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Achille TAPSOBA, membre du CDP : “Nous avons constaté des cas de fraudes sur le terrain de”

Publié le jeudi 24 mai 2007 à 08h17min

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Achille Tapsoba

Il a été beaucoup question de fraudes lors des législatives du 6 mai dernier. Avez-vous constaté ces fraudes et comment se sont-elles manifestées ?

Achille TAPSOBA (AT) : Merci de l’opportunité que vous me donnez de pouvoir m’exprimer sur cette importante question qu’est la fraude électorale. Je pense d’abord qu’il faut qu’on s’entende sur la notion de fraude.

Si on se met d’accord qu’est qualifié de fraude tout acte de mauvaise foi qui contrevient soit à la loi, soit aux règlements et qui nuit aux droits d’autrui, on peut alors qualifier de fraude certains actes qu’on a pu constater lors des élections. D’abord,le premier point sur lequel la fraude a été perceptible c’est au niveau du fichier électoral.

Nous avons quelques éléments de preuve. Il est arrivé que certains retrouvent leur nom sur deux listes électorales différentes. A ce stade ce n’est pas encore de la fraude dans la mesure où le citoyen peut faire valoir son droit de vote sur la base d’une seule liste et renoncer à droit sur l’autre liste. Là on devrait donc parler d’erreur que de fraude, même s’il est vrai que c’est déjà une porte à la fraude et Dieu seul sait combien de gens ont utilisé cette porte ouverte, surtout quand ces multiples inscriptions sont suivies de la délivrance de plusieurs cartes d’électeurs au même individu.

Le problème de la fraude, c’est que la violation de la loi ou du règlement électoral doit être constatée par un acte de flagrant délit. Si le flagrant délit est constaté, on peut estimer qu’il y a eu effectivement fraude. Il peut également y avoir tentative de fraude, ou des intentions de fraude. Par exemple, se faire établir deux cartes d’électeurs. Certains disent avoir pu voter plusieurs fois, et d’autre détenir plusieurs cartes. Le problème se pose alors au niveau du fichier électoral.

Il y a également la fraude au niveau des bureaux de vote où d’aucuns disent que des agents de bureaux de vote auraient voté à la place des électeurs. Il s’agit en fait de constater à la fermeture du bureau qu’il y a des électeurs qui ne sont pas venus accomplir leur droit civique et de se substituer à ces électeurs pour voter. Ça aussi c’est un élément de fraude qui peut intervenir dans les bureaux de vote. Il y a également au niveau de la fraude les falsifications intentionnelles des résultats obtenus par les différents partis sur la base des procès-verbaux. Il y a, semble-t-il, des procès verbaux qui ont été falsifiés du point de vue des résultats obtenus par certains partis.

Mais je voudrais qu’on se comprenne bien. Tous ces actes de fraude ont été dénoncés de part et d’autre. C’est pour dire que l’opposition a également son lot de fraudes qui peuvent être plus ou moins avérées. Il y a aussi le fait que certains estiment que dans l’acheminement des documents électoraux, il y a également eu cas de fraudes dans la mesure où ces documents ont été acheminés dans de mauvaises conditions. Ou par exemple dans des bureaux de vote où il n’y a pas eu de procèes-verbal d’élection, semble-t-il, ou des PV et des urnes qui ont été livrées sans escorte alors que le code électoral prévoit l’escorte. C’est donc autant de cas de manifestations ou de possibilités de fraude qu’on peut citer.

On indexe beaucoup le nombre et la nature des documents utilisés pour voter. Est-ce votre avis ?

AT : Il y a deux situations. Il y a ceux qui estiment effectivement que c’est des portes ouvertes pour la fraude, sans que cela ne donne lieu à des fraudes effectives. Et il y a ceux-là qui les utilisent effectivement pour frauder.

La loi autorise par exemple la présentation de l’acte de naissance comme pièce d’identification. De ce fait, on ne peut pas dire que c’est illégal de présenter un acte de naissance. Les différentes pièces dont on parle, c’est un choix politique qui a été fait. Les insuffisances constatées au niveau de ces pièces sont liées à la nature des pièces et non à celui qui le détient.

Maintenant, on peut effectivement utiliser ces pièces pour frauder, notamment par la délivrance de faux actes de naissance, en utilisant le livret de famille pour faire voter des gens qui n’en ont pas le droit... Bref, il faut admettre aussi que c’est le niveau actuel atteint par notre administration. C’est un niveau qui permet à des gens mal intentionnés d’utiliser ces pièces pour frauder aux élections.

Mais, il ne faut pas jeter l’anathème sur tout le monde. Quand les partis politiques parlent de la pièce d’identité infalsifiable, je pense que c’est un choix qui mérite encore d’être bien réfléchi. Ce n’est pas du jour au lendemain que cela sera effectif. Pour les questions de fraude, je croi qu’il ne faut pas incriminer les pièces utilisées mais plutôt ceux qui les utilisent contre la loi.

Mais l’utilisation d’une seule pièce pourrait certainement limiter la fraude !

AT : C’est juste. Je pense effectivement que c’est dans le sens de pouvoir amoindrir le risque de fraude. Si on arrive à une seule et unique pièce d’identification on met tout le monde sur le même pied d’égalité et ça permet de mieux réguler les choses. Mais, cela est toujours susceptible d’être utilisé par les fraudeurs, parce que le fraudeur par définition, c’est celui qui part de ce qui est légal, le contourne par divers moyens afin d’aboutir à ses objectifs. Il faudrait d’ailleurs qu’on en arrive à l’utilisation de la pièce d’identité comme seule pièce de vote et que la carte d’électeur ne soit plus utile.

Le CDP, votre parti, a été accusé de fraudes. Avez-vous constaté aussi des cas de fraudes venant des autres partis et avez-vous introduit des recours ?

AT : Bien sûr que nous avons constaté des cas de fraudes sur le terrain de la part des partis de l’opposition. C’est trop facile de nous accuser. C’est le voleur qui crie au voleur. Des individus qui se présentaient comme honnêtes ont été pris dans des actes de fraude. Il y a bien évidemment des recours contre ces fraudes...

Si on vous demandait de faire quelques propositions pour endiguer la fraude, quelles seraient vos propositions ?
AT : La première proposition c’est un fichier électoral informatisé avec des bases informatiques efficaces, c’est-à-dire un fichier avec une seule base d’identification administrative. Avec plusieurs pièces, le fichier peut comporter des erreurs, par exemple 3 inscriptions pour la même personne. Donc une carte d’identité infalsifiable pour tous les Burkinabè ayant l’âge. Sur la base de cette carte, on fait le fichier électoral avec impossibilité de double inscription.

Ensuite, il faudrait qu’au file du temps les cartes d’électeurs puissent être remplacées par la carte d’identité elle-même. La carte d’électeur, je pense qu’elle sert seulement à identifier un électeur. Mais la carte d’identité non seulement permet d’identifier l’électeur mais elle est encore plus précise. Les identités sont plus complètes sur la carte d’identité que sur la carte d’électeur. En plus, il y a la photo d’identité sur la carte d’identité mais il n’y a pas de photo sur la carte d’électeur. Donc, j’estime qu’on doit arriver à un moment où la carte d’identité peut être utilisée comme unique pièce pour les élections.
Je pense qu’avec ces éléments fondamentaux plus la formation et le perfectionnement de ceux qui sont dans les bureaux de vote et un peu plus de civisme on pourrait arriver à enrayer en grande partie cette histoire de fraude dans notre pays.

Entretien réalisé par Ben Alex Beogo

L’Opinion

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