d’autres fins avec comme support des actes de naissance. Et comme ces documents n’ont pas vocation à identifier physiquement l’électeur, les gens utilisent ça comme méthode de fraude. C’est donc aux partis politiques de monter au créneau pour dénoncer cet état de faits. A l’UPR nous n’entendons pas nous laisser voler nos résultats à l’avenir par la fraude.

Mais il faut que tous les acteurs politiques s’y mettent, parce qu’à force de fausser les résultats des scrutins, ça finit par exacerber certaines franges de la population et on ne sait pas où ça peut aller. La fraude n’est pas un moyen de gagner les élections, et nous devons tous ensemble travailler pour la minimiser ou l’éradiquer parce que, il y va de la survie de notre démocratie. Quand ceux qui sont à l’Assemblée ne sont pas les vrais "représentants" des populations, quelque part ces populations ne se reconnaissent pas en leurs élus, ce qui les amène souvent à ne pas participer positivement aux activités que les députés mènent. Vous devenez comme un député imposé, et c’est l’une des conséquences de la fraude.

Qu’est-ce qui justifie selon vous ces fraudes dont on parle tant ?

Certains candidats savent d’avance que c’est la seule voie pour eux de gagner les élections. Lorsque vous n’êtes pas un candidat consensuel, un candidat qui jouit d’une certaine popularité dans une circonscription et vous vous retrouvez sur la liste d’un parti, forcément les électeurs se tournent vers d’autres partis politiques où ils ont des candidats auxquels ils s’identifient. A partir de ce moment la fraude devient le seul moyen pour le parti politique qui a aligné ce candidat qui n’a pas l’assentiment des populations. Lorsque les candidats positionnés par les partis politiques sont des candidats acceptés par les populations dans les circonscriptions il n’ y a pas de fraudes.

En moins de 5 ans d’existence l’UPR a ravi la vedette à certains ténors de la scène politique nationale. Elle est aujourd’hui la 3e force politique du pays. Qu’est-ce qui explique cette ascension fulgurante ?

Je crois que l’histoire nous a donné raison. Au moment où nous créons l’UPR personne ne donnait longue vie à ce parti politique. Il a été créé à l’initiative d’une dizaine de députés qui avaient senti la nécessité du regroupement pour créer une force. Tous les partis qui sont nés après nous sont allés dans ce sens. Cette union des forces nous a permis aujourd’hui d’être la 3e force politique. Cependant il ne faut pas dormir sur les lauriers parce que le combat est loin d’être gagné. De fait ou de droit les partis politiques au Burkina en réalité ne devraient pas excéder une quinzaine. Quelle que soit l’élection à laquelle les partis politiques prennent part on s’est toujours retrouvé avec au maximum une quinzaine qui émergent. Cela nous interpelle tous en tant qu’hommes politiques à suivre la voie de l’unité d’actions, de l’union de forces pour aussi permettre aux populations de mieux s’orienter, parce qu’il y a tellement de partis politiques qu’on ne sait plus qui est libéral, qui est socio - démocrate, qui est communiste.

C’est vraiment un imbroglio dans lequel l’électeur ne se retrouve pas. Ce qui fait que la majorité préfère s’abstenir ou camper derrière une idéologie qui n’est pas toujours forcement celle qui les arrange. Nous sommes pour l’union mais pas pour l’union à tout prix. Nous sommes pour l’union à condition que chacun sache garder sa place et qu’il sache qu’il n’est pas indispensable et que celui avec qui il s’unit est utile pour lui autant qu’il est pour ce dernier. La complémentarité doit être la règle et non pas la recherche de leadership parce qu’un leader ne se décrète pas, il se forge. Dans un regroupement on doit attendre son heure et savoir souvent aller bas pour mieux rebondir. Il y a ceux qui ont voulu faire cavalier seul et les résultats sont là pour démontrer qu’ils ont eu tort. Si c’était à refaire nous n’hésiterions pas. Mieux chemin faisant nous avons opéré un autre regroupement avec 3 autres partis politiques d’où l’arrière-goût amer que j’ai parce que tous n’ont pas été élus.

Contrairement à certains leaders des partis, vous vous êtes positionné sur la liste provinciale du Mouhoun. Est-ce parce que vous aviez confiance à votre base ou une simple détermination ?

