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Manga : Le coq rouge va-t-il picorer l’épi de mil ?

Publié le mercredi 2 mai 2007 à 08h59min

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A l’instar des autres provinces du Burkina, la campagne électorale met en effervescence celle du Zoundwéogo où 11 formations politiques vont solliciter le 6 mai prochain les suffrages des électeurs pour les deux pièges de député dévolus à cette circonscription électorale.

L’Observateur paalga y a séjourné du 27 au 29 avril dernier. Son constat est que sur cette dizaine de partis, seuls 6 sont visibles : le CDP, le RPC, l’UPR, l’UNDD, le PARIS et l’ADF-RDA. Avec manifestement un combat épique annoncé entre "le coq rouge" (RPC) et "l’épi et la daba" (CDP). Reportage.

Manga, chef-lieu de la province du Zoundwéogo, 105 km au Sud de Ouagadougou. En ce 28 avril 2007, dès 8h 30 déjà, tandis que des habitants vaquaient à leurs tâches quotidiennes, on pouvait voir des véhicules bardés d’affiches de partis en stationnement ou en partance vers d’autres localités.

Ainsi, en est-il de la 4x4 du député Idrissa Ouédraogo de l’ADF-RDA, garée devant son domicile (au secteur 3) qui tient en même temps lieu de siège de ce parti. Ou de celle de Mme Rose-Marie Compaoré/Konditamdé du Rassemblement populaire des citoyens (RPC) qui se dirigeait avec sa 4x4 vers le village de Boura dans le département de Guiba.

Ou encore du chef de Manga Naba Kiba du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui, lui aussi, s’apprêtait à aller à Nobili, à 23 km à l’Ouest de Manga. A Boura nous avons donc assisté sur le coup de 10h à un meeting du RPC conduit par Mme Compaoré Rose-Marie. De ce raoût on retiendra que les interventions étaient axées sur des répliques aux soi-disant "invectives" et autres manœuvres du CDP. Florilège :

Le chef de Boura :"nous voulons les 2 sièges à ces législatives ! Nous avons suivi depuis 15 ans des gens qui n’ont pas pu nous apporter quelque chose... c’est pourquoi nous sommes avec le coq..." ;

le chef de Yakin (village de Guiba) : "Les gens disent que nous, les chefs, n’avons pas de position, que nous sommes avec le CDP, l’ADF-RDA, le RPC... mais nous on sait où nous sommes... on nous menace de nous décoiffer, d’enlever nos bonnets de chef, qu’on le fasse et on aura la paix... de toute façon si on n’est pas chef, on vit..." (NDLR : de nombreux chefs de Guiba sont intronisés par le Mogho Naba, lui-même étant de Guiba).

Victor Guigma, maire de Guiba : "Il y a 16 jours de cela (NDLR : donc c’était le 12 avril), le CDP est venu à Guiba avec des millions, la 4x4 du chef de Manga a servi à faire certaines courses à Guiba... On a voulu me destituer, mais le CDP n’a pas obtenu la majorité absolue qui était de 28 conseillers/42... quand une poule abandonne ses œufs la nuit... c’est qu’il y a un problème... J’étais d’abord à l’ODP/MT, puis au CDP et maintenant au RPC... Si c’était de l’argent que je voulais je l’aurais eu...".

Un militant RPC : "Le coq rouge, le matin, va à côté du mortier et cherche le mil éparpillé à terre puis il appelle la poule et ses poussins pour picorer, et, lui, surveille le ciel pour voir si un épervier ne plane pas dans les environs... le RPC veut être ce coq pour le Zoundwéogo... On n’est pas contre le CDP, ni l’ADF-RDA".

Mme Rose Marie Compaoré, 2e titulaire sur la liste RPC du Zoundwéogo : "Nos adversaires politiques nous traitent de tous les noms... J’entends dire que je suis la fille du chef des bouchers de Manga. On m’accuse de suivre un bissa... or c’est ce même bissa qui fut le premier député CDP du Zoundwéogo en 1992, puis en 1997. A l’époque, on le considérait comme un mossi, on disait même que son "zamboko" (NDLR : placenta) est à Gongin... après son départ hors du Burkina, c’est même un suppléant mossi qui l’a remplacé...

