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Terrorisme en Afrique du Nord : La nécessaire ouverture aux courants islamistes

Publié le vendredi 13 avril 2007 à 06h59min

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Casablanca et Alger viennent de vivre les affres de la terreur aveugle avec des attentats qui ont fait des dizaines de morts. Cela fait toujours frémir de voir ces scènes de désolation après l’explosion d’une bombe.

Même pour un pays comme l’Algérie, où la guerre civile des années 90 reste encore dans les mémoires, les attentats ont toujours un effet terrible sur les populations. Mais n’est-ce pas ce choc que les poseurs de bombe veulent justement provoquer à travers leur acte ?

En tous cas, la surprise passée, peut-être faut-il que les dirigeants algériens et marocains, et, au-delà, ceux d’Afrique du Nord, s’interrogent courageusement sur les causes profondes de cette menace terroriste et sur leurs responsabilités dans sa persistance. Car depuis que le GSPC algérien s’est rebaptisé Al Qaeda au Maghreb, l’on devait comprendre que les revendications de ce groupe dépassent désormais les seules frontières d’un pays pour s’étendre à toute une région.

Et il n’est pas sûr que les dirigeants maghrébins aient pris toute la mesure de cette nouvelle dimension afin de prendre des mesures idoines. Au contraire, les traditionnelles rivalités, notamment algéro-marocaines, ont continué à persister alors que l’heure était à des réflexions concertées. Si chaque pays a son parcours historique particulier, il n’empêche que le Maghreb est caractérisé par une culture islamique commune sur la base de laquelle se greffent les revendications des groupuscules armés.

Au regard de cette spécificité, quelle place les pouvoirs et les institutions accordent-ils à l’islam politique ? Très peu, si l’on considère que les malheurs de l’Algérie sont en grande partie consécutifs au refus d’accepter la victoire du Front islamique du salut aux élections législatives de décembre 1991.

Au Maroc, en Tunisie et en Egypte où le multipartisme est également consacré, on assiste à la même marginalisation, sinon à l’interdiction pure et simple, d’organisations politiques proches des courants islamistes. En réprimant les islamistes qui veulent épouser les idéaux de la démocratie, les dirigeants maghrébins ont provoqué l’émergence de mouvements extrémistes convaincus que seule la violence peut leur servir de mode d’expression. La clandestinité étant devenue de mise chez les partisans de ces méthodes radicales, on entre de plain-pied dans ce concept fourre-tout appelé terrorisme.

Certes, il n’est pas question de tolérer un quelconque parti, religieux ou pas, s’il prône une vision aux antipodes de l’Etat de droit. Cet argument avait d’ailleurs été invoqué pour justifier l’interdiction du FIS. Mais on peut rester circonspect sur ces raisons brandies a posteriori, c’est-à-dire après la reconnaissance de ce parti, l’autorisation qu’il a eue de participer au scrutin, et sa large victoire.

Et là apparaît la deuxième erreur des pouvoirs en place d’Alger au Caire, en passant par Rabat et Tunis : c’est de se couler dans le même moule que les Américains dans leur croisade contre le terrorisme. En tant que pays musulmans, les Etats maghrébins devraient avoir une autre lecture des mouvements extrémistes qui proviennent des pays arabes et dont l’objectif premier est de réagir à la politique de Bush au Proche et Moyen Orient.

Sans leur demander de comprendre et de tolérer la violence aveugle, il est toutefois nécessaire pour ces Etats d’avoir leur propre conception des choses pour ne pas faire le jeu des Etats-Unis et d’attiser davantage la haine des islamistes radicaux. En effet, l’Occident, qui tolère des partis d’obédience chrétienne dans son espace démocratique, ne veut pas sentir l’Islam politique dans le monde arabe.

Bush lui-même n’est pas loin de diriger un parti religieux avec la cohorte de néoconservateurs qui l’entoure et ses références régulières à la Bible. Qu’est-ce à dire ? Les pays arabes, eux par contre, au nom d’une laïcité suspecte, doivent réprimer les aspirations de leur peuple pour des dirigeants dont l’action est placée sous le sceau de la foi. On a mis dans leur tête que leur religion et leur culture sont congénitalement dangereuses pour la paix dans le monde.

Comme en Palestine où la victoire du Hamas aux élections législatives a provoqué une levée de boucliers occidentale, les Américains et leurs alliés ne sont pas prêts à accepter que des islamistes prennent le pouvoir dans les pays maghrébins, même de façon démocratique. D’où l’aversion que les dirigeants arabes ayant pris fait et cause pour l’Amérique ont pour l’Islam politique.

Tout en prétendant combattre le terrorisme et faire plaisir aux puissances occidentales, ces dirigeants écartent des adversaires de poids et s’assurent de se maintenir au pouvoir. Cet exercice a cependant des limites car les régimes arabes eux-mêmes deviennent la cible des extrémistes, enragés de voir leur pays collaborer avec l’administration Bush.

La montée d’Al Qaeda dans les pays nord-africains pose donc la question de leur alignement systématique sur l’Amérique. Les dirigeants de ces pays ont peur de leur peuple dont les aspirations sont aussi incarnées par des partis islamiques démocrates, à l’instar de ceux chrétiens existant en Occident. Au lieu d’utiliser la méthode forte pour éliminer ce courant politique, le Maghreb a plutôt intérêt à engager une ouverture, même contrôlée.

L’Amérique, c’est connu, n’aime les pays arabes que pour leur pétrole ou leur position géostratégique. Le jour où elle ne trouvera plus d’intérêt à soutenir à bout de bras des dirigeants généralement vomis par leur peuple, elle s’en ira comme elle est venue. Il appartient donc aux pays arabes en général, et ceux d’Afrique du Nord en particulier, de savoir s’unir autour de leurs vrais intérêts.

La lutte contre le terrorisme dans laquelle ils se sont inscrits apparaît plus comme une guerre fratricide où il n’y aura ni gagnant ni perdant. Seules certaines puissances et forces occultes, tapies dans l’ombre et tirant les ficelles, bénéficieront de la situation d’instabilité et de fragilité économique engendrée par le cycle de violences.

Le Pay

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Vos commentaires

  • Le 13 avril 2007 à 09:21 En réponse à : > Terrorisme en Afrique du Nord : La nécessaire ouverture aux courants islamistes

    J suis globalement d’accord avec votre analyse. Mais tout de même, si les islamistes sont contre la politique de leurs dirigeants ou se sentent brimer par leur éviction, ce n’est pas à la pupulation qu’ils doivent s’en prendre (qui est d’ailleurs un électorat potentiel), mais aux dirigeants. Je peux comprendre des attentats contre les regimes et leurs symboles, mai contre la population civile, j’admet que j’ai du mal à suivre. Sanwé

    • Le 15 avril 2007 à 02:55, par Armando En réponse à : > Terrorisme en Afrique du Nord : La nécessaire ouverture aux courants islamistes

      Je crois que l’auteur de l’article parle de ce qu’il ignore.J’ai rien contre les islamistes.MAis la réalité est que l’on ne peut pas tolérer ces partis parce qu’ils sont contre la démocratie.Ils sont en générale contre les règles même de la république ou de l’Etat de droit. Et ils veulent utiliser ces mêmes règles pour la conquête du pouvoir. En Turquie c’est un parti islamiste qui a le pouvoir et personne ne se plaind. Mais dans bien des cas ces partis là ne sont pas du tout modéré et ne veulent pas entendre parler de démocratie.

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