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Bobo Dioulasso : Des fraudeurs entre les mains de la gendarmerie

Publié le lundi 7 mai 2007 à 08h33min

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Les citoyens bobolais, en même temps que ceux des autres villes et campagnes du Burkina, étaient conviés hier dimanche 6 mai 2007 dans les différents bureaux de vote pour élire leurs représentants à l’Assemblée nationale.

Si la discipline et la faible affluence des électeurs ont été constatées dans la plupart des bureaux de vote, on retient cependant que des cas flagrants de fraude ont nécessité l’intervention de la gendarmerie nationale qui a même procédé à des arrestations pour des besoins d’enquête.

A Bobo Dioulasso, et comme lors des précédentes élections, ce sont les établissements scolaires du public et du privé, de même que certains locaux administratifs légèrement aménagés, qui ont fait office de bureaux de vote lors du scrutin législatif d’hier 6 mai 2007. Et dès 6 h comme prévu, ces différents bureaux avaient effectivement ouvert leurs portes et pouvaient être facilement identifiés par les petits rangs d’électeurs qui s’y constituaient, et la présence sur les lieux des forces de l’ordre.

Les premiers électeurs, selon les patrons des lieux, se sont présentés dans les bureaux de vote à partir de 6h, c’est-à-dire dès leur ouverture. Dans la matinée, tout semblait très bien se passer, comme l’avait d’ailleurs prédit samedi soir, la veille du scrutin, le président de la Commission électorale provinciale indépendante (CEPI) de Bobo.

Partout où nous sommes passé, le scénario routinier pour l’expression des suffrages était le même et répondait à la réglementation prescrite, selon les divers observateurs que nous avons interrogés sur place : vérification de cartes d’électeurs et de documents d’identité, présentation des doigts, prise de bulletin de vote, un tour dans l’isoloir, le bulletin dans l’urne, puis l’auriculaire gauche dans l’ancre indélébile.

Le flux d’électeurs variait d’un bureau de vote à l’autre et d’un moment à l’autre. Ce qui donnait le film de longs rangs devant certains bureaux de vote tandis que dans d’autres les membres, des délégués de partis politiques et autres observateurs se tournaient les pouces. L’essentiel de l’opération s’est déroulée dans la matinée (avant midi). La raison, selon des électeurs, est liée à la nécessité de « faire vite afin d’aller vaquer à ses occupations ordinaires ».

Fraude à ciel ouvert

Bien que s’étant déroulé dans un calme olympien général, le vote à Bobo Dioulasso a été entaché de « fraudes massives » détectées et dénoncées par des délégués des partis d’opposition. Le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), parti majoritaire, est pointé du doigt. L’arrondissement de Dafra, le plus grand en terme de superficie, a été indexé comme bastion de la fraude, préparée quelques semaines à l’avance.

De source proche de la CEPI/Houet, on apprend que des présidents de bureau de vote, dont l’impartialité et l’honnêteté étaient mises en cause, ont été démis de leurs fonctions, seulement à quelques heures du scrutin. De même, les cartes d’électeurs restantes auraient été toutes ramenées au siège de la CEPI pour, dit-on, éviter les tricheries.

Qu’à cela ne tienne ! Un premier cas de fraude a été détecté au bureau de vote n°1 du secteur 17 (Sarfalao) où étaient attendus 739 électeurs potentiels. La-bas, des délégués des partis de l’opposition qui ont trouvé intriguant que des électeurs soient convoyés à bord d’un car et une « bâchée » au bureau de vote ont décidé de tirer la sonnette d’alarme. La gendarmerie intervient et arrête au moins une dizaine d’électeurs suspects, majoritairement des femmes.

Abdoulaye Diarra, président dudit bureau de vote, explique : « Des électeurs sont effectivement arrivés à bord d’un car et se sont présentés à nous pour voter. Ils avaient en leur possession des cartes d’électeurs et des pièces d’identification en bonne et due forme. Ils avaient leur nom sur nos listes. Et comme le code électoral n’exige pas un mode de déplacement vers les bureaux de vote, nous n’avons pas cherché à savoir s’ils étaient arrivés en bus ou à pied. Ils ont été autorisés à voter et sont tranquillement repartis après. C’est dire donc qu’il n’y a rien d’irrégulier à signaler à notre niveau... »

Presque rien à signaler du côté de la gendarmerie également , selon le colonel Serge A. Ouédraogo du Groupement départemental, qui précise toutefois que des individus suspects ont été arrêtés pour des besoins d’enquête. Ces derniers sont seulement suspects, selon le colonel, car ils auraient tenté de voter, bien que non inscrits sur les listes.

Lors d’un mea culpa fait à la presse sous le couvert de l’anonymat, l’un des présumés faussaires a avoué que l’association à laquelle il appartenait aurait été sollicitée par des responsables du CDP, une semaine à l’avance, pour trouver des volontaires n’ayant pas de cartes d’électeurs et qui accepteraient d’aller voter sous une fausse identité. En retour, précise-t-il, on leur avait fait la promesse de soutenir leur association. La même source explique aussi que des jugements supplétifs d’acte de naissance avaient été établis à la mairie de l’arrondissement de Dafra, qui portaient les mêmes identités mentionnées sur des cartes d’électeurs non distribuées.

Ainsi, il était remis à chaque faussaire une carte d’électeur et un jugement supplétif d’acte de naissance portant les mêmes identités, différentes, bien entendu, de celles du faussaire qui se présenterait au bureau de vote. Une carte d’électeur et une copie du jugement supplétif d’acte de naissance qui l’accompagnait nous ont été présentées. Le pot aux roses aurait été découvert, toujours selon notre informateur, par un délégué ADF/RDA. Avec l’intervention de la gendarmerie et l’arrestation de quelques faussaires, les choses sont apparemment rentrées dans l’ordre dans ce bureau de vote en fin de matinée.