Mais il a constaté à son retour que rien n’a été fait et il a décidé de créer son parti... on dit également que je veux "cogner ma tête" contre le chef de Manga... Naba Kiba est un chef coutumier... mais à l’Assemblée nationale, on l’appelle par son vrai nom... nous sommes sur le terrain politique pas coutumier... on dit également que je ne suis qu’une femme... hier 27 avril, les chefs coutumiers ont été rassemblés pour s’entendre dire que le coq veut casser Manga... et ce sont des intellectuels qui tiennent un tel discours... c’est lamentable". Le même jour dans l’après-midi, au secteur 3, lors d’un autre meeting du RPC, c’est le même langage que les candidats ont tenu face aux militants.

On l’aura compris, selon le RPC, leurs rivaux politiques cristallisent les débats de campagne sur la personne de Zéphirin Diabré, ancien député CDP et actuel représentant de l’AREVA pour l’Afrique et le Moyen-Orient, qui serait donc le géniteur du RPC. Selon les ouailles du parti à l’emblème de coq, certains discours ont même des relents ethnicistes voire régionalistes, teintés de menaces et d’invectives.

Que répond le CDP face à toutes ces accusations ?

Lors des meetings tenus à Gogo (18 km de Manga), Gombousgou (45 km de Manga) ou Nobili (23 km du chef-lieu), les Cdépistes ont plutôt priviligié la ligne politique du parti majoritaire. De ce fait, à Sondré Est (18 km de Manga) ou à Kaibo V2 (23 km). Gérard Yerbanga de la direction provinciale de la campagne du Zoundwéogo dira en substance, lors de tous ces meetings, que le mensonge et la délation sont les armes des faibles : "Le CDP n’a pas besoin d’insulter qui que ce soit pour battre sa campagne... le CDP a un bilan, il explique son programme à ses militants pour se faire voter".

Le 29 avril, tout juste avant le meeting de Gombousgou, le chef de Manga, 2e titulaire sur la liste CDP du Zoundwéogo, répondait à ceux qu’ils considèrent comme ses détracteurs en ces termes : "Au Zoundwéogo, la campagne se déroule bien au CDP, qui a opté pour le porte-à-porte... nous nous battons pour rafler les deux sièges... nous savons que le mode de scrutin est fait pour avantager les "petits partis", mais nous demeurons confiants car le CDP est bien structuré...

En ce qui concerne les attaques de nos adversaires politiques, c’est peut-être leur tactique de campagne... mais j’estime que lorsqu’on fait de la politique, il faut aussi être un éducateur et, de ce fait, éviter les calomnies et les mensonges, nous devons éclairer les électeurs et non les induire en erreur seulement parce qu’on veut un poste...".

Quant au directeur provincial de campagne du CDP et tête de liste, Gilbert Sedogo, il préfère, face à toute cette polémique, poser balle à terre : que ce soit à Zoungou (population à majorité mossi avec un chef bissa) à une trentaine de kilomètres de Manga ou à Nobéré dans son fief (23 km de Manga), l’homme tient le même discours : "Nous sommes du CDP, nous nous adresssons à vous sur la base d’un programme...". Quid de la guéguerre RPC # CDP ?

Le natif de Seloguin (20 km de Manga) répond : "Je refuse la personnalisation des débats... nous battons campagne pour le CDP, ce n’est ni pour Gilbert Sedogo, ni pour le Naba Kiba ou encore Jean-Claude Bouda (11e sur la liste nationale, actuel secrétaire permanent du SIAO)...

Il y a 11 partis au total au Zoundwéogo pour 2 sièges... souvent c’est dans les journaux que nous apprenons certaines choses... mais je le répète, le CDP a une ligne politique... et il n’y a pas de problème RPC # CDP au Zoundwéogo".

