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Jacqueline Salmon à Bobo-Dioulasso : Une danseuse devenue photographe

Publié le vendredi 27 avril 2007 à 07h57min

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Jacqueline Salmon

Yé Lassina COULIBALY est un artiste musicien burkinabè qui vit en France depuis plus de vingt ans. Pour lui, tout peuple qui veut bénéficier des fruits de l’évolution de notre monde doit éviter le communautarisme et accepter l’échange avec les autres. « Nous sommes sur terre pour vivre en harmonie », dit-il.

Fort de cette conviction, l’artiste burkinabè a accueilli à Bobo-Dioulasso, une artiste photographe française. Elle s’appelle Jacqueline SALMON. Elle détient une galerie d’exposition d’art à Lyon. Elle a d’abord appris la danse jusqu’à 14 ans. Ses parents voulaient la voir devenir secrétaire bilingue au sein de la direction d’une entreprise.

Pour payer ses études artistique, elle a dû enseigner la danse. Par la suite, elle a fait des études en direction du théâtre et de la danse. Elle rencontre un homme qui lui aussi ne veut pas qu’elle fasse des études artistiques. Là, elle entre à l’université où elle étudie l’histoire contemporaine, la littérature, l’architecture intérieure...

Ces nouvelles connaissances l’ont conduite à faire de la scénographie pour les spectacles de danse et de poésie.
A un moment, elle a eu un grave accident et ses amis danseurs lui ont permis de continuer à exister dans un environnement artistique. Pour cela, ils lui ont proposé de faire des photographies des scènes de danse. Arrivée à Bobo-Dioulasso le mercredi 21 février dernier, Jacqueline SALMON qui était accompagnée de son mari, a rencontré quelques journalistes pour lever un coin de voile sur sa vie, son combat contre l’injustice, sa vision du monde, l’Afrique...

Morceaux choisis :

Sa profession

« Je suis photographe de profession. En France j’ai un statut d’artiste-photographe. Je m’investis beaucoup dans un travail qui a une dimension documentaire, mais qui respecte toute la liberté du choix du sujet. Comme je suis historienne de formation, j’ai toujours dans ma tête le fait que les photographies que je fais seront peut-être un jour retrouvées par quelqu’un qui voudra connaître cette époque qui est la mienne et qu’elles vont ainsi constituer un fonds d’archives. J’ai donc toujours l’impression, comme quelqu’un qui écrivait, que je peux choisir mes sujets et mes points de vues qui pourraient rentrer dans l’interprétation de mon époque ».

L’immigration

« Dans le choix de mes sujets de photographies, je ne m’intéresse pas particulièrement à l’Afrique mais à l’immigration, aux gens à qui on ne laisse pas une place suffisante dans notre société occidentale. L’immigration est un sujet d’actualité en France, surtout avec un certain Nicolas SARKOZY qui prône l’immigration choisie qu’il distingue de l’immigration subie.

L’immigration choisie, c’est plus que le colonialisme parce qu’il s’agit là d’aller piller les cerveaux des pays qui en ont cruellement besoin. Alors ça, c’est la catastrophe absolue. Cela est très honteux. D’autant plus honteux que je souhaite qu’on ne puisse même pas le penser. Je pense qu’au contraire, notre mission de peuples occidentaux qui ont quand même la grosse responsabilité d’être les descendants des colons, devrait être de faire en sorte que ces pays d’où viennent tous ces immigrés soient viables pour eux-mêmes. S’ils ne le sont pas, nous en sommes responsables ».

Le développement de l’Afrique seule ou avec l’Occident
« Les Africains peuvent-ils réussir leur propre développement sans l’aide des Occidentaux ? Cela pose la question du savoir que l’on inculque dans les écoles en Afrique. J’ai des frissons rien qu’à penser à ça. La question qui se pose, c’est de savoir si l’école va vraiment former la société ou, au contraire, si elle ne va pas créer des besoins qui ne pourront finalement être assouvis que par la civilisation occidentale. C’est un problème de fond. Aujourd’hui, on a pensé que c’est un progrès pour tous les enfants que d’aller à l’école, on ne peut pas revenir en arrière.

