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47 après l’indépendance : Le désespoir des Burkinabè

Publié le lundi 30 avril 2007 à 07h48min

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Le mois d’avril est le mois de Martin Luther King. Pour saluer sa mémoire à l’occasion du 39e anniversaire de son décès à 39 ans (le 4 avril) passé, Bouabani J. Tompoudi a lui aussi fait un rêve. Un rêve burkinabè et pour le Burkina Faso calqué sur le modèle de ce grand libérateur mort pour la cause des Noirs.

Le 4 avril 2007 a marqué le 39e anniversaire de la mort de L’Ecclésiastique homme Noir Américain Martin Luther King assassiné à Memphis en 1968 à l’âge de 39 ans. L’homme est mort et il continue pourtant d’être une source d’inspiration pour plusieurs. Ils sont nombreux ceux qui comme lui rêvent d’un monde meilleur. Quelle grande destinée que celle d’un homme qui réussit par delà la mort à inspirer de nobles sentiments à de nombreuses générations après lui. Il fait partie de ceux qui m’inspirent et je fais juste une pause, pour rendre hommage à ce pasteur noir.

Il a été assassiné parce qu’il se battait pour la cause de la justice. Il a été assassiné parce qu’il a rêvé pour son pays et le monde. Son rêve pour un monde plus juste n’est pourtant pas brisé. Ce rêve qu’il fit le 28 août 1963 sur les marches du Lincoln Memorial à Washington D.C m’inspire profondément. Je tiens à me joindre à son noble combat en vivant un rêve. Mon rêve, tout comme Martin Luther King, n’est pas un rêve de gloire ou de richesse, mais celui de rêver l’humanité. Un rêve burkinabè calqué sur le modèle de ce grand libérateur tombé sous les balles dirigées par la haine.

Je suis heureux de prendre aujourd’hui la plume pour exprimer à travers cet écrit, tout mon souhait et exposer ma vision pour cette humanité qui s’évapore.

Il y a quarante-sept (47) ans de cela que le Burkina Faso (ex Haute Volta) a connu son indépendance. Cette autonomie faisait comme un grand phare briller la lumière de l’espérance aux yeux de millions de Voltaïques. Ce fut comme l’aube joyeuse qui mettrait fin à la longue nuit de la colonisation. Mais quarante sept (47) ans ont passé et le Burkina Faso est toujours à la croisée des chemins.

Quarante sept (47) ans ont passé et la vie de beaucoup de Burkinabè semble marquée par de larges traits de désespoir. Quarante sept (47) ans ont passé et le Burkina Faso tend encore la main vers l’Occident afin de financer ses projets de développement. Quarante-sept (47) ans ont passé et le Burkinabè languit toujours dans des marches de la société et se trouve en insécurité dans son propre pays. C’est pourquoi j’ai pris ma plume, comme tout autre Burkinabè le ferait, dans l’espoir de voir naître une société de paix, de justice et d’équité.

Le sommeil du sous-développement

Il y a maintenant sept (7) ans, que nous avons entamé le 3ème millénaire. Le moment est alors venu pour l’Afrique en général et le Burkina Faso en particulier, de se réveiller du long sommeil léthargique du sous-développement pour saluer la naissance de l’aurore du développement durable. Le moment est venu de tirer notre nation des sables mouvants de la paresse maladive pour la hisser sur le roc solide de la combativité, de l’abnégation et du patriotisme.

Le temps est venu de mettre fin à cette corruption gangreneuse, puante et insultante afin de dresser un pays d’honnêtes travailleurs, préférant la peine du labeur plutôt qu’au gain facile, pour ainsi mériter le nom de « hommes intègres ». Le pays cherche des réparateurs de brèches, ceux qui restaurent le chemin, et qui rendent le pays habitable.

Le Burkina Faso a besoin de tremplin, des hommes qui vont sortir le pays de cet été étouffant de pauvreté et de misère de ses peuples pour qu’advienne un automne vivifiant de l’autosuffisance alimentaire et de richesse pour tous.

Mais il y a une chose que le peuple doit savoir, que la lutte pour une justice égalitaire est un combat de longue haleine. Ne nous rendons donc pas coupables d’agissements répréhensibles. Ne cherchons pas à étancher notre soif de justice en buvant à la coupe de l’amertume et de la violence. Cessons donc tout acte de vandalisme, n’exprimons pas notre colère par des casses de feux rouges et biens publics, toute chose qui vient trahir notre engagement et écorche fortement la justesse de nos nobles revendications.

Livrons donc nos batailles sur la grande avenue de la dignité en passant par la rue de la discipline. Sachons néanmoins que la quête de la justice pour tous passe par des hivers froids du rejet, de la prison et de la brutalité policière ; mais il viendra sans doute le printemps revigorant de la victoire.