Que pense-t-il de ceux qui estiment qu’il est du CDP, mais que son cœur bat pour le RPC ? (NDLR : Gilbert Sedogo est un ami et compagnon de Zéphirin Diabré). L’intéressé ne botte pas en touche et réplique en ces termes : "Les gens du RPC sont nos camarades et demeurent des camarades du Zoundwéogo... nous devons nous mettre ensemble pour construire la région... si j’étais du RPC, je serais allé, mais je suis du CDP et j’y suis allé après mûre réflexion et je demeure CDP... il faut souvent élever le niveau des débats... mes amitiés personnelles n’ont rien à voir avec mes convictions politiques... si je rencontre Zéphirin ou Massimbo, nous allons nous saluer et même prendre un pot ensemble...".

C’est évident, selon la position des premiers responsables du CDP du Zoundwéogo, si problème il y a entre le parti du coq et celui de l’épi et de la daba, il n’a pas l’ampleur que certains veulent lui donner. Manifestement, on refuse de ramener cette campagne à une opposition CDP # RPC et par ricochet, à des ex-camarades du parti majoritaire contre ceux restés dans le navire CDP. On se refuse également à réduire cette chasse aux voix à une opposition Zéphirin Diabré et Cie au camp Cdépiste du Zoundwéogo.

Une position qui est celle de Léonard Massimbo, tête de liste RPC au Zoundwéogo, qui nous confiait au siège de son nouveau parti au secteur 4 : "Avant même la naissance officielle du RPC, on nous combattait. Ainsi le 16 décembre 2006, une délégation du CDP est venue de Ouaga pour nous menacer, or notre récépissé a été signé le 13 décembre...

Dans la salle polyvalente de Manga, le même 16 décembre 2006, nous avons entendu beaucoup de choses mais je pense que nous avons cheminé avec le CDP et on est arrivé à un stade où des militants voulaient le changement... mais je suis aussi comptable du bilan du CDP au Zoundwéogo... il n’y a pas d’animosité entre nous...

et il faut qu’on sache également que le nom de Zéphirin est porteur, car à certains endroits, il faut que je dise son nom avant le mien... pour que les populations comprennent à la présidentielle, par exemple à Gombousgou (NDLR : 45 km de Manga, fief de Zéphirin), lorsqu’on disait aux populations que Zéphirin qui est du village de Fungu a dit de voter Blaise, elles votaient... c’est parce que les gens estiment qu’il a beaucoup fait pour la province...".

Que pense-t-il de cette histoire de mésentente qui opposerait Aziz Congo (tête de liste RPC au Kadiogo) à Sa Majesté le Mogho Naba qui n’est autre que son frère et qui handicaperait un peu le parti ?

"Nous estimons qu’il faut différencier les questions de famille avec celles de la politique" , a répondu Massimbo. Au Zoundwéogo, l’ADF-RDA est aussi présente. Du reste, cette législature qui s’achève compte dans ses rangs Idrissa Ouédraogo, élu député ADF-RDA au Zoundwéogo.

"L’éléphant" bat également campagne, et deux jours avant notre arrivée à Manga, le président national de ce parti a effectué un déplacement au "pays de l’épervier", autre appellation de Manga. A cela s’ajoute la campagne de proximité que fait Idrissa Ouédraogo. Il nous confiait d’ailleurs que l’espoir est permis à ce scrutin. L’Union pour la république (UPR) donne aussi de la voix au Zoundwéogo, avec Mme Dabiré/Mollé Rachel qui a organisé un meeting sur la place du marché de Guiba, le 28 avril dernier à 16h.

Au cours de ce jamborée, cette candidate qui est la première titulaire de l’UPR a expliqué pourquoi il faut voter le "baobab", le logotype du parti. "Cet arbre est un don de Dieu aux hommes, ses fruits et ses feuilles sont comestibles". Mme Dabré a rendu aussi hommage à Fatou Diendéré du CDP, qui lutte pour la cause des femmes au Burkina. Pour elle, il faut prendre l’élue du Passoré comme modèle.

A quelques jets de pierres de là, sous un autre tek, toujours place du marché de Guiba, le PARIS tenait son meeting avec le second titulaire sur la liste du Zoundwéogo, Désiré Ilboudo. Un meeting qui ressemble à celui tenu la veille à Bindé (16 km de Manga) par cette fois-ci René Bayouré Ouédraogo, tête de liste du parti de Cyril Goungounga.

