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Burkina Faso : Un juriste évoque les "quatre péchés cardinaux de la démocratie

Publié le mercredi 16 mai 2007 à 07h37min

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Selon le juriste Tahirou Barry, auteur de cette déclaration, le déroulement des élections législatives du 6 mai dernier constitue une preuve que le processus démocratique au Burkina Faso est toujours malade.

Une page de l’histoire politique du Burkina vient d’être tournée avec la fin de la troisième législature de la IVe république.

L’élection qui s’en est suivie le 6 mai dernier est venue nous rappeler que notre processus démocratique était toujours malade. Malgré toutes les thérapies expérimentées, les suffrages exprimés ont du mal à refléter la réalité du terrain. De l’informatisation du fichier électoral à la réglementation de la couverture médiatique par le Conseil supérieur de la communication (CSC) en passant par l’augmentation de la subvention accordée aux partis politiques, le résultat consacre la prédominance du parti au pouvoir à l’Assemblée nationale. Avec plus de 70 députés du CDP soutenus par une trentaine de députés de la mouvance présidentielle, notre parlementarisme présidentiel s’est mué en un tout-puissant régime présidentiel avec un Parlement qui ne serait plus qu’un simple instrument aux mains du chef de l’Etat.

Aujourd’hui, on n’a pas besoin de sortir des cuisses de Jupiter pour reconnaître que quatre péchés cardinaux minent profondément notre système démocratique.

1. L’ignorance de la majorité des électeurs

Avec plus de 80% d’analphabètes au Burkina, ignorant généralement les enjeux d’une élection, les chercheurs de voix n’hésitent pas à exploiter, sans vergogne, l’ignorance, la naïveté et même la misère de ces braves citoyens.

Il suffit de déverser dans un village argent et gadgets pour s’attirer la confiance des électeurs. Souvent, ce sont les poses de première pierre ou des inaugurations qui sont improvisées pour donner l’illusion de la fin d’un calvaire.

Les moins nantis, eux, proposent plutôt aux potentiels électeurs le paradis terrestre en s’attachant les services de certains leaders d’opinion de la localité acquis au plus fort prix.

C’est à croire que notre système démocratique n’est devenu qu’un véritable pouvoir de riches. Après les élections, les localités jadis courtisées sont fuies comme la peste et on revient quelques années plus tard après que le temps a laminé les mémoires.

2. L’indélicatesse des hommes politiques

Avec plus de cent trente partis politiques au Burkina, la politique est devenue un marché de dupes où chacun s’efforce de tirer le meilleur parti. Créer un parti politique semble dorénavant plus facile que créer une société à responsabilité limitée. Pour un oui ou un non, on assiste à la création d’un parti, en général dirigé par des inconnus sans idée ni idéal. Ils viennent sur la scène politique pour se disputer la subvention de l’Etat ou clamer plus fort que les militants du parti au pouvoir leur adhésion indéfectible au programme du chef de l’Etat en espérant, en retour, bénéficier de quelques strapontins.

Ces personnes que Laurent Bado qualifie d’"orpailleurs politiques" ont fini par dévoyer le véritable sens de la politique. De plus en plus, les citoyens voient dans les politiciens des individus sans foi ni loi qu’il faut presser jusqu’à la dernière goutte.

Dans ces conditions, parler de doctrine, de projet de société et de programme de gouvernement devient un exercice périlleux, surtout lorsque vous n’avez ni argent ni gadget à distribuer.

3. La fraude électorale

Avec les différentes réformes opérées, la fraude a pris une allure plus subtile. La déportation des électeurs et surtout les faux jugements supplétifs de naissance pour électeurs sont des cas flagrants qui ont été signalés lors du dernier scrutin. Ceux qui osent crier à la fraude sont vite assimilés à de mauvais perdants. Alors, on croise les bras et on regarde, le coeur meurtri, le navire poursuivre sa randonnée.

4. La politisation de la chefferie coutumière

Un chef coutumier est le gardien de la tradition. Il est arbitre et garant de l’unité de ses sujets. En s’engageant en politique, il marque, naturellement, sa différence d’avec ceux qui ont une couleur politique différente de la sienne. Pire, le choix du chef influence fortement ses sujets et ceux qui osent marquer leur différence sont considérés comme des traîtres au royaume. La presse a récemment fait écho de certains qui avaient été bannis parce qu’ils ont osé adhérer à un parti différent de celui du chef. Où allons-nous ?

Ces péchés persistent et, malgré le satisfecit des observateurs internationaux, n’importe quel observateur national averti est conscient de ces obstacles à l’émergence d’une véritable démocratie. Ces obstacles doivent être levés si l’on veut donner un véritable sens à notre démocratie. A ce sujet, la société civile, les partis politiques et, surtout, les médias ont un rôle déterminant à jouer. Informer, sensibiliser, former et dénoncer doivent être la devise de chaque acteur. Sans cela, nos élections ne seraient plus que la théâtralisation d’un jeu, juste le temps d’une recréation, avec tout ce que cela comporte comme risques et gâchis.

Tahirou Barry, juriste

Le Pays

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