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Abdoulaye Dao, réalisateur : Un prix au nom du général Sangoulé

Publié le jeudi 12 avril 2007 à 07h42min

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Abdoulaye Dao

Au palmarès officiel du FESPACO dernier, le Burkina est passé à côté de son sujet dans les compétitions longs et courts métrages. Les meubles ont été sauvés à la proclamation officielle des prix par la série télé « Quand les éléphants se battent » de Abdoulaye DAO.

Après l’émotion et la grande joie que confère le prix de la meilleure œuvre sitcom, nous avons rencontré le réalisateur Abdoulaye DAO autour de la passion de sa vie, à savoir le cinéma.

Monsieur DAO, « quand les éléphants se battent » les herbes en pâtissent, mais cela donne aussi un prix au FESPACO, n’est-ce pas ?

Abdoulaye DAO (AD) : (Rire), effectivement les éléphants se sont battus et nous avons obtenu le prix de la meilleure œuvre sitcom. C’est une très bonne satisfaction pour nous après toutes ces années de labeur. Le FESPACO est une grande vitrine pour les cinéastes africains et on ne peut qu’être heureux de se voir primé au FESPACO. Mais cela nous oblige aussi à persévérer pour continuer l’œuvre afin d’atteindre l’objectif des 104 épisodes prévus. Et je pense qu’avec ce prix, des gens viendront nous pousser, les bailleurs classiques ceux du pays vont nous accompagner.

Le prix ne met donc pas fin à la bataille des éléphants... ?

A.D : Non, ils vont continuer et je pense de plus belle. Il y a eu une mi-temps comme disent les sportifs et après cette période d’oxygénation, il faut repartir sur le champ de bataille.

A qui est dédié votre prix ?

A.D : Nous n’avons pas pensé à une dédicace. Mais sans le dire, ce prix est un hommage à notre père, notre président le Général Sangoulé LAMIZANA. C’est lui qui a fait le clap départ de la série, aujourd’hui il n’est plus physiquement à nos côtés, mais « Le vieux » de là-haut doit être fier de nous. Nous avons dédié la soirée de gala au « Vieux », c’était pour nous une façon de rendre grâce au général Sangoulé.

Vous au moins, vous n’oubliez pas le général ?

A.D : (Rires) Personne ne doit oublier le général. Pour nous les cinéastes, il est le pilier central de notre action, par la création du FESPACO et la mise en œuvre des structures du cinéma burkinabè. Le compte 13115, qu’il a permis de créer est le soubassement de la cinématographie nationale. On ne peut énumérer tout ce que le général a fait pour nous les cinéastes, c’est pourquoi qu’on le dise ou pas, chacun de nous porte le général dans son cœur ; qu’on soit Burkinabè ou Africain.

Quel est ton secret avec les prix car chaque fois que tu postules, tu gagnes ?

A.D : Mon secret, c’est le travail, si tant est que cela soit un secret. Il faut toujours croire en ce qu’on fait ; c’est dans ce sens que je fonctionne. De nature je ne suis pas un homme qui aime se précipiter, je me donne le temps d’aller lentement mais sûrement. A mon avis cela est valable pour l’ensemble des métiers du monde.

Quelqu’un disait aussi que ce sont les « vidéastes » qui ont sauvé le Burkina au FESPACO 2007, quel en est votre commentaire ?

A.D : Le terme « vidéaste » n’est pas péjoratif pour moi, il diminue en rien ma qualité de réalisateur. On parle de « vidéaste mais l’important est l’idée, le travail, le jeu des comédiens, en un mot l’ensemble constitutif d’une œuvre cinématographique soit quelque chose de balèze. La caméra 16cm 35mm ou le vidéo, c’est la voie par laquelle on fixe ce qui a été fabriqué dans nos têtes. Au dernier FESPACO, il faut le reconnaître, le Burkina est sorti bredouille au niveau des courts et longs métrages, au palmarès officiel. Cela au lieu d’être un motif de découragement, doit être pris avec philosophie afin que la cinématographie puisse rebondir.

Va-t-on forcément à un festival pour gagner ?

AD : Je ne crois pas non plus qu’on y va pour perdre, quand les footballeurs vont à une CAN ce n’est pas pour faire piètre figure. On va dans l’esprit de gagner ou au moins bien se comporter. Le FESPACO 2007 offre l’occasion aux cinéastes de se remettre en question, ce qui va permettre de s’armer encore plus pour les batailles futures.

