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OPPOSITIONS POLITIQUES :le piège de l’équilibrisme

Publié le vendredi 7 novembre 2003 à 12h18min

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OPPOSITIONS POLITIQUES :le piège de l’équilibrisme

Lasse de se battre pour faire du général Lansana Conté un démocrate respectueux des textes de base de l’Etat de droit, l’opposition guinéenne a décidé de baisser les bras.

Elle a, en effet, pris la résolution de boycotter la présidentielle de décembre prochain pour, dit-elle, protester contre le verrouillage du système électoral par les tenants du pouvoir à Conakry. Chantage ou démission ? Toujours est-il que cette décision , si elle venait à être appliquée, ferait l’affaire du Général Président qui, malgré la maladie qui le tenaille et l’avait même pratiquement terrassé, s’accrochera à son fauteuil jusqu’à ce que mort s’en suive.

Du reste, ce ne serait pas la première fois qu’une élection est boycottée par l’opposition en Afrique. On pourrait même dire que c’est un phénomène de mode. Mais, dans le cas guinéen, il y a quand même un fait troublant. Parmi les leaders de l’opposition signataires de la déclaration annonçant l’éventuel boycott de la présidentielle, figure Alpha Condé, le patron du Rassemblement du peuple guinéen (RPG).

Celui-là même qui avait pris son bâton de pèlerin pour sillonner l’Afrique à la rencontre de ses pairs opposants pour leur demander de bannir la politique de la chaise vide, n’a pu convaincre ses compagnons de lutte au niveau national. L’on se souvient encore de ses nombreux séjours au Burkina Faso, de ses multiples rencontres avec l’opposition burkinabè à la veille des législatives de mai 2002.

Alpha Condé avait même demandé aux partis membres du Groupe du 14 février d’aller en rangs serrés au scrutin à travers des listes communes. Beaucoup de Burkinabè avaient salué, en son temps, cette démarche pleine de bon sens de l’ancien prisonnier politique guinéen. Mieux, ce dernier était porteur d’un projet destiné à créer les conditions d’une retraite dorée pour les dictateurs africains afin de donner des chances à l’alternance démocratique.

Il s’agissait d’accorder à tous ces monarques une amnistie leur permettant de quitter le pouvoir sans crainte de se retrouver derrière les barreaux pour leur gestion peu orthodoxe de la chose publique. Mais, comme la plupart des opposants africains, Alpha Condé semble avoir compris que dans les arènes politiques africaines, il n’ y a pas de place pour la facilité.

Seuls comptent pour ces princes et autres roitelets, les rapports de force. Et les opposants doivent le comprendre une bonne fois pour toutes. Seules leurs capacité à mobiliser leurs compatriotes autour de projets et programmes porteurs d’espoir, pourront faire d’eux des interlocuteurs crédibles et incontournables des pouvoirs en place, si solidement établis soient-ils. Les oppositions de façade et à géométrie variable, dont l’unique projet de société est la recherche du profit personnel, ne peuvent que renforcer les pouvoirs établis.

Malheureusement, en Afrique, tout le monde veut être leader politique, même des individus qui ne peuvent mobiliser leur noyau familial. Si certains sont mus par des idées revanchardes, parce que ne digérant pas leur mise à l’écart par leurs amis d’hier, d’autres dont la panse devance la pensée, ne voient en la politique qu’un raccourci menant à la réussite socio-économique.

Bien sûr, de tels opposants ne ratent aucune opportunité d’entrer dans les mouvances présidentielles. Bref, ni les boycotts, ni la collaboration ne peut être une alternative à la dérive autoritaire des tenants du pouvoir . Tout se joue à l’aune des rapports de force. Dans nos pays, il est très facile pour un chef d’Etat de se fabriquer des candidats de fraille.

La seule alternative qui vaille est que les oppositions africaines soient animées d’hommes et de femmes convaincus, connaissant les aspirations de leurs concitoyens et prêts à tous les sacrifices (humains et financiers) pour défendre cet idéal pour lequel ils se sont engagés en politique.

Autrement, les aspirations des populations resteront constamment prises en otage par une élite peu scrupuleuse et cupide, guidée par ses ambitions personnelles souvent démesurées. Dans ces conditions, l’alternance reste ce serpent de mer, sans tête ni queue. Heureusement, tout n’est pas si sombre et, dans certains pays, des lueurs d’espoir font revivre des citoyens jusque-là confinés dans les méandres de la soumission et du désespoir.

Mais là encore, les opposants parvenus au pouvoir, se révèlent incapables de faire mieux que leurs prédécesseurs. Certains comme Lanrent Gbagho se sont rendus tristement célèbres dans les dérives meurtrières. Puissent ces rares expériences relativement réussies inspirer tous ces hommes et femmes en panne d’idée qui, plus que les pouvoirs en place, constituent les pires dangers pour les processus démocratiques africains.

"Le Pays"

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