Le même jour, on pouvait observer un gros car "UNDD" déambuler dans Manga, rempli de jeunes du Cercle Hermann Yaméogo. Un meeting ou plutôt une "audience patriotique" était prévue au rond-point de Manga, à quelques mètres du siège de campagne du parti au secteur 2. Finalement, cet événement se fera à Gombousgou, nous a-t-on fait savoir après. Néanmoins, au QG de campagne du "Léopard", l’emblème de l’UNDD, nous avons échangé avec le premier titulaire sur la liste des candidats, Guy Guigma, qui nous a expliqué ce qu’est une audience patriotique :

"Il s’agit d’une sorte de procès du pouvoir en place... il y a d’abord des populations, d’une part, ensuite des juges d’autre part et enfin un troisième acteur, un militant de l’UNDD... les populations viennent exposer leurs problèmes au militant de l’UNDD, notamment leurs griefs contre le régime actuel, qui dépose cela sous forme de plainte chez les juges... et après, cela se passe entre ces populations et les juges avec à la fin, un verdict...".

Et selon Guy Guigma, ceux qui disent que l’UNDD est mort au Zoundwéogo se trompent, car de Gombousgou à Béré (30 km de Manga), en passant par Bindé, l’UNDD n’a pas peur, "Nous n’avons pas les moyens, mais les idées".

Chaque formation politique espère donc prendre un siège ou engranger les 2, surtout qu’à Manga, selon le président de la CEPI, Nébié Bapion, le taux de retrait des cartes d’électeurs avoisinait les 80% à la date du 29 avril. Qui donc pourra convaincre le plus les 71 399 inscrits que constitue le corps électoral mangalais ? On sera fixé au soir du 6 mai 2007.

Z.Dieudonné Zoungrana

Manga/Ouagadougou

Note : le pays de l’épervier

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Vu et entendu

• Le RPC, bientôt l’UMP du Burkina ?

Il se susurre que le nouveau parti qui a obtenu son récépissé le 13 décembre 2006 voit grand. Certains estiment que du Zoundwéogo la formation va essayer de s’implanter dans toutes les provinces du Burkina. Déjà, le RPC est présent dans 8 provinces : Kadiogo, Zoundwéogo, Kénédougou, Kourittenga, Boulgou, Bazèga, Sissili et Gourma. D’aucuns estiment même qu’il se pourrait que le "coq" devienne le parti présidentiel dans les années à venir. Une UMP burkinabè, l’équivalent du parti présidentiel français.

• Gombousgou, trop courtisée

Ce département situé à 45 km du chef-lieu du Zoundwéogo est très courtisé par les politiques. Et pour cause, c’est celui qui compte le plus d’inscrits (14 555) parmi les 7 départements que compte la province. Ce qui fait que de nombreux partis y vont fréquemment pour tenir meetings et AG si ce n’est pas pour faire du porte-à-porte. Gombousgou est suivi de Bindé (11 357 inscrits) ensuite Manga (10 773 inscrits), Gogo (10 698), Nobéré (8 894), Béré (7 665) et enfin Guiba, qui ferme la marche avec 7 457 inscrits.

• "Le CDP, la force tranquille"

Un responsable provincial du CDP, dira que "le CDP c’est la force tranquille", on n’est pas loin du slogan de campagne de François Mitterrand en France (en 1981), concocté par Séguela, son communicant de l’époque. Du reste, pour ce responsable, le CDP ne "fait pas de bruit, mais vous verrez qu’au soir du 6 mai, tous ceux qui font du boucan vont se calmer ; la politique, c’est pas du bruit".

• Le RPC distribue-t-il les "feuilles" ?

Traditionnellement, on entendait que c’est le CDP qui distribue de l’argent aux populations. Ici au Zoundwéogo, il n’est pas rare d’entendre aussi que le RPC a "amené des feuilles, beaucoup de feuilles" pour distribuer. Un responsable de l’UPR lâchera même : "vous savez bien que le RPC a commencé à donner de l’argent aux gens avant même le début de la campagne". On a même vu des rixes se déclencher lors de rassemblements du RPC à cause de la distribution de sous.

L’Observateur

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