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REN-LAC : corruption électorale

Publié le vendredi 18 mai 2007 à 07h39min

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Les élections législatives du 6 mai 2007 se sont déroulées sur des notes de fraudes qui ternissent, une fois encore, l’éclat du jeu démocratique burkinabè. Les principaux acteurs politiques ont été eux-mêmes, les premiers à dénoncer cette vilaine plaie que constituent les fraudes électorales.

Ils ont peut-être fait l’amère expérience des effets pervers qu’ont ces pratiques sur les résultats qu’ils escomptaient faire. Leur indignation est somme toute normale. Mais quelles propositions concrètes font-ils pour sortir du merdier de la corruption électorale ? N’est-il pas temps de s’attaquer au mal par la racine plutôt que de se contenter d’en déplorer les manifestations ? Quand la fraude entre par la porte, c’est la crédibilité du processus électoral qui en pâtit. Il y va de la crédibilité même des élus. Que faut-il faire maintenant que le mal sévit au vu et au su de tout le monde ?

Si l’on s’en tient aux constats faits dans la presse, la fraude s’est bel et bien invitée au scrutin législatif du dimanche 6 mai. Et de façon très flagrante dans certaines circonscriptions électorales considérées-à tort ou à raison - comme des « laboratoires de la fraude électorale". Il s’agit en l’occurrence des provinces du Boulkiemdé et du Yatenga où ce sont les premiers responsables des partis en compétition qui passent à table. .

"A Koudougou, par exemple, nous avons vu que la ville avait été envahie par des cars d’étudiants convoyés depuis Ouagadougou pour des votes frauduleux. Nous avons même pu arrêter certains de ces étudiants que nous avons envoyés à la gendarmerie. Des centaines de cartes d’électeurs ont été distribuées le jour même du scrutin. A Imasgho, nous avons pris 3 000 actes de naissance confectionnés par l’ADF/RDA avec la complicité du préfet de ladite localité", confesse, dépité, Benjamin Yaméogo, tête de liste de l’UNDD dans le Boulkiemdé, (cf. "Le Pays" n°3867 du 11 avril 2007).

A Ouahigouya, la sonnette d’alarme a été tirée dès les premières heures du scrutin. "Avant les opérations de vote, nous avons constaté que plusieurs cartes circulent en ville. Le problème, c’est que ce sont des milliers de cartes", avait reconnu Gilbert Noël Ouédraogo, président de l’ADF/RDA. De son côté, Salif Diallo, commissaire régional du CDP a signalé lui aussi à la presse que "Le RDA a fait des tentatives de fraudes".

Témoignages

Dans d’autres circonscriptions électorales et pas des moindres, on a assisté à la même vague de dénonciation. Ainsi, Ernest Lingani, coordonnateur des élections au PDP/PS déclare dans "Le Pays" n°3867 du 11 avril 2007 qu’il y aurait eu "la descente des valises d’argent dans les villages". Mieux il a ajoute que "C’est une pratique courante mais qui a été amplifiée cette année". A Bobo Dioulasso, la corruption électorale aurait principalement pris la forme de falsification d’actes de naissance." J’ai constaté que des actes de naissance ont été utilisés pour voter pratiquement dans tous les bureaux de vote à Bobo. Et ces actes de naissance sont tout neufs, ils venaient d’être faits », confie, dans le "Le Pays" n°3866 du 10 mai 2007, Célestin Koussoubé, tête de liste de l’ADF/RDA dans la province du Houet. Déval Millogo, tête de liste UNDD renchérit dans les colonnes du même journal : "Des restants de cartes d’électeurs ont été frauduleusement soutirés et des actes de naissance correspondant à ces cartes ont été établis avec des dates de signature qui se trouvent être des jours non ouvrables. Certains actes de naissance étaient sans cachet. Avec ces faux documents, des gens sont allés voter dans tous les quatre coins de Bobo Dioulasso". Nestor Batio Bassière, tête de liste UPS va plus loin en dénonçant le convoyage d’électeurs. "Moi personnellement, aux bureaux de vote sis au collège Tounouma garçons, j’ai pris des gens avec des extraits d’acte de naissance. C’étaient des gens qu’on a convoyés des villages. Ils étaient en possession de vraies cartes d’électeurs avec des jugements supplétifs d’actes de naissance". Alfred Sanou, candidat CDP affirme également : "Pendant le vote du 6 mai dernier, on a effectivement appréhendé des véhicules transportant des gens avec des lots de cartes et qui partaient très probablement pour des fraudes ». Dans un article intitulé "les quatre péchés cardinaux de la démocratie" (cf. "Le Pays n°3870 du 16 mai 2007), Tahirou Barry (Juriste) confirme : "la fraude a pris une allure plus subtile. La déportation des électeurs et surtout les faux jugements supplétifs d’acte de naissance pour électeurs sont des cas flagrants qui ont été signalés lors du dernier scrutin... On croise les bras et on regarde, le cœur meurtri, le navire poursuivre sa randonnée".

