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Abdouramane BOLY, membre du Conseil constitutionnel : "On a grossi les faits dans la presse..."

Publié le jeudi 24 mai 2007 à 08h19min

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Abdouramane BOLY

Le Conseil constitutionnel, on le sait, est l’institution habilitée à se prononcer sur la régularité d’un scrutin à travers l’examen des recours dont il est saisi par les acteurs politiques ou des rapports de ses équipes de supervision. Que dit-il du scrutin législatif du 6 mai à l’issue duquel nombre de gens ont crié à la fraude ? Nous avons approché pour vous M. Abdouramane BOLY, membre de cette institution et coordonnateur de ces législatives.

En quoi consiste votre tâche de coordination des élections ?

Abdouramne BOLY (AB) : Il s’agit de superviser la gamme de travail que le Conseil constitutionnel abat au cours d’un scrutin. Je vous imprègne alors de ce travail. Ainsi, je dois dire que notre institution a compétence pour s’assurer de la régularité des élections, de leur préparation à leur déroulement jusqu’à la proclamation définitive des résultats.

Dans ses attribuions, le Conseil constitutionnel, il va de soi, a une série d’activités à mener de sorte que celles-ci embrassent aussi bien le déroulement de la campagne électorale lorsque nous en sommes saisis ou lorsque la situation est telle que le Conseil constitutionnel doit intervenir pour rétablir l’égalité entre les candidats pour ce qui est du traitement qui leur est fait par l’organe chargé d’organiser la campagne électorale notamment le Conseil supérieur de la communication (CSC). Ses décisions peuvent être portées devant le Conseil constitutionnel si elles sont censées porter préjudice à certains candidats. Il faut avouer que jusqu’à présent, nous n’avons pas été saisis d’une telle contestation.

Par ailleurs, le jour du scrutin, le Conseil constitutionnel est chargé par le biais de ses délégués qui sont choisis parmi les magistrats de l’ordre judiciaire de contrôler les opérations de vote au niveau des bureaux de vote sur l’ensemble du territoire.
Dans ce contexte, nous avons eu recours à plus d’une centaine de magistrats avec l’accord du ministère de la Justice et des chefs de cours que nous avons déployés à travers les 13 régions du pays et toutes les provinces concernées. Sous la supervision des coordonnateurs régionaux qui sont membres du Conseil constitutionnel et quelques uns qui proviennent de la Cour de cassation, du Conseil d’Etat et de la Cour des comptes.

A l’occasion donc de ces législatives, la collaboration de ces magistrats avec les membres du Conseil constitutionnel a permis de contrôler plus d’un millier de bureaux de vote. Nous serons à même à la proclamation définitive des résultats, de donner le chiffre exact des bureaux de vote visités et les sanctions qui pourraient en résulter.
Enfin, à la clôture du scrutin, le Conseil constitutionnel organise la réception des procès verbaux de chacun des 12605 bureaux de vote. Les enveloppes qui nous parviennent doivent comprendre en plus du procès verbal, la feuille de dépouillement, les bulletins nuls que nous examinons.

Nous procédons au contrôle de ces pièces pour voir si elles remplissent les conditions exigées. Il s’agit aussi de relever toutes les observations qui auraient pu être faites par les délégués des partis politiques tout comme les réclamations qui pourraient y être contenues quant à la régularité ou non de l’opération de vote. Un autre volet de nos attributions, c’est bien sûr d’examiner les recours et les réclamations qui nous sont portés à l’issue du scrutin en plusieurs phases. Il faut noter que le Conseil constitutionnel s’autosaisit de certaines irrégularités.

Quelle appréciation faites-vous alors du déroulement de ce scrutin législatif ?

AB : En tant que coordonnateur de ces élections et membre du Conseil constitutionnel, je n’ai pas une appréciation personnelle à livrer. Notre appréciation sera portée à la connaissance du public lors de la proclamation définitive des resultats qui fera l’objet de la délibération de l’ensemble du Conseil constitutionnel.
A l’occasion, celui-ci va établir son procès verbal de recensement général des votes en relevant tous les éléments positifs comme négatifs qui auront caractérisé le scrutin.

A quand donc la proclamation des résultats définitifs ?

AB : Probablement dans la période du 28 au 31 mai.

Quels sont les types de recours dont votre institution a été saisie ?

AB : A la date du samedi 19 mai qui était le délai de rigueur pour les recours relatifs au scrutin, nous en avons reçu 14. Avant les élections, nous avons été saisis de dix recours portant sur les contentieux des listes. Revenons-en aux quatorze recours d’après les élections. Six ont déjà fait l’objet d’examen et de décision. Sur les six déjà examinés donc, il y a trois pour lesquels les requérants se sont désistés et nous en avons pris acte. Les trois autres ont fait l’objet de décision tendant à l’annulation du scrutin dans 27 bureaux de vote du secteur 10 de Ouagadougou, dans 2 bureaux de vote dans le Boulmiougou et aussi une annulation concernant l’ensemble des bureaux de vote (plus de 100) des communes de Piéla et de Mani dans la province de la Gnagna. Ces recours concernaient la régularité du scrutin et du dépouillement, c’est-à-dire les irrégularités constatées le jour des élections.

