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Présidentielle malienne : Un parfum de "Takokélen" (1)

Publié le lundi 30 avril 2007 à 07h45min

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Pour la quatrième fois depuis la révolution sanglante de mars 1991, qui a débouché sur l’ouverture démocratique, les Maliens étaient convoqués aux urnes hier dimanche 29 avril 2007 pour élire au suffrage universel leur président de la République.

Les quelque 7 millions d’électeurs avaient le choix entre 8 prétendants dont une femme (une première dans ce pays), Sidibé Aminata Diallo du Rassemblement pour l’éducation et le développement durable (REDD). Elle fait partie, avec Madiassa Maguiraga du Parti populaire pour le progrès (PPP) et Oumar Mariko, l’ancien leader étudiant de Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (SADI), des petits poucets du scrutin, qui volent de leurs propres ailes au risque de faire de la figuration.

Rien à voir avec le Front pour la démocratie et la république (FDR), une coalition de l’opposition, qui, en présentant plusieurs candidatures, entend émietter les voix dans l’espoir de contraindre le favori à un second tour.

Le FDR aligne ainsi sur la ligne de départ le président de l’Assemblée et ancien Premier ministre de Konaré, Ibrahim Boubakar Keita (IBK) du Rassemblement pour le Mali (RPM) ; Tiébilé Dramé, ancien ministre des Affaires étrangères, pour le compte du Parti de la renaissance nationale (PARENA) ; Soumeylou Boubèye Maïga, ex-ministre de la Défense, de l’Association Convergence ; et Blaise Mamadou Sangaré de la Convention démocratique et sociale (CDS).

Face donc à tout ce monde, Amadou Toumani Touré (ATT), sans parti mais soutenu par 44 formations politiques dont l’ADEMA (de l’ancien président Alpha Oumar Konaré), l’UDR (de Soumaïla Cissé, président de la Commission de l’UEMOA) et le MPR de Choguel Maïga, ainsi qu’une belle brochette d’associations, regroupées au sein de l’Alliance pour la démocratie et le progrès (ADP).

Le "chef de chantier", comme l’appellent ses partisans, entend, vous vous doutez bien, renouveler son contrat populaire pour poursuivre son œuvre, et, si l’on croit ce qu’il dit, le meilleur est à venir.

"Faites-moi confiance, le Mali bouge ; en cinq ans nous avons réalisé de grands projets, et pour les cinq prochaines années, j’ai pour vous un ambitieux programme", a-t-il notamment lancé lors de son dernier mégameeting vendredi à Bamako ; la surprise du chef en somme. "La situation doit changer ; la situation peut changer ; la situation va changer", scandaient, de leur côté, les adeptes de Boubèye à 1 200 km de là, dans sa ville natale de Gao.

Avec cette présidentielle, c’est le consensus à la malienne, cette espèce de démocratie sans opposition, qui a volé en éclats, puisque les plus grands pourfendeurs d’ATT sont certains de ses coéquipiers d’hier, qui comptent bien le déloger du palais de Koulouba. On peut cependant se demander si les plaisantins politiques, qui font ce "boulot" en dilettante et qui se savent d’avance vaincus, ainsi que ceux réputés être plus représentatifs mais qui semblent surestimer leur force de frappe électorale, ont vraiment du répondant face à la machine ATT ; surtout dans cette Afrique où les populations sont volontiers légitimistes et où la prime au sortant coule presque de source, qui plus est quand il a les moyens (souvent ceux de l’Etat) de sa politique et qu’entre inaugurations d’écoles, de dispensaires, de routes... il est en campagne électorale tout au long de son mandat.

On le sait bien, ici plus qu’ailleurs, plus que les débats d’idées et la confrontation de projets de société, auxquels doivent, en principe, donner lieu ces joutes, c’est l’équation personnelle des candidats qui fait souvent la différence.

Et sur les rives du Djoliba, beaucoup n’oublient pas que ce général, qui a renversé le dictateur Moussa Traoré en 1991, s’est, ensuite, éclipsé à l’issue d’une courte transition après avoir remis le pouvoir aux civils alors qu’il se serait arrangé pour le conserver (à l’image de nombre de ses frères d’armes du continent) que personne n’aurait crié au scandale ; puis, il a troqué la tenue kaki contre une casquette de faiseur de paix, parcourant l’Afrique dans tous les sens pour éteindre des foyers de conflits tout en luttant contre le vers de Guinée. Les dix années que son prédécesseur a passé sur la colline du pouvoir lui auront, ainsi, permis de préparer méthodiquement son retour aux affaires par un véritable maillage du vaste territoire malien dans le cadre de ses activités associatives.

L’image de ce ATT entreprenant, coulant, bon gestionnaire, démocrate jusqu’au bout des ongles, a sans doute encore de beaux jours devant elle nonobstant le pamphlet du Sphinx (2). Pour toutes ces raisons, sauf tremblement de terre, il y a comme un parfum de "Takokélen" qui se dégage des hauteurs de Koulouba où la principale préoccupation semble plus tenir au score du candidat et au taux de participation qu’à la victoire, qui serait déjà acquise.

Après trois semaines d’une campagne qui n’a véritablement emballé personne et qui a, comme c’est souvent le cas, consisté en des promesses électoralistes, des critiques trop faciles et des incantations politiciennes sur fond de suspicions de fraudes et de doutes sur la transparence du scrutin, le taux de retrait des cartes d’électeurs était d’environ 66% à l’intérieur du pays et de 40% dans la capitale.

La grande question donc était de savoir si les Maliennes et les Maliens sortiraient nombreux pour élire leur premier magistrat. Leur participation aux différents scrutins n’a, en effet, cessé de chuter depuis le référendum constitutionnel de 1992 et atteint rarement les 25% ; comme s’ils s’intéressaient de moins en moins à la chose politique ; comme s’ils étaient résignés et fatigués de ces politiciens incapables de changer fondamentalement leur quotidien ; comme s’ils étaient blazés par ces élections courues d’avance comme ça semble être le cas du présent scrutin, dont les premières tendances devraient se dégager dans, le courant de la journée et les résultats définitifs connus mercredi ou jeudi.

L’Observateur Paalga

Notes : (1) Cri de ralliement du camp présidentiel, qui signifie en bambara "prise unique" ou, si vous préférez, "un coup K.O.", autrement dit la victoire dès le premier tour.

(2) Mystérieux auteur d’un brûlot contre le président malien, intitulé "ATT-cratie : la promotion d’un homme et de son clan" paru en deux tomes à l’Harmattan.

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