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Période préelctorale en Afrique : Quand les pouvoirs se nourrissent de l’ignorance des populations

Publié le vendredi 13 avril 2007 à 06h48min

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En Afrique, les mois et les semaines qui précèdent une consultation populaire sont des moments d’intenses activités. Les dirigeants découvrent instantanément un intérêt débordant pour les populations des zones rurales. On réveille de vieux projets. On les réactualise. On jure, la main sur le coeur, qu’ils seront réalisés. On en échafaude de nombreux autres.

Les cérémonies de pose de première pierre de ceci et de cela, de lancement des travaux pour tel et tel projet, les fêtes à l’occasion de l’inauguration d’infrastructures se succèdent à un rythme effarant. Le sort des populations est devenu une préoccupation de tous les jours. La vie sociale, politique, économique et culturelle de certaines régions retrouve un regain d’activité.

Des entreprises sont sommées de travailler sans discontinuer jour et nuit pour terminer, ou pour augmenter le taux de réalisation des projets. Des régions, des provinces, des départements, des villages sont immédiatement placés sous les feux de l’actualité. Ils font la Une des journaux parlés, télévisés et de certains quotidiens.

Des villages et des départements deviennent subitement des points d’attraction des ministres, de directeurs généraux, de directeurs des services déconcentrés de l’Etat, qui n’y avaient jamais mis les pieds.

Toutes les inaugurations, tous les lancements de travaux, toutes les remises d’infrastructures portent le label du parti au pouvoir. On mentionnera à l’occasion que c’est grâce au parti, grâce à tel fils ministre, que cette réalisation a été possible. Des commentateurs improvisés de l’événement iront jusqu’à affirmer que c’est le président qui s’est penché personnellement sur le sort de la province, du département, du village. Il a ordonné que "nous vous apportions ceci".

Il n’y aurait rien à dire si les élites politiques ne profitaient pas de l’analphabétisme et de l’obscurantisme des populations pour leur faire croire et accepter que toutes les réalisations étaient des réalisations du parti et du pouvoir en place, dont c’est pourtant le rôle primordial de construire ces infrastructures.

Car en effet, l’installation d’un forage, la construction d’un Centre de santé et de promotion sociale (CSPS), d’un établissement d’enseignement primaire, secondaire et supérieur n’ont jamais été financées par le chef de l’Etat, par un ministre, encore moins par le parti au pouvoir : c’est le fait du budget national ou des bailleurs de fonds. D’où vient alors que le parti au pouvoir et ses hommes s’attribuent ce qu’ils sont incapables de réaliser ?

C’est une forme déguisée de détournement. Ils le savent bien, mais comme ça les arrange, "on tant pis ! " L’obscurantisme et l’analphabétisme aidant, ces pratiques malhonnêtes se répètent à chaque échéance électorale. C’est en Afrique, où le parti au pouvoir se confond à l’Etat et où le chef de l’Etat est l’Etat, que ces amalgames sont érigés en systèmes de gouvernement.

Qu’on se souvienne des déclarations du président Lansana Conté de Guinée avant le déclenchement de la crise de janvier dernier qui faillit emporter son régime. Qu’on relise à cet effet la conception du pouvoir et de la propriété chez les peuples bantous, défendue par le président Omar Bongo Odimba : tout est propriété du chef.

Et l’opposition politique structurée ? Elle assiste impuissante à cette magouille officielle. Elle assiste à ce viol des consciences des populations, à cette tromperie à l’échelle nationale. Elle n’a rien de concret à montrer, elle n’a rien à proposer, elle assiste dans le silence à ce marché éhonté qui se résume à dispenser des biens et des services dont on n’est pas le propriétaire légal.

Cependant, elle devrait réagir, condamner cette conduite des partis au pouvoir qui consiste à utiliser le patrimoine national à des fins propres. Des moyens publics sont utilisés contre l’opposition. Elle devrait dénoncer ces poses de première pierre qui se font parfois même la nuit. L’opposition devrait dénoncer toutes ces personnes qui décident du tracer d’une route tout en sachant qu’elles ne sont ni ingénieurs des ponts et chaussées, ni techniciens en aucune matière.

Elle doit dénoncer le fait que des hommes et des femmes sont d’ores et déjà en campagne avant la date officielle d’ouverture de la campagne. Elle doit dénoncer l’utilisation des moyens de l’Etat à des fins de campagne. Elle doit entrer dans les cases, aller dans les cours pour expliquer aux populations que c’est un droit pour elles que l’Etat construise des routes, des barrages, réalise des forages, des écoles et des dispensaires. C’est leur droit et c’est le rôle du pouvoir. Elle doit sensibiliser.

Mais l’opposition peut-elle condamner ce que font les hommes au pouvoir ? Hormis le problème de moyens, la plupart de ses leaders sont compromis. Ils sont légion, ces leaders de l’opposition qui portent deux casquettes : conseillers du pouvoir la nuit venue, ils deviennent son pourfendeur une fois le soleil levé. C’est ce qui explique que dans la plupart des pays africains, les oppositions ne sont pas respectées. Le pouvoir ne les craint nullement. Mangeant dans deux râteliers, elles trahissent la cause de l’opposition.

Et la démocratie en Afrique ? On dit que la gueule-tapée, ce reptile qui ressemble à l’iguane, fait son trou qui épouse sa forme. Chaque peuple a la démocratie qu’il mérite. C’est pourquoi ces guignols qui s’agrippent au parti au pouvoir et qui ne seraient rien en dehors du parti sont assurés d’être députés ou ministres tant que les masses populaires seront maintenues dans l’obscurantisme, dans leur analphabétisme. Les périodes de précampagne et les périodes de campagne sont des moments de promesses de toutes sortes. Des promesses dont la durée de vie est égale à celle de la campagne.

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