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Charles Blé Goudé, ambassadeur de la paix : Gbagbo enrichit son dispositif

Publié le mercredi 9 mai 2007 à 07h57min

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Charles Blé Goudé

Inexorablement, on le souhaite, le processus de la paix et de la réunification nationale se poursuit en Côte d’Ivoire pour s’achever avec l’élection présidentielle en octobre 2007. L’accord de Ouagadougou est mis en pratique au rythme des événements et mesures opérationnelles que le président Gbagbo gère avec un esprit de suite et d’anticipation presqu’exceptionnel.

Depuis la conception, l’écriture et la mise en exécution des points de l’accord de mars 2007, c’est toute l’ingéniosité politique et les qualités d’homme d’Etat de Gbagbo qui se manifestent. Avec une rigueur implacable dont lui seul a le secret.

La récente nomination ou "élection" au rang d’"ambassadeur de la réconciliation et de la Paix" du leader des "jeunes patriotes", Charles Blé Goudé, manifestement, participe de cette logique subtile mais tenace que Gbagbo ne cesse de développer depuis le début de la crise qui l’empêchait d’être président à part entière et de toute la Côte d’Ivoire. L’épilogue tout trouvé a été l’accord de Ouagadougou dont personne ne s’étonne plus qu’il en ait été le premier instigateur et, par conséquent, en sera le premier bénéficiaire.

Cette reconnaissance officielle du rôle joué par Blé Goudé aux côtés de Gbagbo dans la crise qui secoue son pays, pour "ses efforts en faveur du processus de sortie de crise", constitue une des preuves que le président ivoirien tient mordicus à placer son plus fidèle lieutenant au centre d’un dispositif dont il paraissait tout aussi officiellement écarté.

Faute d’une place et d’un statut clairement définis dans le montage de l’accord de Ouagadougou. Il ne fallait donc pas que Guillaume Soro, chef des Forces nouvelles (FN), et seul adversaire sérieux de Gbagbo, fût seul pour "manoeuvrer" en sa qualité de Premier ministre. D’une manière subtile, Gbagbo réussit à mettre officiellement en selle le chef des Patriotes presqu’à côté de celui des FN pour qu’ensemble, et ensemble seulement, les "ennemis d’hier" gèrent la réconciliation nationale.

La récente élection au rang d’ambassadeur de Blé Goudé, quelle que soit son origine (Gbagbo, Soro, le gouvernement..., peu importe) n’a pas seulement une valeur symbolique ou honorifique. L’heureux élu lui-même le reconnaît : "Je me félicite de la responsabilité que me confie l’Etat ivoirien pour poursuivre l’oeuvre de réconciliation", déclarait-il à l’AFP.

Il s’agit bel et bien d’une grande responsabilité qui lui est confiée et qui, si l’on ne prend garde, pourrait être comparable à celle confiée à tout le gouvernement par Soro Premier ministre interposé. Et la seule déclaration faite par le ministre ivoirien de la Réconciliation nationale, Sébastien Dano, lors de la cérémonie, à savoir "cette distinction symbolique exprime une reconnaissance pour l’oeuvre accomplie et des encouragements à la poursuivre en collaboration avec le ministère", ne changera rien dans la finalité dernière de cet acte : Blé Goudé promoteur de la "Caravane de la Paix", assurera la présence effective de Gbagbo dans tout le processus compliqué et délicat de réconciliation que ses "tâches de président" ne lui permettraient pas de suivre avec toute la rigueur et toute la clairvoyance voulues.

Désormais, Guillaume Soro ne sera plus le seul maître à bord de ce processus. Un autre Premier ministre informel vient d’être nommé pour préparer avec minutie la prochaine campagne présidentielle de la quelle Soro est exclu. Immanquablement, au moment venu, Gbagbo aura une longueur d’avance sur ses adversaires à l’élection présidentielle, ... en toute légalité.

Certes, on ne connaît pas la "feuille de mission" de l’ambassadeur Blé Goudé, même si l’on sait qu’il doit travailler en "collaboration avec le ministère". La solennité de la cérémonie d’"investiture" le 4 mai 2007, et la présence de hautes personnalités nationales et étrangères indiquent qu’il ne s’agit pas d’une simple reconnaissance de hauts faits du passé. Sans aucun doute, il s’agit de "nouvelles missions", hautement importantes, parce que stratégiques, surtout pour Gbagbo, qu’on vient de confier au président du Congrès panafricain des jeunes et des patriotes (COJEP). Et au même moment, le porte-parole des FN, Sidiki Konaté, réclamait de la part de l’ONU la levée des sanctions prononcées par l’institution contre certaines personnalités ivoiriennes pour leur implication dans les crimes pendant la crise, dont, naturellement, Blé Goudé.

Cette nomination a l’allure d’un programme politique savamment monté, et constitue de ce fait un détachement fort du front de bataille de Gbagbo pour gagner la présidentielle prochaine. Car, il subsiste quand même quelques autres problèmes à résoudre, dont la délicate question de l’intégration des éléments des FN (que, dit-on, on ne saurait pas où placer), sans oublier qu’il ne sera pas possible d’intégrer tout le monde dans l’armée régulière ivoirienne, tous les éléments des forces supplétives des deux camps.

Si Gbagbo n’avait pas le choix en nommant Guillaume Soro au poste de Premier ministre, il n’aurait jamais manqué de mettre en branle une véritable et systématique dynamique de récupération totale de la situation en sa faveur, dont l’anéantissement des FN est l’étape majeure et ultime. Aller résolument aux élections tout en maîtrisant l’intégralité du processus.

C’est de bonne guerre. Pour ne pas être un oiseau de mauvais augure, souhaitons que le boulanger de Mama change définitivement, cesse de jouer au rusé et de mettre en péril des espoirs légitimes. On sait qu’en Afrique, les pouvoirs forts et qui durent sont ceux qui s’assurent le contrôle de l’armée. Est-ce pour cela, et par mesure de prudence, que Alassane Dramane Ouattara a demandé à Nicolas Sarkozy, son ami, de maintenir les troupes impartiales françaises et de l’ONU, au moins jusqu’à la fin d’élections transparentes et justes en Côte d’Ivoire ?

L’antériorité souhaitée du désarment par rapport à l’intégration des FN peut constituer un problème pour l’insertion, sauf si, enfin, le problème de confiance réciproque est résolu.

Le Pays

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