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Au Gulmu : Le rouleau compresseur du CDP en marche

Publié le mercredi 2 mai 2007 à 08h45min

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Avec près de 50 000 km2 de superficie, l’Est du Burkina, le Gulmu, reste, avec seulement 191 922 habitants (RGPH 2007), un nain en matière de population. C’est pour cela que seuls 9 postes de députés y sont à pourvoir. Le week-end dernier, nous étions dans cette zone pour nous faire une idée du déroulement de la campagne des législatives et jauger un tant soit peu les chances des uns et des autres de siéger à l’Assemblée. Etat des lieux.

C’est de notoriété publique : Fada N’Gourma est la capitale du Gulmu, qui regroupe cinq provinces, soit la Tapoa, le Gourma, la Gnagna, la Komondjari et la Kompienga. A l’instar des autres régions de notre pays, le Gulmu est en plein dans les législatives 2007 pour les neuf (9) sièges à pourvoir pour la 4e législature de l’Assemblée nationale.

Habituée à de récurrents coups d’Etat ou à de petites révolutions de palais, l’ex-Haute-Volta n’a jamais connu deux législatures successives sans qu’on déplore un accroc majeur. Est-ce parce que les rivalités entre les protagonistes de la scène politique étaient très fortes ou est-ce parce que les pouvoirs issus de ces consensus électoraux étaient très faibles ?

Difficile d’y répondre, et assurément, les politologues pourraient se prononcer sur ce sujet en temps opportun. Mais on aura constaté que, depuis l’adoption de la première mouture de la Constitution de juin 1991 et l’installation des députés de la première législature en 1992, nous en sommes à ce jour à envoyer, pour la 4e fois consécutive, des élus à l’Assemblée nationale.

Pour prendre le pouls de la campagne électorale, nous nous sommes rendu à Fada N’Gourma. C’était le vendredi 27 avril dernier. Ce jour-là il y pleuvait des cordes. Au moment où nous foulions le sol, maître Gilbert Ouédraogo, le président de l’ADF/RDA, venait de mettre un point final à son meeting au palais royal.

Mais cette manne venue du ciel annonçait-elle déjà ce que prédisait Kupiendiéli, il y a quelques jours, lors d’un meeting ? En tout cas, lors de sa première sortie officielle à Diabo en tant que tête de liste officielle de l’ADF/RDA au Gourma, le roi du Gulma, Kupiendiéli, avait promis une pluie bienfaisante le 6 mai prochain, afin que les électeurs de Fada puissent accomplir leur devoir de citoyens dans la fraîcheur.

Après les 44,7 mm de pluie enregistrés vendredi soir, le lendemain samedi était un jour agréable, car la forte canicule qui y sévissait auparavant avait presque disparu, il faisait frais et c’était une belle journée.

Mais, véritablement, dans la capitale du Gourma, on ne se croirait pas en pleine campagne. Hormis les affiches du CDP et de l’ADF/RDA, et les quelques-unes de la demi-dizaine des 16 partis en compétition placardées sur les arbres, les véhicules et dans certains lieux publics, rien, vraiment rien n’aurait pu indiquer l’imminence d’un scrutin. Bien de partis restent, en effet, très discrets.

Peut-être bien que ces formations ont opté pour le porte-à- porte, qui, semble-t-il, est mieux indiqué pour les partis qui ne disposent pas de grands moyens logistiques et financiers. Pis, nous a-t-on confié, à ces grands rassemblements que sont les meetings, tout le monde vient, l’opposant tout comme le simple badaud sans carte d’électeur, en quête de l’événementiel, de sorte qu’il est difficile de moduler le message. Pour les deux postes de député à pourvoir au Gourma, sauf surprise, la bataille sera rude entre le CDP et l’ADF/RDA.

Du côté du CDP, nous avons comme tête de liste Idrissa Tandamba ; enseignant à la retraite et après un peu plus de deux mandats à la tête de la mairie de Fada, l’homme reste une grosse pointure de la politique locale ; mieux, suppléant du très populaire innocent Coulibaly appelé à prendre les rênes de la CNSS, Idrissa Tandamba siège présentement à l’Assemblée nationale ; c’est d’ailleurs lui qui est la cheville ouvrière de la campagne du CDP au Gourma. Presque sans répit, ce parti enchaîne meeting sur meeting dans cette zone pour mieux rallier l’électorat à sa cause.

Sauf donc "tremblement de terre", comme nous l’a d’ailleurs laissé entendre un dinosaure de la scène politique nationale, Idrissa Tandamba sera réélu député à l’Assemblée nationale au soir du 6 mai. La seule question reste de savoir qui du CDP ou de l’ADF/RDA prendra le second siège à Fada, où on rappelle à qui veut l’entendre que Kupiendiéli a eu son grand frère Yentangu député sous la 3e République.

