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Ministère des Affaires Etrangères : "La diplomatie burkinabè à la croisée des chemins"

Publié le mercredi 25 avril 2007 à 08h02min

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La crise née de la marche des travailleurs du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, le mardi 10 avril 2007, n’est pas près de s’estomper. Dans l’écrit ci-dessous, la cellule de communication du Syndicat autonome des agents du ministère des Affaires étrangères (SAMAE) revient sur ladite marche, la situation qu’elle a créée et ses implications pour la diplomatie burkinabè, aujourd’hui "à la croisée des chemins".

La marche du mardi 10 avril 2007 des travailleurs du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale occupe le devant de l’actualité nationale sous cet ardent soleil d’avril, avec juste raison, vu son caractère inédit et ses effets collatéraux face auxquels les ’’diplomates" eux-mêmes, les analystes et les simples citoyens se posent des questions.

Le Syndicat autonome des agents du ministère des Affaires étrangères (SAMAE), qui a conduit la manifestation, se fait le devoir d’apporter quelques éclairages à l’opinion sur une situation où certains y sont déjà allés de leur cavale dans l’appréciation. Qu’en a-t-il été de la marche du 10 avril, quelle est l’atmosphère d’après-marche ? Que présage-t-elle pour l’avenir de la diplomatie burkinabè ?

L’Histoire retiendra que c’est un événement qui a fait date, parce qu’insolite et symptomatique d’un clash entre administrateurs et administrés de notre diplomatie. La sociologie l’analysera sous le prisme du destin mutationnel d’un corps social tenu par le soubresaut des forces du dedans et du dehors. La philosophie des fins s’inquiétera de la moralité et de l’éthique des valeurs dans la gouvernance de cette diplomatie.

La marche des "diplomates" célèbre une problématique de continuité et de rupture, de tradition et de modernité et juxtapose des allégations mensongères qui frustrent des travailleurs honnêtes et courageux au sein d’une des plus prestigieuses institutions de la République.

L’institution qui est chargée de conduire la politique étrangère de notre nation, de défendre son image, son intégrité juridique, psychologique, morale et identitaire est à la croisée des chemins. Elle vit une crise sans précédent qui est la conséquence de la mauvaise administration des hommes et des moyens mis à sa disposition.

Une secousse au sein d’une telle institution donnerait, à point nommé, l’opportunité aux politiques, aux intellectuels, à tout Burkinabè, de monter au créneau et, dans la sérénité, de s’assumer parce qu’il s’agit d’une question existentielle de notre Burkina Faso qui n’est la propriété de personne.

Notre pays est en 2007 tenu par les exigences d’ensemble qui sont grandes y compris celles de la diplomatie, il faut les aborder en termes de réponses rationnelles et intelligibles et non pas en plongeant dans la mare sous le prétexte des orages à l’horizon.

De la naissance du syndicat à la marche

Le SAMAE est l’émanation de la volonté de la communauté des travailleurs du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale. Comme tout syndicat, il a pour objectif principal de défendre les conditions de vie et de travail des agents.

Le 21 avril 2006, les travailleurs, après avoir constaté l’inexistence d’un cadre d’expression au sein du ministère pendant que la vie et la profession des diplomates allaient à vau-l’eau, décidaient de mettre sur pied cette structure. Elle est née des cendres d’un Comité d’initiative pour le dialogue social (CIDS) créé en décembre 2005 et animé par quelques membres du bureau actuel du syndicat.

Le CIDS répondait par ailleurs au souhait du président du Faso d’encrer le développement des institutions républicaines sous la bannière de la valorisation du capital humain. Les responsables du CIDS avaient procédé à une large consultation des agents sur les questions brûlantes au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale pour élaborer un mémorandum.

L’absence de statut juridique ou le caractère informel du CIDS plombaient ses actions. Les travailleurs, à la quasi- unanimité à l’Assemblée générale du 21 avril 2006, ont créé le SAMAE avec comme devise : "Ni partisan, ni courtisan : la cause est commune". Le SAMAE est un syndicat autonome, sans affiliation syndicale, pour l’instant, ni obédience idéologique vraie ou supposée. Défendre des travailleurs du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale est sa seule idéologie.

Le 30 août 2006, le SAMAE obtenait son récépissé d’existence ; dès lors possibilité lui a été donnée d’exister et de mener ses activités en tant qu’organisation de la société civile dans les limites de la réglementation nationale et internationale en vigueur dans notre pays : d’une part, la Constitution du 2 juin 1991, la loi n° 013/93/AN du 20 avril 1998 portant régime juridique applicable aux emplois et aux agents de la Fonction publique et la loi n° 022/97/AN du 21 octobre 1997 portant liberté de réunion et de manifestation sur la voie publique et d’autre part, les Conventions 87 OIT sur la liberté syndicale et n° 98 OIT sur la négociation collective, toutes deux ratifiées par le Burkina Faso.