Au regard de la carrure et de la diversité politique des auteurs des dénonciations expressément reprises ici, force est de constater que des pratiques peu honorables ont incontestablement entaché le scrutin du 6 mai dernier. Les fraudes (transports d’électeurs d’une localité à une autre, confection de faux bulletins de naissance) et les achats de conscience sont les manifestations les plus visibles de ce marché de dupe.

Bien que tous les acteurs de la scène politique reconnaissent que ces actes ne sont pas de nature à crédibiliser le système électoral burkinabè et partant le processus démocratique, tout se passe comme si les mêmes acteurs se satisfaisaient de la situation. Tout se passe comme si on dénonce l’autre pour faire bonne conscience tout en poursuivant les mêmes pratiques condamnables. Sinon comment comprendre qu’après toute cette flopée de dénonciations, il n’y ait pas eu de propositions vigoureuses pour mettre fin à ces pratiques une fois pour toutes ? Quelles propositions concrètes la CENI fait-elle aux autorités politiques pour enrayer le fléau ?

Pour sa part, le REN-LAC qui s’est toujours fait un point d’honneur à fustiger ces écarts, appelle tous les acteurs de la chaîne électorale à arrêter de faire la politique de l’autruche. La corruption électorale, on en parle, elle a été flagrante tout au long du processus électoral, elle existe bel et bien dans notre pays. Il y a péril en la demeure. Il serait suicidaire de continuer à fermer les yeux sur cette plaie de la démocratie que constitue la corruption électorale. Il faut s’attaquer au mal par la racine, pendant qu’il est encore temps.

Propositions

C’est pourquoi le REN-LAC propose de :

- sécuriser le processus électoral par l’adoption d’un document d’identité sécurisé et personnalisé par l’instauration d’une pièce numérisée avec photo et empreinte digitale. C’est parce que des acteurs politiques trouvent leur compte (par la fraude) dans des documents anonymes (bulletins de naissance, cartes de famille,...) que ces documents sont encore autorisés ;

- punir sévèrement et conséquemment tous ceux qui se rendraient coupables de fraudes électorales, de falsification de bulletins de naissance, de transfert d’électeurs d’un bureau à l’autre, d’intimidation, etc. Tous les auteurs de ces actes répréhensibles ne sont que des délinquants. Ils ne sont pas dignes d’être électeurs et éligibles.

- adopter une politique nationale rigoureuse de lutte contre la corruption ayant pour toile de fond la lutte contre l’impunité, car, c’est l’impunité qui fait le lit de la corruption. La corruption n’est qu’un géant au pied d’argile : dès qu’il y a dénonciations et sanctions conséquentes, corrupteurs et corrompus se font tout petits et rentrent dans leurs petits souliers.

Le REN-LAC se propose de publier vos réactions, vos suggestions, vos dénonciations, si cela est conforme à la déontologie et à l’ethique professionnelle. Vos critiques et suggestions sont les bienvenues. Pour toutes informations et suggestions, contactez-nous à l’adresse suivante : Réseau National de Lutte Anti-Corruption (REN-LAC) 01 BP : 2056 Ouagadougou 01, Tél. : 50 33 04 73, Email : renlac@renlac.org, site : http: //www.renlac.org Tél. vert : 80 00¬ 11 22 (gratuitement).

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