LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Législatives : Pèche miraculeuse ou élection ?

Publié le jeudi 12 avril 2007 à 08h35min

PARTAGER :                          

Les jeux sont donc loin d’être faits même si on ne peut pas raisonnablement s’attendre à de grandes surprises du fait des limites de nos acteurs politiques et des insuffisances des populations que nous avons évoquées.
C’est dans un tel contexte que les uns et les autres iront au charbon chacun avec ses armes, ses objectifs et ses espoirs.

Au soir du 6 mai les fortunes seront forcément diverses et on verra inéluctablement plus clair dans les différents combats et les challenges qui s’imposeront à chaque acteur.

Pour la 4e fois sous la 4e République, le corps électoral est appelé aux urnes pour désigner les honorables députés qui devront siéger dans l’auguste Assemblée nationale. Ce sera le 6 mai prochain après des « hostilités » qui, en dépit des apparences, promettent et dont l’ouverture le 14 avril prochain est attendue avec ferveur dans tous les états-majors des partis politiques. Cela ne se sent peut-être pas tout à fait, mais de nombreux signes avant-coureurs indiquent que ça bourdonne fort dans les équipes de campagne et nul doute que les jours à venir vont être chauds.

La raison en est tout simplement que derrière les déclarations qui veulent faire croire que les jeux sont faits et qu’on devrait circuler parce qu’il n’y aurait rien à voir, puisque le CDP sera encore là avec son « tuk guili » (1), la réalité est toute autre tant ils sont nombreux, les candidats qui se disent « in petto », que le jeu en vaut tout au contraire la chandelle et que des concours de circonstances peuvent fort bien les envoyer à l’hémicycle.

Ne dit-on pas en langue nationale mooré que toute lutte comporte ses aléas et ses parts d’imprévus dont il faut tenir compte. De là à penser qu’il s’agira beaucoup plus d’une partie de pêche miraculeuse que d’une élection démocratique, il y a un pas que certains analystes franchissent allègrement comme pour dire que devant l’amateurisme et l’irrationnel des pratiques de nos hommes politiques, il est illusoire d’envisager des constructions logiques.

En effet, à regarder la plupart d’entre eux se mouvoir on a de la peine à se convaincre que leurs actions obéissent à des stratégies ou à des plans cohérents dont la finalité serait de remporter les élections ou tout au moins de faire élire leurs candidats.

Toutefois, se serait aussi une hérésie que de penser qu’ils ont fait leur, le code d’honneur de l’olympisme selon lequel, « l’essentiel c’est de participer » ; car s’il est un fait sur lequel tous les analystes semblent s’accorder de nos jours, c’est que les vocations ont irrémédiablement foutu le camp en politique pour laisser la place au réalisme froid des jeux d’intérêts matériels. La mort des idéologies serait passée par là. Est-ce cela qui amène certains à affirmer que « la morale agonise » ? Certainement en partie.

Sans forcément adhérer à un tel raccourci, les électeurs semblent avoir perçu le glissement depuis longtemps, puisqu’ils accordent plus d’intérêts aux avantages matériels immédiats que peuvent générer leurs votes et le « paraître » qui les accompagne qu’aux discours, donc par conséquent aux programmes et à tous leurs avatars. Ceux-ci pourraient ne pas compter pour autant pour du beurre si on sait les exploiter à bon escient, ce qui est malheureusement loin d’être le cas dans nombre de nos formations politiques.

En effet, on semble y ignorer royalement que les campagnes électorales sont par excellence des moments de communication et que la communication est une science dont la mise en œuvre ne saurait être confiée à de vulgaires amateurs, même militants convaincus parmi les plus convaincus. A la limite il est parfaitement concevable de confier l’organisation d’une campagne électorale à des spécialistes en communication qui n’ont même pas la carte du parti.

La conséquence de cette méconnaissance des règles élémentaires du jeu politique moderne est la pauvreté du débat politique en dépit des espaces formatés dans les médias pour le susciter et le développer. Se faisant, la campagne électorale se réduit pour l’essentiel en des manifestations bruyantes et de prestiges dont les objectifs premiers sont d’impressionner l’opinion publique.

On comprend dès lors pourquoi des sentiments tels que la parenté, le régionalisme, l’ethnicisme, etc., sont des facteurs déterminants du vote loin devant les programmes politiques relativisant ainsi fortement l’impact des débats contradictoires et la pertinence des choix entre les différents protagonistes. Il n’en demeure pas moins que le scrutin aura un grand intérêt.

Il n’y a donc pas lieu de céder à un fatalisme qui se traduirait chez certains par un défaitisme de mauvais aloi qui les pousserait à partir vaincus et à élaborer d’avance un faisceau de justificatifs pour expliquer leurs échecs. Pour les autres le risque serait de céder à une trop grande suffisance dont une des conséquences serait de considérer le vote comme acquis d’avance et de commettre ainsi des impairs qu’ils paieraient cash.

Les jeux sont donc loin d’être faits même si on ne peut pas raisonnablement s’attendre à de grandes surprises du fait des limites de nos acteurs politiques et des insuffisances des populations que nous avons évoquées.

C’est dans un tel contexte que les uns et les autres iront au charbon chacun avec ses armes, ses objectifs et ses espoirs. Au soir du 6 mai les fortunes seront forcément diverses et on verra inéluctablement plus clair dans les différents combats et les challenges qui s’imposeront à chaque acteur.

Ainsi des Sankaristes on saura lequel des partis de la galaxie est le plus représentatif, tout comme sera connu le premier parti de l’opposition. De même les guerres fraternelles que se livrent le CDP d’une part et les partis de la mouvance présidentielle d’autre part connaîtront leurs épilogues.

On sera aussi fixé sur les popularités suggérées des nombreux dissidents du CDP qui se sont retrouvés sur d’autres listes pour se venger dudit parti... Il s’agira pour certains de confirmer, pour d’autres de conquérir, alors que d’autres encore auront à cœur d’exister.

On saura aussi les conséquences des multiples coups de gueule qui ont ponctué la confection des différentes listes... Bien d’autres interrogations auront des réponses et ce n’est pas rien. Pêche miraculeuse ou véritable scrutin démocratique, l’élection du 6 mai promet.

Par Cheick Ahmed

(1) = tuk guili (en langue nationale mooré) signifie stratégie pour rafler le maximum de sièges en compétition.

L’Opinion

P.-S.

PARTAGER :                              
 LeFaso TV