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Tenkodogo : Ces militants qui parlent sans carte d’électeur

Publié le mercredi 25 avril 2007 à 08h28min

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Nous sommes dans la deuxième semaine de la campagne électorale pour les législatives du 6 mai 2007. Plus la date approche et plus les candidats montrent de l’ardeur en cristallisant les énergies pour vendre au mieux leur "programme politique".

A Tenkodogo, c’est toujours la même stratégie électorale : le porte-à-porte et les réunions nocturnes, au cours desquelles l’accent est surtout mis sur le retrait des cartes d’électeurs. Le divertissement favori des jeunes est le thé, que des candidats n’hésitent pas à mettre à leur disposition.

Ceux-ci font partie d’une frange non négligeable de l’électorat et on s’efforce de les contenter. La ville de Tenkodogo compte une population résidente de 130 084 habitants, en majorité des jeunes. Les moins de 20 ans représentent près de 57,5% de la population totale.

Ceux qui sont arrivés à l’âge de la majorité légale se rendront aux urnes, s’ils sont inscrits sur les listes électorales.

A côté de la gare SOTRADYF, qui fait la ligne Tenko-Ouaga, chaque soir à partir d’une certaine heure, des jeunes se retrouvent au kiosque de Karim Bangré. Ces derniers temps, on ne parle que de la campagne et des partis en compétition. Le CDP et la Convention des forces démocratiques du Burkina (CFD/B) font les frais de la conversation.

Ils sont fatigués qu’on vienne toujours leur présenter des projets mirobolants. Mais d’autres pensent qu’avec la présence de "Boureim Ghana" en deuxième position sur la liste CDP, les choses pourraient changer. On dit de lui que c’est un homme simple, et on apprécie le fait qu’après les municipales de 2006, il a fait aménager des rues. "Nous avons appris qu’il était à l’ambassade du Burkina au Ghana, et il est revenu pour faire de la politique", disait quelqu’un.

"Moi, je ne le connais pas, et d’ailleurs, c’est maintenant qu’il commence à venir à Tenkodogo", lance un autre jeune.

Son voisin, qui portait une casquette à la Jet Li, lui répond qu’après tout c’est un fils de Tenkodogo, qui, étant un ancien footballeur, peut aider des jeunes du Boulgou à ... aller en Europe.

Derrière son comptoir, le cafetier tendait une tasse de café noir à un nouveau venu.

La CFD/B, elle, a aussi ses partisans, qui ne jurent que par le commissaire adjoint de la police à la MONUC, Palguim Sambaré, ci-devant directeur général de la police nationale. Ils ont beaucoup vanté sa 4x4 et affirmé qu’il est plus puissant que des gourous du CDP à Tenkodogo.

"Il a les "feuilles", et c’est un grand monsieur, qui peut arranger la province", avancent certains. En tout cas, des jeunes semblent avoir un penchant pour son parti.

Prenant le thé pour combattre une quinte de toux, j’écoutais, un peu amusé, leur conversation. Mais combien sont-ils parmi eux qui ont des cartes d’électeurs ? A regarder ces mordus du hip-hop, on peut parier qu’ils n’ont pas tous le précieux objet pour permettre à des candidats de devenir quelqu’un dans quelques semaines à l’Assemblée nationale.

Quand j’ai demandé à Karim, que m’a présenté mon ami Issa Minoungou, s’il avait le précieux document pour voter le 6 mai, il a répondu non.

Au même moment, les autres se sont retournés pour me regarder. Personne ne me connaissait. Il y avait un silence significatif.

Les causeurs étaient visiblement gênés par cette question de l’intrus que j’étais, et pour rompre le silence, l’un d’eux a eu le courage de reconnaître qu’il n’a pas, lui non plus, de carte orange.

Il prétend être tout le temps à Cinkansé au Togo, au point de n’avoir pas eu une minute à lui pour aller s’inscrire. S’il avait une carte, la CFD/B aurait au moins bénéficié de sa voix.

Les jeunes gens ont continué de discuter avec animation, et si un candidat était passé par hasard par là, il aurait cru qu’il avait affaire à des militants sérieux.

"Si le maire ne réagit pas"

Mais laissons ces bavards d’une nuit et abordons maintenant autre chose. A Tenkodogo, presque tout le monde sait qu’il y a vote le 6 mai.

Dans les rues, les messieurs et dames du CDP et de la CFD/B font le malin avec leurs "grosses caisses" bardées d’affiches aux couleurs de leur parti.

Des 16 autres partis en lice, l’UNIR/MS, l’ADF/RDA, l’UPR, le PDS et le PDP/PS commencent à se faire remarquer. Les mauvaises langues disent qu’ils ont loué leurs voitures pour les besoins de la campagne.

Nullement impressionnés par les moyens dont disposent les deux principales formations politiques en lice au Boulgou, leurs représentants sillonnent les secteurs, comme pour dire qu’il se prépare un grand changement.

La campagne, jusqu’au moment où nous jetions sur le papier, se déroulait sans incident à Tenkodogo.

Quand il y a un rassemblement à tel ou tel endroit, on lance des piques à l’adversaire. C’est de bonne guerre, mais sans méchanceté et on sent une certaine maturité d’esprit.

A l’évidence, le CDP et la CDF/B n’ont pas lésiné sur les moyens, en tout cas pour ce qui est des gadgets. Le jour du marché, beaucoup de gens portent des tee-shirts de leur parti. Mais beaucoup renouvellent ainsi leur garde-robe sans que ce ne soit toujours un signe d’adhésion.

Pour ces législatives 2007, le CDP s’est gardé d’organiser des meetings parce que, selon lui, cela profite aux militants des autres partis, qui viennent pour "bouffer". Avec les exigences impératives de l’horaire, on s’ébranle après vers les départements et villages. Pendant ce temps, en ville, la population continue le train-train de la vie quotidienne.

En ce mois d’avril, où la chaleur est souvent torride, la préoccupation de tous est d’avoir l’eau. Au niveau des bornes-fontaines, les coupures sont fréquentes et pour se procurer l’élément humide, il faut attendre parfois jusqu’à 22 heures. On parcourt même des kilomètres dans l’espoir de revenir à la maison avec le précieux liquide.

L’eau est donc devenue une denrée rare. L’autre problème, c’est la sortie fréquente de la police dans les différentes rues de la ville.

Elle récupère les vélos, les motos et autres engins de tous ceux qui ne respectent pas le stop. On discute chaudement quand on estime qu’on s’est arrêté avant de partir. Mais le dernier mot revient toujours à la police, qui reste de marbre ;

une opération qui se déroule en pleine campagne, ce qui a vite fait de donner des idées à des gens : "Si le maire Alassane Zakané ne réagit pas, on ne votera personne ici", entendait-on dire. On comprend l’exaspération d’une partie de la population, puisque la manière n’y est pas dans le contrôle.

Ce qui a sidéré plus d’un, c’est le fait qu’on a arraché à un handicapé son vélo.

Il a déclaré qu’il n’a pas vu le panneau de stop (la plupart sont masqués par des étals), mais on ne l’a même pas écouté.

Il s’est adressé à un ancien député de la province, qui était de passage à ce moment, pour qu’il l’aide. Mais ce dernier a prétexté un rendez-vous urgent. Depuis le fameux contrôle, Tenko est vide à un moment de la journée et déserte la nuit. En sera-t-il de même le 6 mai ?

Justin Daboné

L’Observateur

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