LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Nous sommes lents à croire ce qui fait mаl à сrοirе. ” Ovide

Boris Eltsine : Ange ou démon ?

Publié le mercredi 25 avril 2007 à 08h05min

PARTAGER :                          

Le 23 avril 2007, un arrêt cardiaque a mis fin aux jours de Boris Eltsine. A 76 ans, l’homme laisse derrière lui un héritage qui a fortement changé le visage de son pays et sonné le glas de la bipolarisation du monde. Vu d’Afrique, Boris Eltsine n’est peut-être pas l’ange que nous décrivent les médias occidentaux.

Le déséquilibre qu’il a créé en démantelant le bloc soviétique a dopé l’unilatéralisme américain, pour le malheur des plus faibles de ce monde.

Le tsar Boris a créé les conditions d’un bouleversement sociopolitique dans son pays, et dont les effets se prolongent aujourd’hui encore dans la géopolitique internationale. L’ère Eltsine a livré le monde au géant américain qui n’en demandait pas mieux. Cet héros-là n’est pas celui des pays du tiers-monde.

Dans le sillage de Gorbatchev, père de la "perestroika", qui lui confie la tête du parti communiste de Moscou, Boris Eltsine sort de l’ombre en 1985. Il prend la tête d’une fronde contre les communistes conservateurs qui ont opté pour des réformes douces. Eltsine est pressé et se fait limoger en 1987. A la tête des réformateurs, il se fait élire président de la fédération de Russie en 1991. Le coup de force des communistes lui donne l’occasion de prendre définitivement le destin de l’Union soviétique entre ses mains.

Le 8 décembre 1991, il décrète la mort de l’URSS. Le monde entier bascule dans une nouvelle ère. Le rideau de fer tombe, faisant place à la victoire de la démocratie ou, plutôt, de celle d’un certain capitalisme rampant. Il avait promis la fin des longues queues pour le ravitaillement alimentaire.

Si les longues files ont diminué, elles ont vite fait place à une situation de crise permanente avec un rouble malmené, dévasté par la criminalité et la corruption. Entre deux gorgées de vodka, le président de la Russie a eu la lucidité de reconnaître sa naïveté dans le schéma de réformes économiques qu’il a tenté d’imposer. Le mal est déjà fait. Les réformes à pas feutrés que voulait "Gorbi" auraient peut-être eu une chance ?

Du côté de l’Amérique où Eltsine est une icône, on se frotte les mains. En effet, Boris Eltsine a matérialisé la victoire de l’idéologie capitaliste sur le socialisme. En cela, il demeurera à jamais un personnage historique. Les contempteurs de Eltsine n’ont-ils pas dit qu’il a vendu l’URSS ?

Le géant russe, malgré un arsenal militaire non négligeable, ne fait plus peur. Economiquement affaibli, territorialement démantelé, le bloc de l’Est n’est plus qu’un mauvais souvenir pour les Américains. Il y a bien eu la tentative de créer la Communauté des Etats indépendants (CEI). Mais cette idée n’a pas prospéré, les pays membres n’ayant pas voulu se laisser à nouveau embrigader dans un regroupement à l’avenir incertain.

Les Non-alignés, dont de nombreux pays africains qui doivent leur existence au rapport de force Est-Ouest, sont désormais orphelins. La solidarité internationale magnifiée au nom de l’idéal marxiste fout le camp. La Russie se cherche, son président également, empêtré dans ses problèmes de santé. C’est dans ce contexte et après 10 ans d’exercice du pouvoir que Poutine prend le relais.

Aujourd’hui, si l’économie va mieux, on regrette quand même la grande URSS qui, au nom de l’équilibre de la terreur, servait de parapluie à de nombreux Etats. Le bloc soviétique n’aurait pas permis l’arrogance et l’unilatéralisme américain d’aujourd’hui.

Le bilan démocratique de l’ère Eltsine est à relativiser. Son successeur a vu les dangers d’une trop grande liberté. Il a par conséquent préféré une démocratie sous le contrôle d’apparatchiks reconvertis qui musellent les médias et éliminent leurs opposants. Cette Russie-là a montré ses limites militaires en Russie même et en Tchétchénie. A la recherche d’une nouvelle identité internationale, les Russes s’accrochent encore à un passé glorieux et hésitent à s’engager dans une relation franche avec l’Europe.

Cette dernière a peur de Moscou, et à juste titre. Car la Russie a besoin de résoudre ses contradictions internes avant toute alliance stratégique avec l’Union européenne. Il le faut dans l’intérêt du monde qui a besoin d’un nouvel ordre politique pour barrer la route au gendarme américain qui tente de mettre la planète sous coupe réglée. C’est en cela que Boris, qui s’est comporté en complice actif ou passif des USA, aura échoué dans sa mission. Il a contribué à livrer le monde au diktat des Yankees.

Le Pays

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique