LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

6 mai 2007 : Les Burkinabè aux urnes

Publié le vendredi 4 mai 2007 à 08h54min

PARTAGER :                          

Neuvièmes consultations démocratiques depuis 1991, les citoyens burkinabè vont élire leurs députés le 6 mai prochain. Les chances d’une alternance semblent minces.

Pour la quatrième fois depuis l’adoption de la constitution de 1991, les burkinabè vont renouveler le 6 mai 2007 le mandat de cinq ans de leurs députés. Au total, 3691 candidatures issues de 47 partis politiques ont été validées par la Commission électorale nationale indépendante (Ceni). Officiellement ouverte le 14 avril, la campagne aura permis aux postulants de sillonner villes et villages à la rencontre d’un électorat de plus en plus méfiant à l’égard de ses dirigeants.

Il ne faut pas s’attendre à une surprise sur l’issue de ce scrutin, une victoire du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) paraît plus que probable et son hégémonie sur la scène politique nationale ne devrait pas être remise en cause. La seule inconnue, et c’est tout l’enjeu de ces élections, réside dans l’ampleur de la victoire du parti au pouvoir.

En 1992, la formation du président Blaise Compaoré avait remporté 78 des 107 sièges, puis 101 sur 111 sièges en 1997, avant de chuter à 57 sièges en 2002 contre 54 à l’opposition. Face à cette belle performance de l’opposition, certains avaient naïvement évoqué une possible alternance dans un avenir plus ou moins proche, oubliant que le scrutin s’était déroulé dans un contexte socio-politique fortement marqué par la crise née de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo.

Acculé, le gouvernement n’avait d’autres choix qu’entériner des réformes politiques proposées par un Collège de sages, notamment la création d’une Commission électorale indépendante (Ceni), l’adoption de la proportionnelle au plus fort reste comme mode de scrutin et l’instauration du bulletin unique. Fortement suspectée au début d’être favorable au pouvoir, la Ceni avait finalement conduit tout le processus électoral avec succès en assurant une certaine transparence du scrutin. ésultat : une brutale cure d’amaigrissement du CDP et une plus grande visibilité de l’opposition.

Plus que le bulletin unique qui, de l’avis de tous, a certes permis de limiter considérablement les fraudes, le mode de scrutin y était pour beaucoup dans le bon score de l’opposition. A l’époque, le CDP n’avait d’ailleurs pas manqué de relever qu’ayant réuni 52% des suffrages exprimés, il aurait remporté une centaine de sièges si le mode de scrutin de 1997, la proportionnelle à la plus forte moyenne, avait été retenu.

Les résultats des dernières consultations ont montré que l’opposition burkinabè avait encore du chemin à faire pour arriver au pouvoir. A la présidentielle de novembre 2005, le candidat du CDP, Blaise Compaoré a été élu dès le premier tour avec 85,35% des suffrages, très loin du second, Bénéwindé Stanislas Sankara, leader de l’Union nationale pour la renaissance-Mouvement sankariste (Unir-Ms) qui n’a recueilli que 4,88%, et en avril 2006, le CDP est sorti largement vainqueur des élections municipales en remportant 12854 des 17786 sièges à pourvoir. Une humiliation pour l’opposition !

Face à une telle domination du CDP sur les autres partis politiques, la revue Politique Africaine dans son numéro 101 de mars-avril 2006 conclut à « l’alternance impossible » au « Pays des hommes intègres ». Politique Africaine classe le pouvoir en place dans la catégorie des régimes « semi-autoritaires » et « hybrides » qui « autorisent la création et l’activité des partis politiques, d’associations et d’une presse relativement indépendante » (...) mais qui font tout pour « ne pas exposer le pouvoir aux risques du pluralisme, donc de l’alternance ».

Certes, les assassins de Norbert Zongo et de ses compagnons d’infortune courent toujours, et le juge d’instruction, Wenceslas Ilboudo a fini par rendre un non-lieu en juillet 2006, suscitant l’indignation du Collectif, un rassemblement d’ associations de défense des droits de l’homme et de partis d’opposition créé pour exiger la lumière sur ce crime. Mais la capacité de mobilisation du Collectif n’étant plus la même qu’il y a cinq ans, le gouvernement n’a pas hésité à réformer le code électoral adopté par consensus en 2001, en restaurant la proportionnelle à la plus forte moyenne et en procédant à un nouvel découpages des circonscriptions, des réformes qui avantagent les grands partis politiques.

Avec les moyens financiers et humains dont il dispose, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) s’achemine vers une victoire d’autant que de nombreux électeurs s’intéressent beaucoup plus au portefeuille qu’au programme du candidat. Une très large victoire du parti au pouvoir n’est pas nécessairement une bonne chose pour la démocratie burkinabè. Ayant les mains libres -ce qui n’est pas le cas actuellement- le CDP pourrait être tenté de revenir sur certaines réformes constitutionnelles qui avaient contribué à détendre le climat social. C’est là tout l’enjeu de ces législatives.

Pour les partis de l’opposition, disposant de peu de moyens financiers et incapable de présenter des candidatures communes face aux candidats du pouvoir, il s’agit de limiter la casse. Entre eux, l’enjeu sera de ravir la deuxième place, synonyme pour le leader de la formation d’être désigné chef de file de l’opposition.

Gilbert Ouédraogo qui a pris la tête de l’Alliance pour la démocratie et la fédération/rassemblement démocratique africain (ADF/RDA) en juillet 2003 suite à un putsch contre Herman Yamégo, parviendra t-il à consolider la place de l’ADF comme le premier parti de l’opposition ?
A la surprise générale, il avait renoncé à se présenter à la présidentielle de novembre 2005 et avait apporté son soutien à la candidature du président sortant Blaise Compaoré.

Pour l’Union nationale pour la démocratie et le développement (UNDD), ces élections sont d’une grande importance car elles permettront de mesurer l’audience de son leader, Herman Yaméogo, une des figures de l’opposition burkinabè. Quant au Parti pour la démocratie et le progrès/Parti socialiste (PDP/PS) qui était la première formation de l’opposition durant les deux premières législatures, sa présence à l’hémicycle même symbolique n’est pas assurée.

Membre de l’Internationale socialiste, le PDP a subi des scissions il y a quelques années avec le départ de nombreux cadres et son leader actuel, Ali Lankouandé, 77 ans est peu connu du public. Enseignant à la retraite, il était arrivé en 6e position à la dernière présidentielle, ne totalisant que 1,74% des suffrages exprimés, et son parti a obtenu à peu près le même score aux municipales d’avril 2006.

En 2002, le Parti de la renaissance nationale (Paren) avait créé la surpris en remportant 4 sièges, mais l’image de son chef, Laurent Bado s’est considérablement dégradée depuis que la presse a révélé qu’il a reçu 30 millions de F CFA du président Compaoré, soucieux d’aider l’opposition à mieux s’opposer !

Pour sa première participation, l’Union nationale pour la renaissance/Mouvement sankariste (Unir/Ms) avait aussi remporté 4 sièges aux dernières législatives et Bénéwindé Stanislas Sankara était arrivé en deuxième position à la présidentielle. Celui qui apparaît aux yeux de ses partisans comme le plus déterminé des opposants au président Compaoré réussira t-il à rééditer ses succès passés ?

Par Joachim Vokouma
Lefaso.net

PARTAGER :                              

Vos commentaires

 LeFaso TV