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Nouveau gouvernement français : L’Afrique invitée à s’assumer

Publié le lundi 21 mai 2007 à 07h41min

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Sarkozy au Sénégal

La révolution à la Sarko est en marche dans l’Hexagone. Certainement en prélude aux toutes prochaines législatives, un cabinet restreint a été mis en place pour ratisser large. Les Français l’ont bien compris ; mais les Africains sauront-ils en déduire qu’il est temps de se prendre définitivement en mains ? Rien n’est moins sûr.

C’est en tout cas un cocktail savamment dosé que Sarkozy et ses proches viennent de concocter à Paris. Outre la jeunesse de la plupart des membres, la nouvelle équipe a la particularité de tourner résolument dos à la France des septuagénaires, des clivages et du partisanisme étroit et mesquin.

En effet, de l’avis du tout nouveau Premier ministre, « la France n’est pas en déclin. Elle souffre seulement de ne pas être conduite d’une main ferme vers un futur qui n’est pas irrémédiablement compromis. Elle a besoin d’une vision claire de l’avenir et d’un gouvernement tout entier tendu vers son redressement ». François Fillon explique ainsi, dans son récent ouvrage « La France peut supporter la vérité », toute son amertume pour une certaine politique française et la pertinence du ticket Sarkozy, « le seul espoir d’une rupture avec l’immobilisme qui a caractérisé les années Chirac ». Assurément, ce Premier ministre au parcours particulier se présente en homme qui s’assume.

Mais, à son franc-parler répond celui des opposants dont François Hollande, pour lequel M. Fillon est « tout sauf un homme neuf » qui conduit « une politique de droite ». Le premier secrétaire du Parti socialiste l’accuse d’avoir mené par le passé « des politiques fortement marquées à droite : le détricotage de la loi des 35 heures, la suppression des emplois jeunes, une réforme des retraites injuste et mal assurée dans son financement, une réduction des moyens accordés à l’école ».

Le Parti socialiste français, il est vrai, est amer face aux recrutements opérés dans son camp. L’on a même qualifié certains transfuges de politiciens n’ayant réellement jamais appartenu qu’à la droite. En guise de sanctions, M. Hollande a avancé que les pro-Sarko ne seraient pas sur la liste des législatives à venir. Pourtant, en France, existent bien des ouvertures dont pourraient profiter des candidatures indépendantes.

Tactique par rapport aux législatives ou pas, la composition du nouveau gouvernement français semble donner une indication claire de la volonté d’ouverture et de recherche de consensus d’un homme connu pour son aversion pour la gauche et apparentés. Visiblement, Sarkozy le libéral pur et dur cherche jour après jour à faire preuve de pragmatisme. A la rhétorique du discours de la campagne électorale a succédé la réalité du terrain. Celle-ci semble le contraindre de plus en plus à s’inspirer des projets de société de ses adversaires dans les rangs desquels il n’a point hésité à puiser du monde. Pour s’enrichir et tenter d’améliorer le fonctionnement de l’appareil d’Etat français.

En faisant appel à des éléments de gauche ou proches de ce milieu, comme Kouchner, Besson et Hirsch, Sarkozy veut manifester sa rupture avec une certaine vision de la politique dominée par la pensée unique. Il montre son souci de faire appel à toutes les compétences. De même, en rendant sa toute première visite aux femmes battues et au milieu aéronautique français, il voudrait sans doute donner le sentiment qu’il reste sensible aux préoccupations des différents milieux sociaux et du monde industriel français. Toutefois, la méthode Sarkozy suscite quelques interrogations.

Ce gouvernement, certes, réflète bien la personnalité autant du président que de son Premier ministre. A son actif, chacun a quelques périodes de rébellion ou de sorties fracassantes. Mais tiendront-ils longtemps ensemble, ces rebelles qui cherchent à se rassembler pour sauver la France déchirée par un sectarisme débridé ? La concentration des départements ne pose-t-elle pas problème ? A ce propos, l’on peut s’interroger sur la pertinence de regrouper au sein d’un même département l’immigration, l’intégration, l’identité nationale et le co-développement.

Cette équipe gouvernementale, pense-t-on, prépare les législatives. Mais alors, Sarkozy ne chercherait-il pas plutôt à se mettre à l’abri de l’adversaire, à droite comme à gauche ?

Par ailleurs, les services relatifs à la coopération africaine n’apparaissent pas au grand jour : signe des temps ou volonté de camoufler davantage les choses à l’Elysée ? Enfin, il y a ce clin d’œil à l’Afrique qui ne saurait laisser indifférent : Rachida Dati, nouvelle ministre de la Justice, est née de père marocain et de mère algérienne femme au foyer. Mais alors pourquoi une « beurrette » et aucun Noir dans cette nouvelle équipe gouvernementale française ? Au prochain remaniement peut-être ?

D’ici là, l’Afrique des profondeurs et des capitales empêtrées dans la spéculation regarde presque sans trop y croire : un gouvernement français réduit à moins de vingt membres, composé presqu’à moitié de femmes et d’hommes jugés compétents et provenant d’horizons politiques divers, parfois diamétralement opposés ! De quoi faire rêver dans certains pays africains où le ralentissement du train de vie de l’Etat, la parité hommes-femmes, la compétence et l’ouverture aux oppoants ou à des technocrates non partisans relèvent encore de l’utopie.

Généralement, on vient à la soupe en convives partageant les mêmes valeurs et les mêmes idéaux. Pour s’empiffrer, non pour cracher dedans. Or, il est de notoriété publique dans nos espaces francophones d’Afrique, que le pouvoir ne se partage pas. La pilule Sarko est donc loin d’être digeste pour certains dirigeants qui s’inspirent rarement des bons exemples français. Osons croire tout de même que la méthode Sarkozy, si elle se poursuit sur la même lancée, aura des effets positifs sur le continent. Au moins aura-t-elle le mérite de donner le sentiment et l’espoir que plus rien ne sera comme avant dans les rapports entre dirigeants africains et français. Et que, surtout, le continent noir doit commencer à méditer sur son avenir sans le tutorat de la France.

"Le Pays"

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Vos commentaires

  • Le 21 mai 2007 à 10:43, par Boukare En réponse à : > Nouveau gouvernement français : L’Afrique invitée à s’assumer

    "surtout, le continent noir doit commencer à méditer sur son avenir sans le tutorat de la France."

    Bien dit !!! Vivement que les nouveaux dirigeants francais aient jusqu’au bout de leurs idees et que cela soit le declic salutaire !! la fin du "tutorat" et que chacun assume ses responsabilites.
    L’epoque de la France acusee de s’ingerer ou de ne pas s’ingerer ici ou la.... soit revolue,
    Que tout le monde comprenne que les independances datent de plus de 40 ans...que l’on se defasse de la peur du changement qui habite les uns et les autres sous les tropics....Ici c’est un bel exemple que la France donne....il ne faudrait pas avoir honte de copier ce qui est bien chez l’autre....que des hommes qui ont des idees et l’envie de faire bouger les choses sous les tropics soient aussi porter au devant de la scene, et cela nul ne peut le faire a la place de ceux qui doivent voter.

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