Confiant, pas. Mais déterminé, oui. Un homme politique doit avoir avant tout un fief électoral. Un homme politique qui n’a pas d’assise politique dans sa région ou sa province d’origine, ne peut pas se prévaloir d’un apport sur l’échiquier politique national. Je me suis dis qu’en tant que personne "nouvelle" (parce que je suis en politique de façon active depuis 1998 au Burkina) il fallait que je me présente dans ma circonscription d’origine. Cela pour tester d’abord mes capacités à poursuivre le combat, à poursuivre dans l’arène politique ou à ma retirer si d’aventure je ne trouve d’assise à la base. Il ne faut pas aller chercher loin ce qu’on peut avoir à côté. C’était un risque certes, mais le risque valait la peine d’être pris.

Cela m’a permis également d’ouvrir une place pour quelqu’un d’autre sur la liste nationale. J’aurais pu me présenter sur la liste nationale comme d’autres leaders de certains partis, mais je pense n’être pas encore au stade où je dois me présenter sur la liste nationale d’un parti même si j’en suis le président. Toutes les fois que l’occasion se présentera je serais sur la liste de ma circonscription d’origine car je préfère être élu à ma base ou échouer à ma base et en tirer les conséquences. Les résultats obtenus sont d’autant satisfaisants, puis qu’en 2002 j’ai été élu avec moins de 5 000 voix au niveau régional. 5 ans après je suis élu avec plus de 14 000 voix.

Je ne vois pas le mérite que j’ai plus que d’autres d’obtenir ces résultats. Cela me permet de me rendre compte de l’appréciation positive que les populations font de nos actions. Je suis d’autant plus marqué par la contribution de la jeunesse. Cette jeunesse a été très active. Sans elle nous n’aurions pas pu obtenir ces résultats. C’est le lieu ici pour moi de les en remercier. Cette jeunesse a été le fer de lance, elle a entraîné les femmes, elle a entraîné les anciens.

Au départ on ne vendait pas chère notre peau, et je crois que désormais il faudra compter avec 2 forces politiques d’un niveau sensiblement égal au Mouhoun.

Vos adversaires politiques vous accusent d’avoir utilisé l’artillerie lourde pour ces élections...

L’artillerie lourde c’est quoi ?

L’argent...

Il n’y a pas lieu de se focaliser sur les moyens parce que ce n’est pas sûr qu’avec les mêmes moyens un autre candidat aurait pu faire le même résultat. Je crois qu’il y a une chose qu’il faudra qu’on sache désormais. Nous suivons tous les courses hippiques. Quand on doit miser sur un cheval, ce n’est pas sur le moins bon qu’on mise. On mise sur celui qui semble favori. L’artillerie lourde dont il est question a été utilisé par nos adversaires aux élections municipales pour leurs permettre d’avoir 10 conseillers de plus que nous. Nous nous sommes entourés de personnes vivant dans la circonscription qui connaissent les réalités du terrain contrairement à certains partis politiques qui battaient campagne avec des gens qui faisaient 1 ou 2 ans sans venir dans la province. Même des personnes de bonne volonté nous ont soutenu pour une fois. Il n’y a pas de mal à soutenir un parti quand on sait que celui qui l’incarne peut apporter quelque chose à la province.

Comment appréciez-vous le taux d’abstention constaté lors de ces élections législatives ?

Le taux d’abstention m’inquiète, et je tiens à attirer l’attention des hommes politiques. Il ne faut pas se contenter des résultats obtenus et dire que tout va bien. Il faut plutôt chercher à savoir pourquoi les gens s’abstiennent lors des élections. Tant que nous n’aurons pas examiné cette question d’abstentionnisme, nous allons toujours avancer avec la moitié des électeurs ou des électeurs potentiels. Nous aurons une représentativité qui à mon avis aurait pu être plus grande si les 4 millions d’électeurs votaient à 80 ou 90%. Nous ne devons pas nous satisfaire des résultats que nous obtenons mais continuer à travailler pour intéresser nos populations à la chose politique, intéresser nos populations aux élections.

On entend souvent dire par ci, par là que vous votez ou vous ne votez pas ça ne change rien. Or c’est aux hommes politiques de dire que justement voter ça change quelque chose et le démontrer. Tant que nous n’arriverons pas à faire cette courroie de transmission entre ces abstentionnistes et les votants, ça va toujours être compliqué. Il faut retrouver absolument ces abstentionnistes dans nos circonscriptions respectives et cela passe par l’éducation que nous impose la Constitution. La Constitution impose aux partis politiques l’éducation des populations.

C’est un travail que nous ne faisons pas assez. C’est seulement au moment des élections que nous demandons aux populations de voter sans leur dire pourquoi elles votent en se contentant des promesses de ceci ou de cela. Ça ne suffit plus pour motiver les populations à aller aux urnes et il faut donc que les hommes politiques changent de méthodes d’approche pour que les populations soient longtemps préparées à l’avance et non pas attendre la veille des élections pour venir dire que la couleur bleue est la meilleure ou c’est la verte qui est la meilleure

Quels sont les premiers enseignements que vous tirez de ces législatives ?