Ces irrégularités ont trait aussi bien à la fraude qu’à la mauvaise tenue des bureaux de vote par l’administration électorale. Il y a des fraudes qui relèvent de certains actes politiques notamment dans le secteur 10 de Ouagadougou où il y a eu des manœuvres dans l’établissement de fausses-pièces d’état civil permettant la confection des cartes d’électeurs occasionnant le vote des personnes sous une fausse identité. Dans la Gnagna, il y a eu des faits similaires avec des éléments probants que nous ont fournis les requérants. Nous avons donc procédé purement et simplement à l’annulation du scrutin dans les bureaux de vote concernés.

S’agissant des huit autres recours reçus entre le 16 et le 19 mai, ils émanent des formations politiques ou de certains candidats qui contestent aussi bien les résultats provisoires proclamés par la CENI ou qui mettent en cause la régularité du scrutin. Les localités concernées sont le Ioba, le Houet, le Sanguié, le secteur 10 de Ouagadougou, le Yatenga. Il y a le recours d’un parti qui demande l’annulation du scrutin dans 15 provinces. Le RPC a même déposé un recours contre le quotien électoral utilisé par la CENI pour l’attribution des sièges sur la liste nationale. Tous ces cas seront examinés et feront l’objet d’une décision d’ici le vendredi 25 mai.

Les annulations faites ont-elles eu des incidences sur la répartition des sièges dans les localités concernées ?

A.B : Il va falloir épuiser d’abord l’ensemble des contentieux pour voir les décisions qui ont été rendues et en tirer les conséquences selon le mode de scrutin que la loi électorale prévoit à savoir la proportionnelle au plus fort reste. C’est au vu de cela que l’on pourrait recalculer pour voir quelles sont les incidences qui en découlent. Mais c’est de deux choses l’une.

Ou bien ces annulations sont telles que les suffrages dont on ne tiendra plus compte n’ont pas d’incidence sur les résultats d’ensemble déjà obtenus. Soit ces annulations, compte tenu du mode de scrutin, peuvent entraîner des changements en ce qui concerne l’attribution des sièges. Dans ce cas, la loi électorale dit que lorsque les irrégularités graves surviennent et qui sont de nature à entacher les résultats d’ensemble du scrutin, on procède à l’annulation des élections dans la circonscription concernée pour les reprendre dans les deux mois suivant la proclamation définitive des résultats.

Il faut souligner que l’annulation des suffrages dans les bureaux de vote ne signifie pas nécessairement la reprise de l’élection. Il faut que les annulations aient atteint un tel niveau que ça puisse changer les résultats d’ensemble pour que selon le code, l’élection puisse être annulée.

Mais, il est important de souligner que nous examinons les recours sans nous soucier de l’impact que ça peut avoir sur les résultats d’ensemble. On ne prend pas des décisions en fonction de l’impact que ça pourrait avoir ou pas. C’est la meilleure façon de travailler dans la sérénité et dans l’objectivité.

Quel sort réservez-vous aux fautifs ?

A.B : Le code électoral prévoit les dispositions pénales en ses articles 101 à 122. Ces dispositions sanctionnent soit de peines d’emprisonnement, soit d’une amende, soit des deux tout comportement frauduleux qui émane d’un électeur, d’un candidat voire d’un membre chargé de l’administration électorale c’est-à-dire d’un bureau de vote. Il y a une panoplie de faits et attitudes qui peuvent être l’objet de poursuites pénales devant un tribunal correctionnel.

Le Conseil constitutionnel n’étant pas une juridiction correctionnelle, n’a pas compétence pour ordonner des poursuites à l’encontre des délinquants ou contrevenants à la loi électorale. Cette prérogative est du ressort des autorités habilitées telles que mentionnées dans le code de procédure pénale. Les victimes peuvent actionner une action publique tout comme le ministère public peut s’en auto-saisir.

Quel commentaire faites-vous de la fraude électorale au Burkina Faso ? Que pouvez-vous dire du degré de perception de la fraude dans ce scrutin législatif ?
A.B : Il faut dire que le phénomène de fraude électorale et les irrégularités est une réalité qui interpelle l’éthique aussi bien des acteurs politiques que celle de l’administration électorale et de façon générale tous ceux qui interviennent dans le processus électoral depuis l’établissement des listes jusqu’à la proclamation des résultats définitifs.

Concernant le deuxième volet de votre question, en tant que membre du Conseil constitutionnel, je ne peux que me prononcer sur les cas de fraude dont on a été saisi. Cependant, c’est que les allégations qui ont été portées dans la presse et les témoignages comparés aux recours dont on a été saisi, il y a une grande disproportion. Est-ce à dire que les personnes intéressées ont grossi les faits ou est-ce que ces faits sont réels et il y a un manque de confiance vis-à-vis du Conseil constitutionnel qui leur laisserait penser que ce serait peine perdue ? En tous les cas, c’est eux qui pourraient répondre à cette interrogation.

Par Drissa TRAORE

L’Opinion

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