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Relations internationales : "Ce n’est pas un hasard si Nicolas Machiavel est un diplomate"

Publié le mercredi 9 mai 2007 à 00h00min

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Sauvons l’Institut diplomatique et des relations internationales, mais soyons francs avec le syndicat autonome du ministère des Affaires étrangères. Ainsi prêchait Zoodnoma Kafando dans sa rubrique hebdomadaire du mercredi dernier, à l’issue de la fermeture instantanée de ladite école sur décision du Conseil des ministres consécutivement à la marche de protestation du syndicat le 11 avril 2007.

Usant de son droit de réponse, l’organisation des travailleurs nous enseigne que ce n’est pas seulement le poste d’ambassadeur qui est politique, mais, aussi et surtout, la profession même de diplomate ; d’où cette référence à Nicolas Machiavel, l’un des plus célèbres auteurs de la pensée politique.

Monsieur Zoodnoma Kafando,

Dans votre chronique hebdomadaire parue dans l’Observateur Paalga n°6873 du mercredi 25 avril 2007, intitulée « Sauvons l’IDRI, mais soyons francs avec le SAMAE », vous êtes revenu sur la brusque et tragique fermeture de l’Institut diplomatique et des relations internationales (IDRI). Vous vous êtes surtout attardé sur un point précis des problèmes soulevés par le Syndicat autonome des agents du ministère des Affaires étrangères (SAMAE) ; à savoir la représentativité des diplomates de carrière au poste d’ambassadeur.

Vous ne revenez pas sur les revendications salariales des diplomates. Soit ! Nous en ferons autant ; mais nous aurions aimé lire vos arguments à ce sujet, étant donné qu’ils peuvent aussi émouvoir et contribuer à la cause des diplomates, si, comme nous l’espérons, les plus hautes autorités sont à l’écoute de l’opinion aussi à travers la presse. C’est d’ailleurs la revendication la plus importante pour les diplomates à ce jour.

En quelques mots, vous considérez que l’ambassadeur occupe un poste politique, donc son choix doit être laissé à la discrétion exclusive du chef de l’Etat.

L’une des exigences de la démocratie est qu’il n’y ait plus rien d’exclusif, plus rien qui ne puisse être soumis à l’appréciation de l’opinion publique. C’est pourquoi nous apprécions positivement votre sincérité que vous affirmez être un néophyte des milieux diplomatiques.

Par contre ce que nous apprécions moins, c’est que vous distillez vos croyances, selon vos propres mots, qui s’apparentent à des idées reçues. Pourtant, ce n’est pas l’information qui manque en la matière. Nous ne vous apprenons rien en disant que les fausses idées ont la tête plus dure que la simple vérité, parce que, la plupart du temps, elle est toute petite et manque de saveur.

Vous affirmez que le poste d’ambassadeur est politique ! Ce n’est pas que le poste, c’est la profession même de diplomate qui est politique. Une fois ce constat fait, si l’on considère que, malgré tout, il faut des professionnels pour l’exercer, il faut aller jusqu’au bout de la logique.

Qui mieux qu’un diplomate, formé aux relations internationales-espace par excellence des enjeux politiques entre Etats -, conscient des exigences du métier, peut défendre les intérêts de son pays ? Ce n’est pas un hasard si l’un des plus célèbres auteurs de la pensée politique moderne, Nicolas Machiavel, est un diplomate.

La prérogative constitutionnelle

Dites-vous bien que les diplomates sont capables de relayer, d’appliquer et de mettre en œuvre la politique étrangère qu’aura définie le Président du Faso, quels que soient les changements apportés et quel que soit le régime en place. Ils en ont reçu la formation, ils en ont les talents et les compétences. De plus, la faible représentativité des diplomates n’est qu’un aspect du problème. En réalité, dans les ambassades, du personnel global, les diplomates représentent moins de 25%.

Il est vrai, la Constitution reconnaît au Président du Faso le pouvoir de nommer ses représentants auprès des autres Etats. C’est la même disposition que l’on retrouve dans les constitutions des autres pays africains et européens. Pourtant, les présidents de ces pays arrivent à réserver une plus grande place aux diplomates de carrière. Dans la sous-région, par exemple, le Mali et le Bénin sont à 75%, le Sénégal à près de 100%.

Pourquoi cette curieuse exception chez nous ? Cette prérogative constitutionnelle de tout chef d’Etat est un pouvoir discrétionnaire. Mais ne confondons pas discrétionnaire et arbitraire.

Ce qui est laissé à la discrétion perd sa sagesse et sa légitimité s’il devient arbitraire. Voilà que les diplomates ne se reconnaissent pas dans les chefs de missions qu’on leur impose.

La même Constitution, dans les mêmes termes, reconnaît le même pouvoir au chef de l’Etat de nommer aux hautes fonctions militaires. Lorsqu’il faut un chef militaire, on le cherche dans les rangs de l’armée.

Lorsqu’on crée les postes de professeur dans les universités, c’est parmi les enseignants du supérieur que le choix s’opère.

Vous avez peur que les professions se referment sur elles-mêmes. A titre d’exemple, vous prenez le cas des médecins, qui "pourraient revendiquer que les postes de directeur général d’hôpital soient leur chasse gardée".

Apprenez qu’il y a un corps de métier formé pour l’administration des hôpitaux : il s’agit des administrateurs des hôpitaux, une partie formée à l’Ecole nationale de santé publique (ENSP) et l’autre à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM).

Par contre, vous conviendrez avec nous qu’il serait absurde de nommer des non-médecins aux postes de chef de service au sein de nos hôpitaux et de nos services de santé. Nous pensons qu’il est raisonnable de comparer le poste de chef de service dans les hôpitaux à celui d’ambassadeur.

Ce que vivent les diplomates aujourd’hui, d’autres corps le connaissent, certes avec moins d’acuité, les postes de responsabilité dans ces ministères étant moins prestigieux que celui d’ambassadeur. Ce n’est pas parce que ce sont des pratiques répandues qu’elles sont pour autant légitimes et normales.

Si la Révolution d’août 1983 a ses mérites, l’une de ses tares a été de faire croire aux citoyens que tout le monde peut tout faire. Cette approche contestable a jeté certains pans sociaux dans les affres de la médiocrité, tels que l’enseignement de base, qui a encore du mal à se relever des erreurs du passé. Et les dirigeants actuels sont aussi comptables de cette Révolution aux méthodes expéditives et arbitraires.

Consécration d’une carrière

D’ailleurs, certains vieux réflexes ont du mal à partir, comme fermer une école en pleine année scolaire, sans mesures claires d’accompagnement. Comme quoi, chassez le naturel..., et il revient. Au galop !

La particularité de la diplomatie réside d’abord dans l’existence en soi d’un corps spécifique de personnel diplomatique, formé et commis à cette tâche. C’est la reconnaissance de la République, qu’une mission de l’Etat nécessite des connaissances, des qualités et des aptitudes particulières ; donc des hommes modelés en fonction de cette nécessité pour accomplir cette mission.

La nomination de diplomate professionnel au poste de chef de mission diplomatique apparaît comme la consécration logique d’une carrière bien remplie, au service de la nation, dans le respect des rigueurs de la profession.

C’est un ferment qui sert de motivation aux plus jeunes, pour qu’ils sachent que le métier sait récompenser ceux qui le servent avec loyauté et sans réserve.

Notre souhait n’est pas que ces professions soient totalement renfermées sur elles-mêmes, par ostracisme, mais que les contributions externes ne dépassent pas quand même le potentiel intérieur. Si c’est le cas, c’est qu’il y a quelque chose qui ne va pas.

La cellule de communication du SAMAE

L’Observateur

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