Le 7 novembre 2006, le SAMAE, après avoir essuyé moult difficultés, parvenait à soumettre à l’Administration une plate-forme revendicative adoptée par les travailleurs. Les points essentiels en étaient les conditions salariales, les conditions matérielles et les conditions professionnelles. La question indemnitaire était considérée prioritaire parmi les priorités. Il fallait y trouver une réponse juste et rapide pour atténuer le calvaire des agents.

En effet, les travailleurs du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale constituent cette catégorie des travailleurs de la République qui n’ont aucune indemnité liée à leurs emplois. Pas d’indemnités de sujétion, de logement, de représentation, vestimentaire pendant que jour et nuit, ils sont astreints, voire contraints au travail pour la souveraineté de la nation.

Le 15 novembre 2006 débutaient les négociations avec l’Administration. Celle-ci reconnut la justesse de la majeure partie des points soulevés. S’agissant des indemnités, les deux partis s’accordèrent sur le principe d’une indemnité de sujétion, de représentation et vestimentaire.

Les rounds de négociation, après la date du 15 novembre, s’interrompirent parce que selon l’Administration des "occupations prioritaires" débordaient son calendrier. Le SAMAE, lui, soutenait plutôt l’urgence d’achever les assises pour entamer la mise en œuvre de leurs conclusions.

Les travailleurs, las d’attendre une situation claire et concrète sur les indemnités, tinrent le 26 janvier 2007 une Assemblée générale consacrée exclusivement à la question, dont l’issue fut de donner un délai de 60 jours à l’employeur pour leur servir lesdites indemnités, sinon ils manifesteraient publiquement leur mécontentement.

Une lettre fut adressée au ministre d’Etat à cet effet. Un mois plus tard, une seconde lettre le lui rappelait. Le 7 février 2007, les consultations reprirent sur les autres points de la plate-forme pour connaître par la suite le même sort : longue interruption.

Le 27 mars 2007, le délai donné par les travailleurs s’expira. Le 28 mars, au cours des amendements des rapports des différentes étapes de négociation, l’Administration, en divers informa le syndicat qu’un "avant-avant projet" de rapport en Conseil des ministres était en préparation concernant les indemnités. De quelles indemnités s’agissait-il ?

Le document imaginaire de l’Administration (puisque non soumis au SAMAE) portait à l’honneur les indemnités des conseillers, des inspecteurs techniques, des directeurs et chefs de service, et réservait dans une portion congrue rien que l’indemnité de sujétion pour les travailleurs, largement en deçà des attentes du SAMAE.

Ainsi, le syndicat, qui a levé le problème des indemnités depuis le CIDS en décembre 2005, se voyait fourvoyé par son partenaire d’en face dont la manœuvre a consisté à se servir de lui pour servir les plus "puissants" de la maison au détriment de la majorité des travailleurs.

Cette manœuvre machiavélique a consisté à vouloir retourner les premiers contre les seconds. Encore faut-il savoir s’il existât un quelconque "avant-avant projet" de rapport en Conseil des ministres sur les indemnités. C’est là qu’est intervenue la décision des travailleurs de marcher pour manifester leur mécontentement le mardi 10 avril 2007.

La marche du 10 avril 2007

Tout a été préparé dans la légalité. Le SAMAE a reçu l’autorisation n° 2007/060/CO/AABSK/M/SG/SAES du 4 avril 2007 de la mairie pour l’occupation de la voie publique. Les autorités du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale en ont été informées individuellement par lettre. Le ministre d’Etat, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération régionale a reçu la lettre n° 0049 datée du 05 avril 2007.

Le mardi 10 avril à 9h30, 149 travailleurs se sont rassemblés, et de 10 heures à 11 heures ils ont procédé à la marche sans le moindre incident, suivie d’une remise d’un message à l’autorité.

Le mercredi 11 dans la soirée, le bureau du SAMAE apprenait que le Conseil hebdomadaire des ministres a décidé de fermer l’Institut diplomatique et des relations internationales (IDRI), créé le 13 août 2001 et ouvert en 2002.

L’argument étant que : "le Conseil, au vu du fonctionnement de cet institut et des niveaux de performance en matière de formation dans le domaine de la diplomatie et des relations internationales, constate un décalage entre les résultats produits et les attentes liées aux objectifs initiaux de la création de l’IDRI".

Il faut rappeler que les tout premiers élèves fonctionnaires sortis de l’IDRI sont arrivés au nombre de 20 au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale, rien que le 19 février 2007 soit à moins de 3 mois du jour de la marche. Face à une telle décision relevant des prérogatives de l’Etat, la stupéfaction fut grande. Et des questions élémentaires se posent.

Qui a évalué quoi pour prendre la décision de fermeture de l’IDRI ? Pour l’instant, mystère et boule de gomme. Selon certaines arguties, ce sont les jeunes étudiants de l’IDRI et les jeunes stagiaires (20) qui constituent la base du syndicat et, partant, celle de la manifestation. Or ce sont 149 travailleurs du ministère qui ont battu le pavé pour crier leur misère.