Mieux, dit-on, son père, le roi Hamtiouri, fut député lors de la première législature ; alors, Kupiendiéli pourra-t-il, à son tour, siéger à l’hémicycle, vu que la scène politique actuelle est radicalement différente de celle qui prévalait sous la 3e République et de celle de la 1re République ?

Hormis donc le CDP et l’ADF/RDA, qui passent pour être les grands challengers, le PDP du Pr Ali Lankoandé, l’UNDD d’Hermann Yaméogo, le MPS/PF du docteur Emile Paré et l’Union des partis sankaristes, de temps à autre, s’y font entendre. C’est dire que rien, vraiment, n’est joué d’avance, car en sus du CDP et de l’ADF/RDA, une arrivée inopinée d’un troisième "larron" n’est pas à exclure dans ce Gulmu, où une simple petite dérive verbale peut faire basculer les électeurs de tout un village d’une formation politique à une autre.

La Gnagna

Avec une population de 407 739 habitants, la Gnagna est la province la plus peuplée du Gulmu ; ce n’est donc pas étonnant que, alors que la Kompienga, la Komondjari, le Gourma et la Tapoa ont chacune deux députés, la Gnagna se retrouve, à elle seule, avec trois sièges.

il fut un temps où le PDP, incarné par l’inspecteur de l’Enseignement primaire à la retraite Fidèle Lankoandé, se faisait élire sans coup férir dans cette zone, mais, à l’instar des dirigeants de son parti, l’homme n’est plus de première jeunesse, et il n’est plus si facile pour lui de battre campagne.

La nature ayant horreur du vide, de jeunes loups aux dents bien longues s’y sont déjà positionnés ; c’est ainsi que le jeune Vincent Timbindi Dabilgou, tête de liste CDP dans la zone, pourrait se faire élire sans trop de souci. Ancien directeur des services techniques municipaux de la ville de Ouagadougou, Vincent Dabilgou, qui y dirige présentement un projet, met ainsi hors de course le prof de Droit Yarga Larba qui, sauf erreur ou omission, siège sans discontinuer depuis 1992 au titre du CDP Gnagna.

La formation de "Rococo" pourra-t-elle rafler les trois sièges en compétition dans la Gnagna ? Le doute est permis lorsqu’on sait que deux autres partis y ont présenté des hommes dotés d’une valeur intrinsèque certaine, à savoir Folga Ildevert Lankoandé de l’ADF/RDA et Gbangou Yinantua de l’UPR, tous présentement députés.

Pour la petite histoire, on se souvient qu’avec son parti, le Front Patriotique pour le Changement (FPC), créé de toutes pièces, le directeur du CEG de Pièla, qu’était Gbangou, avait réussi, sur la base de sa donne personnelle, à se faire élire en 2002 à l’Assemblée. Mais autres temps autres meneurs, car rien ne nous dit que Gbangou pourra rééditer cet exploit. La sagesse voudrait donc qu’on attende de voir.

La Tapoa

C’est le fief incontesté du Premier ministre, Paramanga Ernest Yonli, secondé de son très proche Innocent Couldiaty ; et par amour-propre, Paramanga ne lésinera aucunement sur les moyens pour rafler haut la main les deux sièges. Et véritablement, s’il décide, politiquement parlant, de faire bouger tout le Gulmu en sa faveur, ce n’est pas la Tapoa qui fera de la résistance ; sauf surprise donc, nous a-t-on confié, le CDP est assuré de remporter les deux sièges en compétition dans cette province.

En cas de surprise, elle pourrait venir du Parti de la démocratie sociale (PDS) du député Philippe Ouédraogo. En effet, on se souvient que lors des municipales, ce parti avait réussi à accaparer la mairie de Namounou qui reste l’un des plus grands centres commerciaux de la Tapoa.

L’homme qui avait battu le CDP aux dernières municipales s’appelle Urbain Coulidiaty ; chirurgien de son état, il est aussi très apprécié dans son département de Namounou parce que proche des plus humbles, mais, selon ses proches, lui-même reconnaît que la bataille qu’il mène sera difficile à remporter. D’ailleurs, avec seulement 15 077 habitants (recensement 2007), Namounou, à lui seul, ne peut aucunement faire élire un député ; sauf surprise donc, le CDP semble bien parti pour rafler, sans coup férir, les deux sièges en compétition.

La Komondjari

Avec 80 047 habitants, la Komondjari, comme nous l’écrivions plus haut, n’a droit qu’à un seul élu. Ayant déjà en possession la mairie de Gayéri, le CDP semble pouvoir également s’adjuger le seul siège en compétition. Déjà maire, c’est Pagari Christophe Lompo qui y est aussi le candidat du CDP à ces législatives 2007, avec comme suppléant Yaya Barry.