Désormais les places de députés vont coûter cher. Plus jamais quelqu’un ne pourra dormir et être élu. Il ne suffirait plus de présenter une étiquette bleue ou une étiquette rouge pour être élu. Il faut que vous soyez d’abord cautionné par la population, que cette population sache que de par votre passé ou de par vos agissements vous êtes en mesure d’apporter un plus à la province. Dans le temps, il suffisait de se présenter par une étiquette ou d’être tête de liste dans certains partis politiques pour être élu.

Ces élections nous ont prouvé qu’il ne s’agit plus de se battre uniquement pour être tête de liste d’un parti, mais il faut se battre pour gagner les élections. Au sein des partis politiques le positionnement n’est plus facile et quand on se positionne il faut se battre. Aujourd’hui les populations sont plus regardantes sur le mandat de député. Pour solliciter un second mandat il faut faire le bilan du mandat passé. Si vous avez un bilan négatif quel que soit le parti qui va vous positionner vous aurez des difficultés à passer. Je crois que ça contribue aux intérêts des populations que nous représentons.

Le 5 juin prochain vous allez entamer votre second mandat à l’Assemblée. Qu’est-ce que les populations de votre circonscription peuvent attendre de vous durant les 5 prochaines années ?

Le constat reste le même. La province du Mouhoun fait partie de la région de la Boucle du Mouhoun qui est la 2e région la plus pauvre du pays. En cette période de décentralisation les termes restent les mêmes. Pour les routes, il y a des plans sectoriels qui ont prévu leur aménagement. En ce qui concerne les barrages et les retenues d’eau, à ma connaissance il n’ y a aucune mesure qui est prise aujourd’hui pour réaliser dans notre province des barrages et des retenues d’eau quand bien même il y a des sites favorables. Il m’a été souvent dit qu’il faut attendre le plan d’aménagement du territoire mais je dis que ça reste quand même une priorité parce que avec de plus de 90% de population agricole, tant que nous n’aurons pas de retenues d’eau et de barrages dans notre province, malgré que nous soyons parmi les meilleurs producteurs de coton et de céréales nous serons toujours parmi les pauvres du pays.

Le cri de coeur des populations est toujours axé vers ces réalisations hydrauliques. Comme nous sommes chargés en tant qu’élus de porter la voix de ces populations, d’interpeller le gouvernement dans ce sens, nous allons continuer en espérant être entendu pour le bonheur des populations. Tout cela rentre dans le cadre de la répartition équitable des ressources de l’Etat. Ce n’est pas pour faire du régionalisme mais je crois que les disparités sont reconnues. Lorsque ces disparités sont identifiées, il suffit de corriger. Nous n’allons pas varier notre façon de voir et de dire les choses pour peu qu’elles restent dans un cadre légal républicain sans aucune arrière-pensée. Je m’efforcerai dans les limites de mes attributions de député de représenter les populations qui ont eu confiance en moi pour la seconde fois. J’espère bien ne pas les décevoir. Il y a également que les infrastructures sanitaires (CSPS) sont distantes de plus de 30 km alors que les normes de l’OMS prévoient une distance de 10 km.

Peut-on s’attendre à l’entrée de l’UPR dans le prochain gouvernement ?

S’il y a une chose dont je n’aime pas parler, c’est bien ce qui ne me concerne pas. L’affaire du gouvernement relève du pouvoir discrétionnaire du chef de l’Etat.

Et si le parti est sollicité ?

Seulement si on est sollicité, en ce moment si vous posez la question, je saurai quoi répondre. Mais en attendant, on n’est pas sollicité. Je suis élu député, je me consacre à terminer mon mandat et à débuter le nouveau mandat. Ce sont les prérogatives que les élections m’ont conférées.

Propos recueillis par Serge COULIBALY

Le Pays

P.-S.

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Vos commentaires

  • Le 29 mai 2007 à 10:46 En réponse à : > Toussaint Abel Coulibaly (UPR) : "Plus jamais personne ne se fera élire en dormant"

    Pourtant, bien de députés se sont encore fait élire en dormant, aprés s’être juste assuré de leur positionnement sur la liste du parti car c’est là-bas que se joue l’élection ! Et puis, comment empêcher que ces mêmes n’aillent dormir à l’hémicycle si c’est pour si peu ?
    Au Faso, en fonction de votre connexion avec le pouvoir, vous ête nommés, élus, proposés...en dormant ! Vous verrez avec le prochain gouvernement qui vient.

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