Toute lutte est rédemptrice si elle est conduite par des personnes empreintes de bonne volonté et menée sur des bases nobles. Le nerf de toute lutte sociale, c’est l’alternance de la victoire sur ceux qui se cramponnent sur leurs intérêts égoïstes. Ils ne voudront pas lâcher prise car ils se reprochent bien de choses. Ils nous demandent à chaque fois que leur pouvoir se trouve ébranlé "quand serez-vous satisfaits ?"

Et bien nous ne serons jamais satisfaits, tant que la grande couche vulnérable de la population communément appelée "pauvres" continuera à végéter, alors que se dressent, tous les jours que Dieu fait, de rutilantes villas et châteaux dans le chic quartier de Ouaga 2000, détenus par une petite fraction de riches. Nous ne serons pas satisfaits tant que les pauvres, ces Burkinabè d’en bas, auront du mal à gagner un repas journalier sur trois, juste nécessaire pour leur survie, par la faute de ceux qui, hypocritement, prétendent lutter pour leurs causes.

"Nous ne serons jamais satisfaits"

Nous ne serons jamais satisfaits tant que les justes revendications des travailleurs, ces vaillantes populations, ces forces vives de la nation, se verront toujours, à la fin de chaque mois de durs labeurs, payer des salaires de misères. Ces travailleurs dévoués pour la cause patriotique, s’évertuent nuit et jour à se battre pour sortir le pays des sentiers battus.

Mais ils constatent, en guise de remerciement à cette grande tâche, leurs bulletins de salaire avec la mention « provisions insuffisantes » devant la flambée de prix de produits de première nécessité. Nous ne pouvons croire qu’il n y ait pas de quoi honorer leurs revendications dans des vastes coffres de notre pays où le train de vie de ceux qui nous gouvernent est à mille lieues de nous.

Nous ne serons jamais satisfaits tant que quarante sept (47) ans après l’indépendance, on attendra que 300, 500 ou 800 personnes meurent de maladie épidémique comme la méningite avant de réagir. Nous ne serons jamais satisfaits tant qu’on attendra que les élections arrivent pour que certains candidats parcourent la campagne, pour commencer ainsi à recenser les besoins cruciaux des populations. Nous ne serons jamais satisfaits tant que, dans son propre pays, il faille appartenir à un parti politique donné pour bénéficier d’un emploi quelconque.

Un mal devenu pernicieux du fait que l’obtention d’un emploi, d’un concours ou être nommé à une fonction donnée ne repose plus sur le mérite d’une personne mais plutôt de sa " chance " d’avoir un " bras long ".Nous ne serons jamais satisfaits tant que la manne financière de l’Etat ne profitera qu’à une élite restreinte, au détriment du grand peuple qui trime tous les jours pour joindre les deux bouts. Nous ne serons jamais satisfaits tant que le Burkina continuera, en dépit de cet endettement à croissance exponentielle, à occuper ce standard rang de 173ème sur 175 pays, classement de l’Indice de Développement Humain qui semble depuis longtemps nous coller à la peau.

Nous ne serons pas satisfaits tant qu’une réelle égalité pour tous ne jaillira pas comme les eaux, et la justice comme un torrent intarissable. Même si cela parait trop demandé, ou trop espéré, parce que c’est le Burkina Faso, je fais pourtant un rêve. Un rêve qui vient du tréfonds de moi-même et profondément ancré dans le rêve de plusieurs Burkinabè.

Je rêve qu’un jour notre pays se lèvera et fera monter son soleil radieux de développement économique.

"Je rêve qu’un jour"

Je rêve qu’un jour, dans les chauds amphithéâtres de l’Université de Ouagadougou, de Bobo, de Koudougou et dans les différentes écoles du pays, d’interminables scènes de liesses scolaires et estudiantines viendront saluer l’aboutissement de leurs revendications vitales.

Je rêve qu’un jour, dans les villages reculés de Tckpentuangou et Potckiamanga (Fada) dans l’Est, de Tckiéfolboye (Dori) dans le Sahel, de Soubakayendougou à l’Ouest et Kampoyargo (Koupela), les déshérités, les marginaux, les paysans et les fils de paysans oubliés, les laissés-pour-compte et tous ceux pour qui la faim est devenue quotidienne, auront les trois repas journaliers et connaîtront une autosuffisance alimentaire dans un pays qui connaît pourtant des excédents céréaliers. Je fais aujourd’hui un rêve.

Je rêve qu’un jour, les femmes du Burkina et d’ailleurs qui subissent encore les pires atrocités, telles des bêtes de somme, vivront libres et heureuses dans de pays où elles participeront à leur gestion.

Je rêve de voir s’ériger de vrais patriotes au Burkina Faso, des hommes intègres qui n’auront que pour devise "l’intérêt de la nation d’abord " pour endiguer cette corruption galopante qui gangrène notre pays. Je fais aujourd’hui un rêve.

Je rêve que, un jour, on n’aura plus besoin de glisser du "pognon" dans un service public pour que son dossier administratif puisse être corrigé.

