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Cinéma burkinabè : La caméra à l’envers

Publié le vendredi 20 avril 2007 à 07h31min

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Il n’y a aucun doute, le Burkina Faso est l’un des points culminants du cinéma africain et le rendez-vous biennal des faiseurs d’image qu’est le FESPACO, en est le point focal. Ce qui fait que Ouagadougou à côté de son surnom de capitale des deux roues s’octroie aussi le pseudo de capitale du cinéma africain.

Seulement voilà la cinématographie burkinabè semble aujourd’hui être en panne ; et la dernière édition du FESPACO, le 20e du genre, est venue rappeler aux cinéphiles et aux cinéastes que l’expression biblique les premiers seront les derniers, n’est pas une vue de l’esprit.

Les longs métrages présentés par les Burkinabè sont passés loin de la selle de l’Etalon de bronze ; on ne parle donc pas d’espoir d’Etalon d’argent encore moins du grand prix, l’Etalon d’or. Au palmarès officiel, seuls les téléfilms « Quand les éléphants se battent » de Abdoulaye DAO et « Ina » de Valérie KABORE ont pu sauver les meubles. On n’était pas loin de la catastrophe ; dans le sens de sortir totalement bredouille de la fête que les pouvoirs publics se saignent pour organiser. Il est vrai que certains aiment assurer qu’on n’organise pas un FESPACO pour le gagner en s’appuyant sur le cas du festival de Cannes qui n’a pas vu un Français recevoir le grand prix depuis un bon moment.

On est tous d’accord, un FESPACO, tout comme une Coupe d’Afrique des nations de football ne s’organise pas pour forcément être le grand vainqueur, ce n’est pas comme les politiciens le font avec les élections.
Des raisons qui ont milité en son temps pour qu’on parle du dynamisme du cinéma burkinabè, il y avait la cohésion sinon même une synergie entre les techniciens du cinéma et les pouvoirs politiques.

Aujourd’hui, le monde du cinéma a éclaté, et comme dans le cas du printemps de la presse, les difficultés sont devenues nombreuses et les plus coriaces sont l’antagonisme entre les « officiers cinéastes » sortis des écoles de formation et les « officiers sac-à-dos » formés sur le tas et sur le tard. En s’opposant, les deux conceptions que sont celles des deux types de cinéastes se posent du même coup comme le nœud gordien du mal-être de la cinématographie burkinabè.

C’est pourquoi on peut parler du cinéma burkinabè comme celui-là même qui a sa caméra à l’envers. Le Burkina est entré dans le 7e art par le cinéma d’auteur alors que partout ailleurs ou du moins chez nos « ancêtres les Gaulois », le cinéma a commencé par ce qui est surnommé « ciné-populaire » pour évoluer vers le cinéma d’auteur.

Ayant mis la charrue avant les bœufs, la cinématographie burkinabè est aujourd’hui à la croisée des chemins.
Les professionnels s’étant concentrés sur le cinéma d’auteur, on voit de plus en plus des « officiers sac-à dos » se frayer un chemin avec le cinéma populaire.

Les plus connus étant Abdoulaye SIDNABA et Boubacar DIALLO J.J. Les deux cinéastes ont eu le nez suffisamment creux pour faire des films gentils qui sont donc très proches du public et adorés par celui-ci. Il a suffi de cela pour voir des levées de boucliers, des affrontements à bouches armées entre les professionnels et les cinéastes de la 25e heure.

L’un dans l’autre, le public reste le seul maître du jeu. Sidnaba avec ses films qui massacrent la grammaire cinématographique a fait plus d’entrées que tous les autres films burkinabè. Si l’objectif un film est d’être vu et de générer des fonds à la production pour pouvoir en faire d’autres, on peut dire que Sidnaba est dans les bonnes cordes.

Avec l’apport des NTIC, les films se font avec des budgets nettement moins réduits que les sommes faramineuses qu’on y mettait les années précédentes. Il n’est un secret pour personne que l’Occident, principal bailleur de fonds du cinéma africain est aujourd’hui essoufflé.

Il faut donc penser autrement les financements des films. Mais de là à affirmer comme Boubacar DIALLO J.J qu’on peut bien faire un film long métrage avec 20 ou 25 millions, il y a un pas qui semble avoir été vite franchi. Car les problèmes qu’il a lui-même relatés avec beaucoup de détails pour que son film « Code phénix » puisse participer à la compétition du FESPACO, sont la preuve que la chose est plus compliquée qu’il ne le pensait.

Si en plus de cela il y a le fait qu’il a mis à mal ses collègues cinéastes qui avaient des dossiers de financement chez les Blancs et qui multiplient par dix son budget de 25 millions, un « casus belli » peut en naître. Il faut souligner qu’à partir de sa déclaration, les bailleurs de fonds sans le dire peuvent penser que les cinéastes africains les arnaquaient.

Mais au-delà de tout, les cinéastes doivent savoir qu’il y a de la place pour tout le monde, le cinéma est un métier ouvert et le Burkina est loin d’avoir épuisé ses possibilités. Au lieu de se bagarrer, toute chose qui fait perdre de l’énergie pour rien ; les professionnels doivent entrer dans la brèche du cinéma populaire et comme la beauté d’un tapis s’apprécie mieux par le nombre de ses couleurs et leur harmonie, Dieu reconnaîtra les siens.

On reconnaît le bon maçon au pied du mur. Par le nombre et la qualité des films, le public sera ravi et les réalisateurs moins talentueux et moins rigoureux verront leurs œuvres boycottées. Il y a de la place pour tout le monde. Toute chose qui permettra à la critique burkinabè d’être à la hauteur de sa tâche.

Si le cinéma est à la croisée des chemins, la presse, principalement les journalistes critiques de cinéma, sont aussi à la peine ; il y a certes une association qui ne semble vivre que par et pour son président ; le reste de la chaîne étant loin derrière. C’est ce qui fait le paradoxe burkinabè, une cinématographie vivante à côté d’une critique rampante.

Par Issa SANOGO

L’Opinion

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