S’il est vrai qu’il y avait des fonctionnaires stagiaires issus de l’IDRI à la marche, il faut aussi ajouter qu’il y avait ceux issus de l’ENAM et qu’aucun sortant de l’IDRI n’est membre du bureau national du SAMAE. Les activités académiques se déroulaient tranquillement le 10 avril pendant que les laborieux travailleurs du département des Affaires étrangères battaient le pavé et criaient leur misère sur le boulevard du Faso. Aucun élève de l’IDRI n’a pris part à la marche.

Une batterie de mesures répressives et une guerre psychologique antitravailleur pour le péril de la diplomatie

Le jeudi 12 avril, nos directeurs de services ainsi que les responsables des structures rattachées, suite à un Conseil de cabinet présidé par le Directeur de cabinet, sont devenus les interlocuteurs crédibles et exclusifs de l’Administration.

Ils nous rapportent que le ministre d’Etat a exigé que chaque marcheur fournisse des explications écrites, suite à la lettre qu’il adressera à chaque marcheur. Le syndicat décide que les agents répondent individuellement par une lettre au contenu identique, conçue par le syndicat. S’en est suivie une réponse collective du syndicat, qui dira clairement que c’est d’abord de sa responsabilité.

Le vendredi 13 avril nous apprenons que tous les marcheurs sont désormais interdits de mission et de stage à l’étranger. Le même soir, des camarades sur le point de prendre l’avion sont rattrapés et priés de remettre les frais de mission et les billets d’avion. Le directeur des Ressources humaines demande aux contractuels de fournir leurs certificats de prise de service et leurs arrêtés d’engagement.

Certains directeurs demandent à des camarades de dire dans leurs lettres d’explications qu’ils ont été induits en erreur par le SAMAE. Les intérims des directeurs sont refusés aux marcheurs. Le lundi 16 avril, le syndicat tint un meeting au parking. A l’occasion, des centrales syndicales ont témoigné leur solidarité au SAMAE ; ce qui contribuera à remonter le moral des camarades, dont les plus fragiles étaient au bord du découragement.

Le moral est bien remonté depuis le mardi 17 avril, et ceux-ci n’attendent que le mot d’ordre de leur syndicat. En clair, l’Administration se comporte comme si le SAMAE n’était plus une force de proposition. Elle considère que ses militants ont trahi les intérêts du Burkina Faso.

En tout état de cause, le SAMAE n’est pas un ennemi, mais un partenaire institutionnel. Ses militants demeurent, jusqu’à preuve du contraire, les forces vives et vivifiantes de notre diplomatie. Ils sont les plus loyaux à la République et attachés aux principes de la bonne gouvernance.

Ils n’ont fait qu’exercer leur droit citoyen pour dénoncer la mauvaise gestion de notre institution et demander des indemnités pour lesquelles ils ne sont que des laissés-pour-compte. Si les acteurs de la répression avaient eu les initiatives, le courage et l’esprit de construction du SAMAE et de ses militants, nous ne serions pas dans l’état de misère actuelle à la Centrale comme dans nos représentations diplomatiques.

A travers les batteries de mesures punitives contre les militants, l’Administration du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale a pris sur elle de mettre la diplomatie burkinabè en péril. Dans tous les cas, l’image du Burkina Faso rayonnera au mieux si les conditions de vie des travailleurs de la diplomatie sont améliorées. Pour l’instant, ces conditions sont au noir. L’Histoire des nations est faite des intelligences multiformes convergentes et divergentes à leur service.

Durkheim soutenait avec force arguments que la France avait perdu la guerre de 1870 contre l’Allemagne à cause de l’éducation dévoyée de sa jeunesse. Le Burkina Faso, quant à lui, est dans la lutte contre la pauvreté, une guerre qu’il pourrait perdre à cause du mépris et de sa promptitude à réprimer sa jeunesse intelligente.

Hier, c’était celle de l’Institut des sciences (IDS), puis celle de l’Ecole de police et aujourd’hui celle de l’IDRI. La sagesse n’a point d’âge, et briser des carrières des jeu nes, tout comme fouler aux pieds la misère des travailleurs et étouffer leurs voix ne la révèlent point.

La manifestation bruyante, pacifique, citoyenne, hautement symbolique et significative dans la rue le 10 avril 2007 a engendré "le crépuscule des idoles" et l’annonce de l’aurore, pour laquelle les travailleurs du ministère des Affaires étrangères et de la Coopération régionale mobilisés autour de leur syndicat ne cesseront jamais de lutter.

"Ni partisan, ni courtisan, la cause est commune"

La cellule de communication du SAMAE

Ouagadougou, le 23 avril 2007

L’Observateur

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Vos commentaires

  • Le 26 avril 2007 à 14:53, par Gazere En réponse à : > Ministère des Affaires Etrangères : "La diplomatie burkinabè à la croisée des chemins"

    Jeunes frères du bureau du SAMAE et de la communauté des travailleurs honnêtes du MAECR, je vous adresse tous mes encouragements. Cette déclaration montre bien combien vous avez mûri et combien vous constituez une alternative crédible pour l’avenir de ce ministère. Ne vous laissez pas intimider par les gesticulations des courtisans qui pensent pouvoir se forger leur destion dans les intimidations, la délation...
    Courage

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