LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Soyez un repère de qualité. Certaines personnes ne sont pas habituées à un environnement où on s’attend à l’excellence.” Steve jobs

Future Assemblée nationale : Le CDP et ses convives

Publié le lundi 14 mai 2007 à 07h26min

PARTAGER :                          

Ce n’est pas le "Tuk guilli (1) de 1997, où l’ODP/MT qui venait d’absorber une dizaine de partis et "particules" pour former le CDP, avait raflé la quasi- totalité des sièges de l’Assemblée nationale (101 sur 111), mais ça y ressemble fort. Nous l’allons montrer tout à l’heure.

Sous réserve en effet de la proclamation officielle par le Conseil constitutionnel après que les compétiteurs eurent déposé leurs plaintes et recours (2), la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a proclamé samedi les résultats provisoires des élections législatives du 6 mai 2007.

Ce sont exactement les chiffres que nous avons pu rassembler et publier tout au long de la semaine, notamment dans notre édition n°6883 de jeudi dernier (3), et qui donnent, au finish, le CDP gagnant avec 73 députés. Il est suivi, à bonne distance, de l’ADF/RDA (14 sièges), de l’UPR (5), de l’UNIR/MS (4), de la CFD/B (3) ; le RDB, l’UPS, le PDP/PS et le PDS, pour leur part, obtenant chacun 2 sièges, tandis que le PAI, le PAREN, l’UDPS et le RPC s’en tirent avec un seul député pour chaque parti.

Si ces résultats sont confirmés par le juge constitutionnel, 13 partis donc seront représentés à l’Assemblée. Il y a certes les habitués de l’hémicycle, mais on notera surtout l’arrivée de partis ou regroupements de partis qui ont, pour la plupart, transformer l’essai des municipales d’avril 2006, même si leur implantation est encore locale : il s’agit essentiellement de la CFD/B, de l’UPR, du RDB et du RPC. Le PDP/PS, par contre, confirme sa descente aux enfers entamée lors de la présidentielle de novembre 2005, et il faut maintenant espérer que le parti survivra au professeur Joseph Ki-Zerbo.

Mais s’il est une formation dont l’absence est particulièrement remarquée, c’est bien l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD). Rien d’étonnant en fait quand on sait qu’elle a pratiqué un boycott qui ne disait pas son nom. Son président, Me Hermann Yaméogo, n’a-t-il pas confessé lui-même, tout candidat qu’il était, avoir observé la grève de l’urne en n’allant pas accomplir son devoir civique ?

Ils sont cependant de plus en plus nombreux, les observateurs de la scène politique locale, à s’interroger sur cette ligne de conduite qui manque parfois de lisibilité, à se demander si cette stratégie qui consiste à se mettre en marge du processus démocratique, nonobstant ses imperfections et ses failles incontestables, est, à la longue, payante. L’UNDD ayant boudé le scrutin, des personnalités comme Marlène Zébango, Dabo Amadou, Millogo Deval et Hermann lui-même disent au revoir au Parlement. Ils ont comme compagnons d’infortune Ram Ouédraogo (RDEB), Cyril Goungounga (PARIS), Nongma Ernest Ouédraogo (UPS), Ouendlassida François Ouédraogo (PDP/PS), Soumane Touré (PAI) et son frère ennemi Philippe Ouédraogo (PDS), et nous en oublions.

D’autres, au contraire, font le chemin inverse. Au premier rang de ceux-ci, l’adjudant Hyacinthe Kafando (CDP), le chien de garde de Blaise Compaoré, qu’on avait accusé de vouloir retourner sa kalachnikov contre son maître et qui avait dû quitter le pays avant qu’on ne théâtralise son retour à la faveur de la Journée nationale de pardon le 30 mars 2001. Moins emblématiques mais tout aussi bleus seront Alexis Kaboré (CDP), Norbert Tiendrébéogo et Nestor Bassière de l’UPS ; Célestin Koussoubé et Kupiendiéli (roi du Gourma) de l’ADF/RDA ; Hama Arba Diallo du PDS ; Héma Makoura du RDB ; Fidèle Kientéga et Edwige Bessin de l’UNIR/MS, etc.

Il y a aussi ceux qui confirment, tels Me Bénéwendé Sankara (UNIR/MS), le Dima de Boussouma et Etienne Traoré (PDP/PPS), Laurent Bado (PAREN), Ousséni Tamboura (ADF/RDA)... Vous l’aurez constaté, pour l’essentiel, nous n’aurons retenu que les élus de l’opposition, car il est sans doute plus aisé de se faire élire sur une liste CDP, qui plus est quand on est bien positionné et qu’on dispose de moyens colossaux et d’un véritable appareil. Il est vrai que l’argent "n’achète" pas toujours une voix et que des "feuillus" ont été laminés dans leur propre fief, mais quelle pertinence peut avoir l’élection de personnalités comme Roch Marc Christian Kaboré, Ernest Paramanga Yonli, Salif Diallo, Simon Compaoré, Arsène Bongnessan Yé, Mélégué Maurice Traoré, Youssouf Ouédraogo, Alain Yoda, Lassané Sawadogo, Sanou Thomas, Benoît Ouattara, Fatou Diendéré et tutti quanti ?

A l’inverse, s’appeler Norbert, Bado, Etienne, Nestor, Makoura... et être obligés de vider ses bas de laine pour se faire une place dans l’hémicycle relève d’une performance qui mérite d’être soulignée.

On dira certes au parti majoritaire que les petites formations ont été favorisées par le mode du scrutin, mais à quoi peut bien servir une proportionnelle au plus fort reste dans des circonscriptions (une quinzaine au total) où l’élection se joue au couteau parce qu’il y a un seul siège à pourvoir et qu’à ce petit jeu, c’est très souvent la raison du plus fort qui est la meilleure ?

On comprend d’ailleurs mieux pourquoi la majorité parlementaire, sans doute échaudée par les législatives de 2002 à l’issue desquelles elle avait frôlé la "cohabitation" (57 contre 54), a opté d’atomiser les circonscriptions en revenant à la province par la révision contestée, on s’en souvient, du code électoral. On serait resté dans le cadre plus vaste de la région que le CDP n’aurait peut-être pas pu obtenir ce score.

73 députés, c’est une majorité plus que confortable des 2/3 de la future Assemblée que le parti présidentiel vient de s’adjuger. C’est beaucoup plus que les 57 sièges (+16) d’il y a 5 ans, mais on est loin du "score gênant", selon les aveux mêmes de Salif Diallo, de 1997 où ils avaient arraché 101 des 111 postes. Ce n’est donc pas un remake du "Tuk guilli" que beaucoup redoutaient, mais si, à première vue, l’opposition donne l’impression d’avoir fait plus que résister, on se rend compte, à l’examen attentif des chiffres, que ça y ressemble fort.

En effet, on a le net sentiment que dans cette future législature se retrouveront le CDP et ses convives. Car, si aux 73 Cdpistes, on ajoute les 11 de la mouvance présidentielle, c’est-à-dire ces gens qui aiment l’arbre (Blaise Compaoré), mais détestent ses fruits, on se retrouve à 84. Une majorité qui devient quasi soviétique si, comme certains, qui dénient à l’ADF/RDA son statut d’opposition depuis qu’elle a eu le mauvais goût de soutenir Blaise Compaoré, on y déverse les 14 parlementaires de l’Eléphant que maître Gilbert Ouédraogo serait allé "attacher à Ziniaré" selon l’image assassine d’Alexandre Sankara, candidat (malheureux) de l’UPS Kadiogo.

Certes, même s’ils sont ensemble au gouvernement, ils ne sont pas pour autant liés à vie, et leurs élus peuvent bien, au gré de leurs intérêts ou de leurs convictions, se ranger derrière les 13 députés (4) de la vraie opposition ; mais on peut comprendre ceux qui jugent le péché de l’ADF/RDA inexpiable, et donc les velléités de l’UNIR/MS, qui a déjà ouvert les hostilités au sujet du chef de file de l’Opposition.

Mais s’il est un grand enseignement que l’on peut d’ores et déjà tirer de ces élections, c’est ce qu’on pourrait appeler la dynamique de l’union, qui a toujours, c’est bien connu, fait la force. On l’aura remarqué, ceux qui ont voulu voler de leurs propres ailes sans en avoir l’envergure (RDEB, PARIS, MPS/PF pour ne citer que les plus "représentatifs") en ont été pour leurs frais, pendant que ceux qui ont eu l’intelligence de se mettre ensemble ont pu tirer leur épingle du jeu. On pense notamment à l’UPS (FFS, CPS, UNDP, Convergence de l’Espoir, Mouvement sankaristes divers), à l’UPR (UPR, RDF, RDM, UPD...), à l’UDPS (CDS, CODEF, UNDP, MDR), à la CFD/B (CDF, CDL, RFI/PJB, les Verts du Faso...) et même à l’ADF/RDA autour de laquelle gravitaient une constellation d’une dizaine de partis dont l’ADDP de Michel.

Elu dans le Boulkiemdé sous l’ombre de l’Eléphant, celui-ci aurait sans doute eu des difficultés s’il avait fait cavalier seul, dans la mesure où sa force de frappe électorale est surtout concentrée dans le gros bourg de Kokologho. Idem pour Norbert Tiendrébéogo et Nestor Bassière de l’UPS ou encore Salvador Yaméogo et son RDF. Mais comme certains, pour reprendre une formule devenue célèbre, préfèrent être la tête d’un rat plutôt que la queue d’un lion...

En réalité, cette tendance aux regroupements, voire aux fusions, devrait être la règle. Il suffit, pour s’en convaincre définitivement, d’observer la nomenclature de l’Assemblée nationale depuis le début du processus démocratique : en 1992, le 24 mai, il y avait, sauf erreur ou omission, 27 partis en lice dont dix seront représentés à l’Hémicycle ; il s’agit de l’ODP/MT (78 députés), de la CNPP (12), du RDA (6), de l’ADF (4), du PAI (2) ; le RSI, le MDP, le MDS, le PSB et l’UDS obtenant chacun un élu. En 1997, année du "tuk guilli", 13 partis compétissaient et 4 se partageront les 111 sièges : le CDP (101), le PDP (6), le RDA (2), l’ADF (2).

l y a 5 ans, ce sont 13 partis parmi les 30 sur la ligne de départ qui seront représentés avec la répartition suivante : CDP (57), ADF/RDA (17), PDP/PS (10), PAI (5), CFD (5), PAREN (4), CPS (3), UNIR/MS (3), PDS (2), CNDP (2), APL (1), FPC (1), UDPI (1).

Il y a bien une conclusion qu’il va falloir tirer de tout cela, et la plus logique, c’est que l’essentiel de la classe politique tient en une quinzaine de partis. Le reste relève de l’oripeau, de l’informel politique pratiqué par des marchands du suffrage universel dont la préoccupation semble plus tenir au financement de l’Etat qu’à tout autre chose.

Il faut bien que tout cela cesse un jour, car une centaine de "partis" dans un pays comme le Burkina, ce n’est pas, contrairement à ce qu’on entend souvent, une preuve de vitalité politique, mais un signe de dévoiement du pluralisme. Les législatives du 6 mai 2007 viennent à nouveau de nous en administrer la preuve.

La Rédaction

Notes : (1) Expression mooré qui signifie littéralement "tout prendre", attribuée à Joe Weder et dont l’histoire remonte aux années 70 ;

(2) Ils ont cinq jours à partir de la proclamation des résultats provisoires pour cela.

(3) Sous le titre : "Le CDP aurait 73 députés contre 38 à 12 autres partis" ;

(4) En 2002, ils étaient une quarantaine.

L’Observateur Paalga

P.-S.

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV