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Voyage aux Etats-Unis : Rencontre avec de grandes plumes de Washington

Publié le mardi 8 mai 2007 à 08h18min

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C’est connu et accepté : on dit des Etats-Unis que c’est le pays de la démesure. Il est donc logique qu’il y ait là-bas des journalistes aux carrières extraordinaires. Richard C. Hottelet, chercheur à l’Université Georges Washington, Bob Woodward, directeur adjoint au Washington Post et John Miller, directeur adjoint des Affaires publiques du FBI font partie de cette race d’hommes de médias américains qui ont un parcours digne d’être exploré.

Commençons par Richard C. Hottelet, rencontré le 26 avril 2007 dans la salle de conférences de l’Université Georges Washington autour d’un thème portant sur l’œuvre d’un journaliste Edward Murrow (1).

Hottelet a été chercheur et membre du fameux « Murrow Boys » pendant la seconde guerre mondiale. En 1941, alors qu’il travaillait pour United Press, à l’âge de 23 ans, il fut le premier reporter américain fait prisonnier par les Nazis.

Il fut arrêté pour espionnage, motif monté de toutes pièces, et placé en détention solitaire pendant quatre mois avant d’être relâché dans le cadre d’un échange de prisonniers. Quand les visiteurs, que nous étions, lui demandèrent les raisons de cette arrestation et les conditions de sa détention, il lâcha que ce qui est arrivé était prévisible : « Cela faisait partie du métier.

A l’époque, je n’étais pas timide et posais des questions désagréables pendant les conférences. J’étais, comme on dit chez vous, une grande gueule. Pendant ma détention, je n’ai pas été torturé, mais ce n’est pas pour vous dire que c’était très amical entre mes geôliers et moi ».

Et la grande aventure n’est pas terminée pour lui. En 1944, à 26 ans, Richard Hottelet fut embauché par Edward Murrow et devint membre de l’équipe qui inventa le journalisme télévisé sur CBS Radio. Le 6 juin 1944, il diffusa le premier témoignage visuel du débarquement en Normandie, lui-même dans un bombardier qui attaqua Utah Beach six minutes avant l’heure H.

Ce journaliste hors pair a également couvert la bataille des Ardennes et a réussi son atterrissage en parachute après que son avion fut visé par les troupes ennemies. En somme, il est une illustration parfaite de l’idée selon laquelle le journalisme mène à tout à condition d’en sortir.

Avant de devenir chercheur dans cette université sise dans la capitale politique et qui porte le nom du premier président américain, il est resté à CBS News pendant 41 ans et est considéré comme un expert en politique étrangère américaine ainsi que dans les questions concernant les Nations unies et la liberté de la presse. Pendant la rencontre avec les visiteurs internationaux, était restée affichée à l’écran une image en noir et blanc.

Sur cette photo jaunie par le temps se trouvent Richard Hottelet, jeune reporter à l’époque, et une dizaine d’autres autour du mentor Edward Murrow. « Tous sont morts. Il ne reste que moi », précisa la vedette du jour, d’un air difficile à déchiffrer. Que pense-t-il du journalisme d’aujourd’hui ? Sa réponse n’est pas pour faire plaisir aux scribouillards en activité.

« Aujourd’hui, la couverture des événements est superficielle et incomplète. De nos jours, la mode, c’est de raconter tellement de blagues dans les programmes pour faire plaisir. Pourtant, Edward Murrow aimait à dire que l’on ne donne pas une information pour faire plaisir. Il ne disait pas au public ce qu’il voulait entendre. La meilleure preuve, il n’aimait pas utiliser les adjectifs dont l’emploi comportait une grande dose de subjectivité ».

Si Richard Hottelet a connu la gloire dans la durée et surtout dans la qualité et la dangerosité de ses reportages, Bob Woodward, lui, était sur la sellette pendant l’affaire dite du Watergate (2), qui a eu les conséquences que l’on sait.

En effet, comment ne pas tomber sous le charme de ce vieillard toujours souriant, encore en activité (comme Hottelet d’ailleurs), et dont les écrits à une certaine époque ont été à l’origine de la démission d’un président (Nixon) ? Bob, comme on appelle les Robert en Amérique, est presque une « institution » au Washington Post et dans la presse en général du pays de l’oncle Sam.

Il est d’ailleurs aussi connu que le loup blanc sous d’autres cieux. En atteste le nombre de journalistes chinois, surtout chinoises, qui tenaient à prendre une photo avec lui, avant le début du panel organisé pour les visiteurs internationaux et portant sur la couverture de l’actualité internationale par les médias américains.

On avait l’impression que c’était une star de cinéma. D’ailleurs, ils n’étaient pas les seuls à vouloir poser avec lui. Si fait qu’il fallait mettre de l’ordre de ce côté-là pour respecter l’heure du début des travaux. Aujourd’hui directeur adjoint au Washington Post, cet opposant enragé de la guerre en Irak n’arrête pas d’écrire des bouquins concernant le sujet.

Il fait remarquer : « L’équipe Bush se faisait beaucoup d’illusions sur la guerre. Elle croyait pouvoir la gagner sans perte en vies humaines. Pourtant, le passé devrait les instruire. Lors d’un entretien, j’ai demandé à George Bush pourquoi il n’a pas demandé conseil à son papa avant d’envahir l’Irak.

Il m’a répondu que ça ne ferait pas crédible. Pour certainement me clouer le bec, il a ajouté, fataliste, qu’il s’en remettait à un père plus puissant. De toutes les façons, il n’allait pas suivre les conseils de son papa ! ».

Mais quel parcours singulier que celui de cet autre journaliste qui s’appelle John Miller ! L’actuel directeur adjoint des Affaires publiques au Bureau fédéral d’investigation (FBI) serait resté un journaliste comme les autres s’il n’avait pas, un jour, rencontré sur son chemin l’homme le plus craint de l’Amérique, Ben Laden.

En effet, John Miller a été le dernier journaliste américain à l’interviewer avant le 11-Septembre. Et avec cet humour typiquement anglo-saxon, il se plaint de ce que le chef d’al Qaida l’ait oublié. « Ben Laden n’est pas gentil. Depuis notre rencontre, il ne m’appelle plus et ne répond plus à mes messages ».

Mais l’on est tout de même tenté de se demander comment un journaliste s’est retrouvé flic et au FBI de surcroît ; la police des polices américaines. Surtout que ce n’est pas souvent le grand amour entre ces deux corps de métier. Après explication, force est de constater que John Miller a un parcours rocambolesque. D’abord journaliste, il a ensuite travaillé comme flic à la police de New York. Plus tard, il est revenu à ses premiers amours : la presse.

Pas pour très longtemps parce qu’il migre vers la police de Los Angeles, avant de continuer au FBI. « Mes confrères journalistes étaient fâchés contre moi, surtout quand je suis allé au FBI. Mais à chacun sa voie ». Aujourd’hui, c’est lui le premier point focal vers lequel convergent les journalistes qui ont besoin de quelque information sur les enquêtes du FBI.

Décidément, celui qui a affirmé que le journalisme mène a tout à condition d’en sortir mériterait un Pulitzer (3) à titre posthume.

Issa K. Barry

L’Observateur

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