La Kompienga

Pama, la capitale de la Kompienga, est au sud de Fada, la capitale régionale de l’est ; avec ses 75 682 habitants, la Kompienga n’a aussi droit qu’à un élu. Dans la zone, presque tout le monde semble s’accorder pour dire que le seul poste en jeu pourrait revenir au candidat du CDP, Malenli Jean Paul Sangli, avec comme suppléant le gestionnaire Kanfido Onadja. Et si cela venait à se confirmer au soir du 6 mai, ce serait la 3e fois que Sangli, habitué aux débats parlementaires, siégerait à l’Assemblée.

Voilà, très succinctement, ce qui tient lieu de photographie de la géopolitique à l’Est du Burkina.

Boureima Diallo

Encadré

Les confidences du Kupiendiéli

Le samedi 28 avril, nous étions au palais de sa Majesté Kupiendiéli. Il était midi et il venait de rentrer d’un meeting à bord de sa rutilante 4x4, dont l’a doté son parti, l’ADF/RDA. Avec le Numbado (1), nous avons parlé de la campagne, mais aussi de quelques sujets discrets.

Comment se passe la campagne ?

• La campagne se passe bien. Elle se passe comme on l’aurait souhaité. Il n’y a pas eu d’incidents à ce jour, et chacun des combattants continue d’affûter ses armes. Nous mettons en place notre petite stratégie, car nous savons que seule la vérité des urnes compte. Mais j’avoue qu’il y a un hic, car nous craignons beaucoup la fraude. Sinon, les moyens de nos adversaires d’en face ne nous font pas peur. Moi, je ne comprends pas mes adversaires politiques lorsqu’ils font tant et tant de promesses ; moi, je ne fais aucune promesse, mais, à ce jour, j’ai déjà réalisé deux forages sans pour autant le crier sur tous les toits, même sans être encore député.

A votre accession au trône, vous aviez promis de vous désengager de la politique partisane. Qu’est-ce qui vous a fait changer de voie ?

• C’est pour relever un défi que je suis entré en politique ; j’ai constaté que certains hommes politiques de la région contestaient mon autorité : il y a quelques années, j’ai nommé un chef, celui de Diapangou (NDLR : département situé à une vingtaine de kilomètres de Fada sur l’axe Ouaga-Fada), et cela n’a pas plu à certains hommes politiques ; un mois après, le CDP a mandaté Justin Tiéba Thiombiano (NDLR : ancien ministre des Postes et Télécommunications et ressortissant de la région) pour venir nommer un autre chef à Diapangou. La volonté de me combattre était évidente, et j’en ai pris acte.

Pourtant, l’on pensait que vous étiez du parti majoritaire, le CDP !

• Je n’ai jamais été au CDP à l’époque, j’étais plutôt au PDP/PS, mais lorsque je nomme un chef, je ne cherche même pas à connaître sa couleur politique. J’ai quitté ce parti parce qu’étant roi, je ne voulais plus faire partie d’une formation politique quelconque.

Il semble que Charles Bila Kaboré (NDLR : ancien ministre et père de Roch Marc Christian Kaboré) même est venu vous voir pour vous dissuader de vous porter candidat à la députation en 2007.

• C’est vrai. Il est venu me voir, en effet, car nous nous connaissons bien depuis longtemps. Il a été mon témoin de mariage en 1957. Charles Bila Kaboré est venu après une démarche entreprise par le député Moussa Boly. Ils m’ont demandé de ne pas faire acte de candidature. Mais j’avais suffisamment enduré des choses que je ne pouvais plus accepter de faire marche arrière. Ma décision était donc prise d’être candidat. Malgré cela, j’ai laissé la porte ouverte en cherchant à rencontrer le président Blaise Compaoré, sans avoir toutefois eu une suite à ma demande d’audience jusqu’à ce jour.

Pensez-vous avoir les moyens de vous faire élire au soir du 6 mai ?

• Je n’ai pas les moyens de faire une grande campagne, car je ne m’étais pas préparé à cela, mais je reste confiant.

Vous avez aussi promis une pluie pour le 6 mai ; que ferez-vous s’il ne pleut pas ?

• C’est un souhait et je m’emploierai à demander cette pluie-là.

Est-ce que ce ne serait pas gênant pour vous, qui êtes un si grand roi, si, au soir du 6 mai, vous n’étiez pas élu ?

• Etre député, ce n’est pas une question de vie ou de mort. Je ne veux pas, à tout prix, être député. Je veux tout simplement relever un défi. Etre élu ou pas se trouve entre les mains de Dieu.

B.D.

Note :

(1) C’est ainsi qu’on appelle tout roi du Gourma en gulmancema

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