Alors je pense que non. L’Afrique ne peut plus se débrouiller toute seule parce qu’on a installé une autre culture à l’intérieure de la sienne. Une culture qu’on a de surcroît installée en tant que mieux-être. Quel comportement pensez-vous que les Africains doivent à présent adopter ? Doivent-ils s’ouvrir sur les autres ou plutôt choisir de se développer rien que sur la base de leur propre culture ?

C’est un constant aller-retour. Je crois qu’on ne peut pas se développer soi-même sans compter sur les autres. Sinon, on ne va pas très loin. On peut à la limite aller très loin pour soi-même mais on ne va pas faire avancer une société.

J’observe deux choses : sur certains plans, comme la santé, l’éducation, le niveau est alarmant en Afrique. Quand j’apprends par exemple qu’il y a des classes de 80 élèves dans certaines écoles primaires, il y a de quoi s’inquiéter. Mais de l’autre côté, il y a des choses qui sont complètement positives et qui sont uniques à l’Afrique. Il y a par exemple de la capacité de création et de l’énergie. Il y a aussi la puissance de l’intérioriser et la possibilité de la communiquer. Par exemple, on pourrait dire que chez un Japonais, il y a une grande puissance de l’intériorité mais qui reste à l’intérieur de lui.

En Afrique par contre, les gens ont une puissance de l’intériorité mais ils la projettent à l’extérieur. De ce point de vue, j’ai envie de dire que l’Afrique sera dans les siècles à venir une très grande puissance, parce que tout le monde est partout en train de perdre de l’énergie ou d’avoir de l’énergie uniquement pour les choses commerciales ».

La diversité culturelle

« La diversité culturelle fait partie de mon quotidien en France parce que j’habite à Paris dans le 19e arrondissement, dans un immeuble où on a des Chinois, des Turcs, des Antillais... Nous avons choisi de vivre là-bas et c’est essentiel pour moi. Nous vivons dans une mixtion culturelle aussi bien sur le plan de la musique que de l’alimentation, de l’habillement, des objets d’arts, etc. Pour moi la diversité culturelle est une nourriture intellectuelle ».

Changements climatiques et dégradation de la nature

« C’est une question qui est très difficile et qui, à mon sens, renvoie elle-aussi, à la question de la colonisation. Je veux dire que le monde occidental a 100% de responsabilité, puisqu’il s’est développé et a atteint un stade où il a brûlé beaucoup d’énergie, et produit beaucoup de dégâts naturels.

Il n’y a pas longtemps, j’entendais une députée chinoise à propos de cette question et j’ai été très troublée par le fait qu’elle dise : « Nous les pays qui n’avons pas encore eu votre niveau de développement, nous avons aussi droit à ce niveau de développement ». Cette phrase m’a un peu tourné la cervelle et je me suis dite que la question est vraiment d’une complexité incroyable.

C’est vrai qu’en France, tous les prétendants à la présidence ont signé le pacte écologique, ce qui veut dire qu’il y a une prise de conscience, mais je crois qu’il faut surtout qu’on apprenne la production durable et le recyclage de tous les produits qu’on utilise. Et sur le plan pratique, je pense qu’il faut mettre le maximum d’argent dans le reboisement, dans les plantations. Il faut aussi qu’on soit plus attentif au niveau de l’éducation dans les écoles. Il faut éviter de susciter chez les jeunes et les tout-petits, des désirs qui sont liés à des objets très polluants.

Probablement dans nos pays européens, on pourra bien utiliser beaucoup moins d’énergie. On n’a peut-être pas besoin d’illuminer tous les monuments de ville toutes les nuits ; on n’a peut-être pas besoin de laisser l’électricité des bureaux allumée toutes les nuits... ».

Par Alpha YAYA

L’Opinion

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