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Mali : Mauvais présages pour la démocratie

Publié le mercredi 2 mai 2007 à 08h33min

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Amadou Toumani Touré

Que se passe-t-il au pays de Modibo Keïta, sur les rives du Djoliba, ou plus exactement que se passera-t-il dans ce Mali considéré, depuis quelques années déjà, comme un des modèles de démocratie en Afrique de l’Ouest ? C’est la question globale à laquelle renvoie l’élection présidentielle, avec tout ce que l’on en dit.

Avec le retrait de la Commission de centralisation des résultats, de la coalition de partis de l’opposition, sous le prétexte que les élections en question ne seraient ni transparentes, ni justes, d’une part, et les déclarations de victoire du camp d’ATT et de celui d’IBK, d’autre part, on est en droit de s’inquiéter quant à l’issue démocratique de ces consultations nationales. Ce qui est sûr, c’est que ça ne va pas là-bas.

Des élections limpides, transparentes et régulières sont-elles possibles sous les Tropiques ? Avec ce qui s’est passé au Sénégal dans une moindre mesure, et plus grave encore, avec ce qui s’est passé au Nigeria, où il est même question d’annuler la récente élection présidentielle, pour cause d’irrégularités et de tricheries, la question mérite, malheureusement, d’être posée.

Hormis la Mauritanie qui a réussi des élections relativement transparentes et dont les résultats n’ont guère été contestés, le continent africain semble être le lit de démocraties bananières.

Est-ce à dire que la démocratie par la voie électorale est impossible en Afrique ? Quelles sont les conditions à remplir pour des élections justes et crédibles chez les peuples africains ? Le principe de l’alternance et l’existence d’une opposition reconnue et crédible sont quelques-uns des gages d’un régime démocratique, à côté d’une société civile consciente, responsable et bien organisée. Ces "symboles" existent même si, il faut le reconnaître, l’opposition en Afrique est généralement peu crédible, du fait de la compromission à un moment ou à un autre, de ses leaders avec le pouvoir en place et la société civile non organisée, sans une véritable culture citoyenne.

Pour le cas particulier des élections de ces dernières années, on peut se demander quelle est la pertinence ou l’efficacité des "observateurs" (nationaux et surtout étrangers) et leur rôle dans la transparence et la régularité des votes, même si de plus en plus leur présence est imposée comme une des "conditionalités" des bailleurs de fonds qui financent la plupart des élections en Afrique. Non seulement "l’étranger a les yeux gros mais ne voit pas le trou", mais en matière d’élection tout se joue en amont, précisement au moment où les observateurs, même nationaux, sont absents. En fait, qu’observent-ils ?

Que peuvent-ils observer ? Qu’est-ce qu’on leur permet de voir et pendant combien de temps ? Sont-ils vraiment neutres au point d’être indépendants vis-à-vis de ceux qui ont financé leur "mission" et de ceux qui ont accepté de leur délivrer le "visa" d’entrée, surtout quand ceux-ci se trouvent être en même temps candidats ou intéressés par les mêmes consultations ?

Est-ce un hasard si l’on ne tient pas compte de leurs "conclusions" quand elles divergent des prévisions du pouvoir, ou qu’on s’en félicite si elle sont conformes aux attentes ? Non. Manifestement, la présence d’"observateurs" étrangers n’est pas forcément un indicateur de la régularité d’une élection. En fait, le principe de l’observation ne suffira jamais à rendre compte de la régularité d’une élection ni à dissuader les fraudeurs. Il faut donc continuer à chercher d’autres parades.

La mise en place d’une Commission électorale nationale indépendante (CENI) ? Elle n’a d’indépendant que le nom. Structure de l’Etat émargeant au budget de celui-ci, son indépendance sera toujours hypothéquée chaque fois, par exemple, que le président en exercice sera en même temps candidat à sa propre succession. Sans parler des moyens matériels, administratifs, humains et politiques de l’Etat et leur usage à des fins électorales partisanes.

Ces deux derniers éléments mettent à nu un autre problème, structurel cette fois, celui du statut du président candidat. En situation de juge et partie à la fois, il sera enclin à faire des "manipulations" plus ou moins discrètes de tout genre. En Afrique, on a rarement vu un président en exercice candidat à sa propre succession perdre des élections organisées par lui-même, par l’Etat ! Le cas de Wade qui a battu Abdou Diouf est trop singulier pour infirmer ce qui est perçu désormais comme la règle.

Alors, pourquoi ne pas envisager que le président accepte de se démettre dès que sa candidature a été acceptée ou, en tout cas, avant le démarrage officiel de la campagne électorale ? On connaît certains qui ont démissionné de leur poste de ministre pour être "libres" de battre campagne, ou d’autres qui l’ont fait pour permettre à la Justice de jouer son rôle en toute indépendance C’est dire donc que cela est possible, et une Constitution vraiment démocratique dans sa conception, son adoption et sa finalité n’aura aucun mal à inscrire et prononcer l’incompatibilité stricte entre le statut de président en exercice et celui de candidat à l’élection présidentielle.