Je rêve qu’un jour sur les collines noires de Nalambou (Fada) de Tenakourou (Orodara) de Bafoudji (Gaoua) et sur la chaîne du Gobnangou (dans la Tapoa ), l’on lèvera des flammes en signe de paix,de sécurité et de bonne cohésion nationale et ethnique pour de nombreux Burkinabè.

Je rêve que, un jour, de dossiers brûlants comme celui de Thomas Sankara, Norbert Zongo et autres, connaîtront enfin un aboutissement pour que des vies brisées, des familles touchées et meurtries,des femmes et enfants en larmes puissent être soulagés. Je fais aujourd’hui un rêve.

Je rêve que, un jour, les victimes de crimes politiques et les enfants des coupables de ces crimes pourront s’asseoir ensemble à la table de la fraternité après l’établissement de la lumière que suivra une sincère réconciliation.

Je rêve qu’un jour tous ces crimes crapuleux qui exècrent nos rues, nos barrages et bas-fonds, puant l’odeur nauséabonde de la cupidité, tous ces assassinats politiques avec pour intention de faire taire tous ceux qui ne pensent pas comme eux, je rêve donc qu’un jour tous ces criminels aux dents longues répondront devant la justice. Pas devant une justice à deux vitesses, justice à deux poids deux mesures, mais devant une justice impartiale qui tranchera d’une commune mesure aussi bien pour le pauvre charbonnier de Djandjantckelougou (Fada) que pour le richissime et puissant homme propriétaire de villas et châteaux dans le paradisiaque quartier de la capitale.

Je rêve que, un jour, les chômeurs et bardés de diplômes, qui remplissent chaque année les longues listes des différents concours de la Fonction publique auront un emploi rémunérateur.

Je rêve que, un jour, cette vague de populations africaines, flagellées par le chômage, fuyant l’Afrique parce qu’ils ne voient en leurs pays que de fossoyeurs d’espérance, et s’enfuient vers un ailleurs qu’ils espèrent meilleur, pour ensuite affronter les comportements dénigrants des ivoiriens ou les frontières barbelées de Ceuta et Melilla pour un eldorado européen, je rêve que tout cela ne sera que de tristes vieux souvenirs.

A nous de faire le choix

Je rêve que très prochainement, les Ivoiriens du nord et du sud mangeront ensemble dans le même plat de la fraternité et chanteront ensemble et en chœur l’Abidjanaise. Je fais aujourd’hui un rêve.

Je rêve que, un jour, sur le sol rouge du Darfour où la population noire subit un racisme vicieux et meurtrier de la part des Djandjawids à la bénédiction d’Omar El Béchir, les Soudanais du Nord du Sud, de l’Ouest et de l’Est pourront tous se prendre la main comme frères et sœurs. Je rêve de voir cesser ce conflit qui n’a que trop duré et fait en moyenne dix mille (10 000) tués par mois depuis 2003, et nous en sommes à nos jours à près de deux cent cinquante mille (250 000) morts. Sinistre comptabilité. Quel est le seuil international de tolérance face à cette boucherie humaine ? Face à cela, on n’assiste qu’à de simples réactions et condamnations de principe. Il faut que cela change !

Je rêve d’entendre chanter un cantique de libération pour toute l’Afrique. Jour où ses tyrans sans foi ni loi, ces dirigeants-sangsues qui livrent le continent aux larmes et le couvrent de sang de guerres pour mieux régner et piller les richesses, à la complicité immonde de la françafrique, je rêve qu’un jour tous ces dictateurs qui se "mobutusent" seront effacés de la surface du continent. Je fais aujourd’hui un rêve.

Je rêve enfin, qu’un jour, le monde vivra un temps de paix. Temps où les foyers de guerre au Proche-Orient et les lances roquettes fratricides entre sunnites et chiites en Iraq, ne seront que du passé.

Tel est mon souhait, mon rêve, ma vision pour cette humanité sans repères, ne sachant plus à quel saint se vouer.

Alors, que la cloche de la justice, de l’équité et d’égalité pour tous, soit sonnée partout où vivent l’inégalité et l’injustice !

Ne dites surtout pas que ce n’est qu’un rêve. Cela restera un simple rêve si nous voulons. Il peut devenir aussi une réalité si nous voulons. Dans tous les cas, cela nous revient. A nous de faire le choix.

Bouabani Jonathan Tompoudi à Koudougou
Tél. : 70 10 50 62 email : tobojo1@yahoo.fr

Bouabani Jonathan Tompoudi

Le Pays

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Vos commentaires

  • Le 30 avril 2007 à 22:11 En réponse à : > 47 après l’indépendance : Le désespoir des Burkinabè

    Vous avez tout dit, à nous de choisir de perir ou de survivre. Merci pour votre analyse lucide. Espérons que ce
    message travers les coeur petrifié de nos dirigéants. Notre planète à un besoin imminent de dirigeants sages.
    Votre message me touche au plus profond de moi et je vais le diffuser partout où je pourrais.

    MLK est un exemple pour moi. Je suis né l’année de son assassinat mais il m’inspire beaucoup.

    Merci pour votre message.

    PK.

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