Au moment où nous quittions Sarfalao, nous avons été informé par téléphone qu’une autre situation de fraude venait d’être décelée au secteur 14, à Bindougousso. Là-bas également, nous avons trouvé la gendarmerie, venue en renfort. L’enceinte des écoles Bindougousso A et B qui abritaient les bureaux de vote était noire de monde. Les délégués des partis d’opposition criaient à la fraude. Nous avons trouvé sur place le député Déval Millogo, candidat UNDD, venu, lui aussi, constater « les dégâts ». Renseignements pris, nous nous rendons compte que le système de fraude dénoncé était exactement le même que celui détecté à Sarfalao.

Zezouma Millogo, délégué superviseur de l’ADF/RDA, indique qu’il y a eu plus d’une centaine d’électeurs qui se sont présentés avec des actes de naissance apparemment neufs mais datés de plusieurs mois. « N’ayant pas de preuve suffisante pour dénoncer cette fraude, explique-t-il, nous nous sommes calmés jusqu’à ce qu’une jeune fille, une certaine Sidibé que je connais personnellement, se soit présentée pour voter avec des documents pourtant les noms Ouattara Téné. Et lorsque je lui ai demandé depuis quand elle portait le nom Ouattara, elle m’a répondu qu’on lui avait remis la carte et l’acte de naissance pour aller voter... »

Dès lors, la stratégie de vérification d’identité développée par les délégués des partis d’opposition a été de demander à l’électeur suspect le nom de son père et celui de sa mère. Tous ceux incapables d’y répondre étaient systématiquement écartés du rang des électeurs et leurs documents de vote mis sous scellés. Ainsi, un lot de cartes d’électeurs et de jugements supplétifs d’acte de naissance, tous établis à la mairie de Dafra, étaient entre les mains des délégués des partis de l’opposition, unanimes à tenir le CDP responsable de cette fraude très bien organisée.

De même, un nombre incalculable d’individus ont réussi à voter sous une fausse identité, selon les délégués de l’opposition, qui exigeaient dès lors l’annulation et la reprise du scrutin. Après vérification des actes de naissance saisis, nous nous sommes rendu compte qu’il y en avait deux qui portaient la même date de signature, le 31 juillet 2005, et qui avaient des numéros de registre assez éloignés : 845 et 4975. De même, une simple vérification du calendrier nous a permis de nous rendre compte que la date de signature de ces jugements supplétifs ( 31 juillet 2005) tombait un dimanche.

Des cas de fraude similaire auraient été également decelés au secteur 21 de Bobo Dioulasso. Au moment où nous bouclions cet article, nous apprenions, de source digne de fois, que des cas similaires de fraude avaient été dénoncés au secteur 21 et que le bureau de vote n°13 du secteur 14 (Bindougoussou) avait finalement été prématurément fermé, en raison de la persistance de la fraude.


101 électeurs radiés d’une liste

Toutefois, comme nous annoncions plus haut, quelques complications liées aux listes électorales ont entaché le déroulement serein du vote dans la deuxième plus grande commune du Burkina. Il s’agit précisément des électeurs qui se sont présentés aux bureaux de vote avec leurs cartes et autres documents d’identité bien en règle, mais dont les noms ne figuraient pas sur les listes électorales. Quelques cas isolés du genre ont été déclarés dans la plupart des bureaux de vote que nous avons visités. Mais ce mal était plus profond au bureau de vote n°1 du secteur 2, sis à l’école Diarradougou A.

Là-bas, 717 électeurs étaient inscrits sur la liste électorale ayant servi pour l’élection présidentielle. Mais pour ces législatives, c’est une liste de 616 inscrits qui a été remise aux membres du bureau de vote. Il y avait donc 101 noms d’électeurs qui ont ainsi mystérieusement disparu de cette liste. Bien entendu, ces électeurs s’y sont rendus pour le vote, mais sont repartis frustrés de n’avoir pas pu exprimer leur suffrage.

Certains parmi eux n’ont pas hésité à sortir de leurs gonds, tenant les membres des bureaux de vote responsables de cette situation, nonobstant les tentatives de ceux-ci de plaider non coupables. Le président dudit bureau de vote, Dramane Zerbo, a dit ne pas comprendre grand-chose, lui non plus, à cette situation, mais il affirme en avoir avisé la Commission électorale indépendante d’arrondissement (CEIA) de Dô, qui aurait promis de faire parvenir une autre liste.

A titre indicatif, la commune de Bobo Dioulasso comporte 3 circonscriptions électorales qui correspondent aux 3 arrondissements que sont Dafra, Konsa et Dô, auxquels sont rattachés les 35 villages du département de Bobo. Les 149 598 potentiels électeurs dans la commune sont invités à plébisciter les listes de candidatures présentées par 33 partis politiques, soit un total de 2 612 candidats pour 155 sièges à pourvoir. L’administration des votes a nécessité le déploiement de 1 120 personnes réparties dans les 280 bureaux de vote installés sur l’étendue de la commune.

Nombre de bureaux de vote :

Dafra : 122

Nombre d’inscrits : 69 167

Nombre de bureaux de vote : 88

Nombre d’inscrits : 48 255

Konsa

Nombre de bureaux de vote :57

Nombre d’inscrits : 36 479

Total commune

 : nombre de bureaux : 267

Nombre d’inscrits : 153 901

Nombre de bureaux de la province : 575

Nombre d’inscrits de la province : 284 336

Par Paul-Miki ROAMBA

LE Pays

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