Enfin, pourquoi ne pas envisager des formes de consultations compatibles avec les moyens de l’Etat, le niveau de maturité citoyenne des populations et les réalités sociales du pays ? Car même la démocratie à l’occidentale, qui nous est imposée comme modèle de régime social moderne, n’a pas revêtu ces caractéristiques actuelles dès l’origine.

Autant tout le monde n’est pas éligible au poste de président dans un pays africain donné, autant tout le monde ne peut être électeur, à moins de pencher pour la démagogie, les calculs mesquins ou pour le tripatouillage des élections. Et cela ne nuirait aucunement à la démocratie, pour peu qu’on comprenne et explique les fondements. En tout cas, pour ATT on peut se demander s’il n’a pas brigué un mandat de trop et si Obansanjo n’a pas eu tort de vouloir tripatouiller la Constitution du Nigeria pour espérer un autre mandat interdit.

L’un et l’autre risquent de ternir l’image positive qu’ils étaient en train de laisser à la postérité et à l’histoire africaines.

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 3 mai 2007 à 12:23, par Bernard En réponse à : > Mali : Mauvais présages pour la démocratie

    Mes Chers amis de la presse écrite et Télévisuelle du Burkina-Faso,

    Pouvons nous arrêter d’être des politologues, des journalistes du service politique de la chaîne politique des pays étrangers et s’occuper un peu de la notre ?
    Je suis un Burkinabé et fier de l’être, j’ai 26ans aujourd’hui donc 24ans passé au Burkina-Faso. J’ose esperer qu’un jour la presse Burkinabé surtout la télévision NATIONALE qui appartient normalement au peuple Burkinabé et non au pouvoir en place, osera fait des analyses claires et précises sur la " gestion macabre de notre pays " avant de s’étaler sur les images de la vie politique des autres pays.

    Je suis désolé mais la presse Burkinabé particulièrement la télévision NATIONALE montre l’image d’une chaine Ambassadrice d’une chaîne d’un pays étranger qui doit présenter ce qui se passe dans le pays d’origine au citoyen de ce pays vivant dans un pays étranger.
    Les infos qui concernent le peuple et choquent le pouvoir passent en faits divers. Elle passe tout son temps à balayer à la porte du voisin et la notre tant pie. Je parle en connaissance de cause.
    Dans l’affaire Norbert ZONGO, il était très rare voire quasiment impossible d’esperer voir les images de cortège des marches du collectif. Tout est fait pour montrer qu’il n’ya pas eu beaucoup de manifestant, n’en parlons meme pas une marche des étudiants de L’université de Ouagadougou elle n’en fait meme pas mention. Heureusement que certains journaux existent mais il ya quand meme une differrence entre l’image et l’ecrit !
    Par contre dans la crise Ivoirienne ou la crise des Banlieues en France ou la crise ouverte après le CPE en France, bonjour les images, on fait tout diffiler sans trier les images présentées dans les moindres détails. Pourquoi pas cela lors de l’affaire Nobert ZONGO ou de la grève générale en 2002 à l’Université de Ouagadougou contre l’augmentation des frais d’inscriptionou de la crise en Fac de médecine en 2005 ?

    Franchement, cette télévision doit repenser sa politique. habitant en France depuis 2005, je me permets de prendre l’exemple de France2 chaine publique Française, les frasques du ministre de l’intérieur M. SARKOZY sur les jeunes des Banlieus suite à leur manifestation les traitant de RACAILLE ont été diffusé ainsi que les idées de ses contradicteurs mais si c’était au Burkina-Faso pas possible.Mais il ya des journalistes de cette chaine qui sont de L’UMP mais pourquoi pas cacher cette info, parce qu’ils pensent qu’à l’interet general et non directement à leur protion personnelle.

    Quand à la presse Burkinabé en générale, vous vous "réveillez" ( vous faites des analystes pertinentes quand il y est des élections dans d’autre pays), vous parler beaucoup des élections au Sénégal ou au Mali et la probable réélection du Président Sortant dès le premier tour. Ok je suis du point de vue qu’il pourrait y avoir des fraudes, et c’est un manque de democratie d’etre élu dès le 1er tour vu le nombre de candidats mais j’aimerais vous demandez : que pensez-vous de la rélection de Blaise COMPAORE ? pire dès le 1er tour avec 82°/° ? pas une honte ?

    • Le 3 mai 2007 à 23:28 En réponse à : > Mali : Mauvais présages pour la démocratie

      M. Bernard

      Si vous aviez lu la presse burkinabè après la victoire au 1er tour de Blaise Compaoré, vous n’auriez pas posé cette question. Savez-vous que certains journaux ont qualifié son score de "stalinien ?", ce qui, vous en conviendrez, n’est pas un compliment. Il n’est donc pas exact de dire que la presse burkinabè ne se "réveille" que qand il y a des élections dans d’autres pays. La presse burkinabè ne dort pas, M. Bernard, elle joue son rôle dans le respect de la loi

      Joachim Vokouma

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