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Législatives 2007 : Qu’en est-il de la fraude ?

Publié le jeudi 24 mai 2007 à 08h28min

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Comme il est de coutume sous nos tropiques, l’on a encore crié à la fraude aux récentes élections législatives dont les résultats définitifs sont en attente au niveau du Conseil constitutionnel qui a déjà fini d’examiner la majeure partie des recours qui n’auraient, semblent-t-il, pas d’incidence réelle sur les résultats provisoires.

Par ailleurs nous consacrons le présent dossier à la question de la fraude à travers de analyses et des interviews des personnalités politiques et judiciaires.

Le Conseil constitutionnel en ses séances du 18 et du 21 mai est en train de vider les différents recours introduits (14 au total) par les représentants des partis politiques dans le cadre des législatives du 6 mai 2007. Contrairement à ce qu’on s’attendait, il y a eu très peu de recours avec preuves et faits concrets, l’essentiel des plaintes relevant beaucoup plus de la politique politicienne que d’actes juridiques sérieux. Les plus significatifs ont concerné la province de la Gnagna, les arrondissements de Baskuy et de Boulmiougou de la commune de Ouagadougou. Concernant la Gnagna, le requérant était Toussaint Abel COULIBALY de l’UPR.

Dans cette province à trois sièges, son parti n’en a remporté aucun. Deux sièges sont revenus aux CDP et le dernier à l’ADF/RDA. Sa requête a permis de déceler des irrégularités dans les départements de Mani et de Piéla dont les résultats ont été annulés. Mais cela n’aurait pas d’incidence sur la répartition des sièges qui devrait rester en l’état. Il en est de même pour les deux arrondissements de Ouagadougou.

A Baskuy c’est Antoine OUARE du RPC qui a introduit un recours faisant annuler le scrutin dans les bureaux de vote n°1 à 27 inclus du secteur 10 de l’arrondissement. A Boulmiougou, les requérants étaient Lassané TRAORE de l’UPR, Idrissa BANDE de l’UNIR/MS, Philippe OUEDRAOGO de l’ADF/RDA. Le Conseil constitutionnel après avoir examiné leurs recours a annulé le scrutin dans les bureaux de vote n° 53 et 87 du secteur 17.

Pour si peu...

Au nombre des recours, il y a peu qui concernent la fraude. Il s’agit généralement des irrégularités matérielles. Mais il y a des recours qui semblent être beaucoup plus de la plaisanterie tels que ceux introduits par l’UNDD qui demande l’annulation du scrutin dans 15 provinces, alors que son président a prôné, pendant la campagne, le refus de vote . Ce qui dénote de la fuite en avant de nos politiciens qui ont tant pompé l’air électoral avec des cris de fraude donnant l’impression d’un scrutin scandaleux.

Tout porte à croire donc que ces dénonciations de fraude n’étaient qu’une tempête dans un verre d’eau. Ce n’est une stratégie de terres brûlées pour éviter de se faire surprendre par l’adversaire ou d’avoir à se défendre dos au mur. Cela est bien dommage pour nos hommes politiques qui devraient plutôt œuvrer au renforcement de notre processus démocratique dont la pierre angulaire se trouve être des élections au lieu de créer la psychose autour de la fraude. Ça ne sert à rien de vouloir justifier d’avance son échec électoral en criant à la fraude.

L’éthique politique voudrait qu’on se soumette à la sanction des urnes. Personne n’a intérêt à discréditer pour si peu un scrutin dont l’organisation relève d’une institution, la CENI, qui engage toutes les composantes du corps social.

Le Conseil constitutionnel s’affaire à proclamer les résultats définitifs, et aucun parti n’a encore réellement pu brandir de preuves sur les cas de fraude hormis ceux présentés à Ouagadougou et dans la Gnagna. La fraude électorale a, certes, plusieurs visages et il arrive qu’elle passe entre les mailles. Mais dans ce cas, il appartient à chaque formation politique de jouer pleinement sa partition en veillant aux grains à moins de reconnaître qu’en général, c’est le voleur qui crie au voleur.

Le constat des observateurs

Pour ces législatives, environ 4000 observateurs nationaux et internationaux ont été accrédités par la CENI. Les structures des observateurs internationaux ont été toutes unanimes sur la régularité de ce scrutin qui évidemment ne pourrait être d’une perfection irréprochable. Au niveau des observateurs nationaux, le Collectif devenons citoyens (CDEC) a par exemple relevé dans son rapport une certaine "suspicion généralisée autour de la fraude et crispation sociale entre les populations de Ouahigouya qui se regardaient en chiens de faïence".

D’une manière générale, le CDEC déplore le fait que ces législatives aient "une forte évocation de la fraude que celles passées. Même si l’on ne peut pas trouver matériellement la fraude, il reste que ses conséquences sur la psychologie des militants politiques et des électeurs sont incalculables. La psychose autour de la fraude fait naître la méfiance et l’intolérance qui sont forcément sources de dérapages ou troubles sociaux...".

Le CDEC soutient toutefois que dans l’ensemble, les partis politiques se sont abstenus de toute violence verbale ou physique mise à part quelques cas d’intimidation et les affrontements survenus pendant la campagne à Zabré. La mission d’observation du MBDHP tout en reconnaissant que les élections se sont bien déroulées dans l’ensemble, a fait savoir qu’elles ont été "dans un contexte général de crise au sein des partis politiques tant de l’opposition que de la mouvance présidentielle consécutive à l’élaboration des listes de candidatures et de campagne de dénonciation de fraudes massives imputables à tous les acteurs politiques qui ont pris part au scrutin".

La LIDEJEL a, elle, conclu que "des dispositifs juridiques et institutionnels sont mis en place en vue de garantir au mieux la liberté et la transparence des scrutins. Il appartient donc aux partis politiques de se les en approprier". Même constat fait par l’OIE et bien d’autres structures d’observateurs.

C’est dire en somme, que les crieurs à la fraude n’ont fait que sacrifier à une tradition courante dans les jeunes démocraties : celle de crier à la fraude lorsqu’on pressent son échec. Au regard du boucan qui a été fait par les différents candidats, on s’attendait à une flopée de recours au niveau du Conseil constitutionnel après la proclamation des résultats provisoires. Mais il n’en a rien été. Bien plus, passé le temps des récriminations et aussi curieux que cela puisse paraître on entend partout un concert de satisfecit, comme si on parlait d’autre chose.

Par Drissa TRAORE

L’Opinion

P.-S.

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Vos commentaires

  • Le 24 mai 2007 à 10:54, par Sidiki En réponse à : > Législatives 2007 : Qu’en est-il de la fraude ?

    Voici qui me parait bien péremptoire comme affrirmation quand on n’a fait la campagne qu’aux côtés des membres du gouvernement et autres "gourous" du CDP, dans des voitures bien climatisées avec à la clé de conséquentes enveloppes...

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