Une des forces de votre film serait son casting d’enfer dit-on ?

AD :Nous avons effectivement beaucoup travaillé et je dis bravo aux assistants. Nous avons au bas mot mille fiches de comédiens. On a pris le temps qu’il fallait et comme ma démarche est de bannir la précipitation, il nous est arrivé de remercier certains comédiens après avoir commencé avec eux ; j’en suis désolé mais c’est comme ça.

La force du film selon moi est dans le travail préparatoire ; et l’équipe technique, et les comédiens, nous avons tous pris en notre compte le film comme étant une œuvre collective ce qui a permis de créer des complicités et des complémentarités avant qu’on ne passe à la phase du tournage. Le partenaire de GOHOU dans le film était aussi le tuteur, ils ont tourné dans la ville, discuté afin de mieux se connaître pour le plateau tournage.

J’aimerais bien partager cette petite expérience de la vie du film avant le tournage avec mes collègues réalisateurs. Le cinéma s’accommode mal de l’improvisation.

On dirait que la bataille des éléphants vous a fait oublier « vis-à-vis » ?

A.D : Non nous ne pouvons laisser tomber « Vis-à-vis ». Ce fut une émission phare pendant au moins une dizaine d’années sur la TNB -télévision nationale du Burkina). Nous sommes en discussions avec le ministère de l’Information pour pouvoir réveiller « Vis-à-vis ». Comme le dit, un dicton, n’abandonne pas ta vieille natte sur la promesse d’une nouvelle ; vivement que ça reprenne.

Verra-t-on les produits dérivés en termes de casquettes, tee-shirts, polo, de notre film « Quand les éléphants se battent ? »

A.D : C’est un des gros problèmes de notre cinéma. Il est important de penser au prolongement de nos films. Avec ce contexte de mondialisation, le cinéma ne doit plus compter que sur les entrées. Les produits dérivés permettent la promotion des films et sont aussi sources d’entrée d’argent. Pour le lancement de la nouvelle saison, nous envisageons faire des casquettes, des tee-shirts et autres. Dans le même sens, nous entendons faire des DVD pour la consommation locale et aussi pour la diaspora burkinabè à travers le monde.

Le prix obtenu au FESPACO ; va-t-il ouvrir des portes ?

A.D : Certainement, les partenaires locaux seront plus sensibles et aussi les bailleurs de fonds du dehors sont plus aptes à participer à une œuvre quand elle porte le label premier prix au FESPACO. Déjà d’autres festivals ont demandé, ce qui élargit nos chances. Nous avons eu des contacts pour le doublage en anglais afin d’attaquer les pays anglophones. Une chaîne de télé sud-africaine attend le film avec impatience mais il faut d’abord résoudre la question du doublage.

Où en êtes-vous avec votre idée de faire de « Quand les éléphants se battent » un film « Union africaine » dans le sens des comédiens venus de toute l’Afrique.

A.D : L’idée tient toujours, mais nous y allons par petits pas . Déjà, il y a la Côte d’Ivoire avec GOHOU et nous allons évaluer vers les grands ensembles. Pour la 2e saison, on va voir du côté du Mali ou du Sénégal, mais tout dépend du nerf de la guerre. Nous avons échangé avec le président de l’UEMOA qui a été très sensible à notre démarche de regrouper les pays par la culture.

Quel est ton avis sur le fait que les cinéastes veulent évoluer sans les critiques de cinéma ?

A.D : Notre cinéma a besoin de critiques, il faut que les journalistes critiques aient les moyens de toujours se former pour bien faire le travail. Car sans critiques, les artistes que nous sommes sont voués au nombrilisme. S’il faut déchiquer une œuvre, il faut le faire ; de cette façon il y aura une sorte de tamis et chaque cinéaste réfléchira par deux fois avant d’offrir son œuvre au public. Les critiques doivent reprendre leur place pour cheminer avec les cinéastes, ils sont comme des miroirs qui permettent de mieux se voir. Les critiques sont les bergers du cinéma.

Par Issa SANOGO

L’Opinion

P.-S.

Lire aussi :
FESPACO 2007

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