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Lettre au Premier ministre : Des travailleurs sociaux décidés à écrire jusqu’au sang des doigts

Publié le mercredi 11 avril 2007 à 08h45min

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C’est la troisième fois que des travailleurs de l’Action sociale écrivent au Premier ministre pour lui présenter le problème de leurs indeminités qui n’a jamais été résolu. Tout en reponsant les mêmes problèmes, ces travailleurs par la voix de Yacouba H. S. Ouédraogo se disent prêts à écrire jusqu’au sang de leurs doigts, "pour comprendre cette injustice inouïe.

"Excellence monsieur le Premier ministre

Dans un entretien que nous avons eu un jour avec un grand homme de ce pays, nous lui disions qu’il nous reste maintenant à envoyer nos malheureuses familles au Premier ministère pour que les plus hautes autorités de ce pays constatent notre situation. La réponse qu’il nous avait donnée était la suivante : "Au lieu de les envoyer au Premier ministère, envoyez-les à la morgue. Si les autorités nous disent les condoléances, c’est que vous avez gagné". Nous nous sommes rendus compte au fil du temps, que c’est malheureusement vrai. Pourquoi ?

Excellence Monsieur le Premier ministre ;

Dans l’antiquité grecque, Sisyphe, condamné par les dieux, devait rouler dans les Enfers une pierre jusqu’au sommet d’une montagne : la pierre retombait toujours avant d’avoir atteint le sommet, et il lui fallait sans cesse recommencer son effort...

Tout comme Sisyphe, nous sommes maintenant conscients qu’il nous faut un effort sans rupture, pas pour obtenir ce qu’on nous doit, mais pour dire qu’on ne nous a pas donné ce qui nous revient. Au-delà de la grande injustice dont nous sommes victimes, nous constatons également qu’une grande inconsidération nous est réservée. Sinon comment comprendre ce qui suit ?

En rappel, c’est en 2001 qu’un décret octroyait une indemnité spéciale de permanence ou d’accueil des cas sociaux aux personnels des catégories A et B chargés de l’Action Sociale en poste dans les structures déconcentrées ou il n’existe pas de structures d’accueil des cas sociaux et utilisant leurs domiciles à des fins professionnelles.

En 2005, soit le 24 novembre, vous avez signé avec le Président du Faso (à qui nous demanderons une audience si possibilité il y a) et deux de vos ministres, à savoir le Ministre des Finances et du Budget et le ministre de la Fonction Publique et de la Reforme de l’Etat, le décret N° 2005¬570/PRES/PM/MFB/MFPRE. Dans ce décret, notre indemnité est bien intitulée à l’article 26 du chapitre IX (nouveau). C’est ainsi que le 2 décembre 2005, le décret est parvenu à notre ministère par le courrier arrivé N° 3546 et transmis à la Direction des Ressources Humaines le 5 décembre 2005. Une circulaire du Secrétariat général de notre ministère datée du 13 janvier avec le N°OOO 17 et ayant pour objet la transmission de listes d’agents et dont les pièces jointes n’étaient rien d’autres que le fameux décret, est resté sans suite. Cette circulaire était adressée à tout Directeur Régional.

A l’heure ou nous traçons ces lignes et selon les informations que nous possédons, il parait qu’il faudrait qu’on justifie les fondements et les conditions qui nécessitent l’octroie de l’indemnité. C’est tout simplement écoeurant. C’est même très absurde !

C’est absurde parce que la dernière disposition du décret 2005-570 PRES/MFB/ MFPRE stipule que : "Le ministère des Finances et du Budget est chargé de l’exécution du présent décret".

C’est absurde parce que l’indemnité qui nous revient, est sur la liste des indemnités que la Direction de la Communication et de la Presse Ministérielle du ministère des Finances et du Budget avait jugées comme incompatibles avec les indemnités de logement dans "Le Pays" N°3732 du 19 octobre 2006.

C’est absurde parce que tout simplement on n’attend pas sept ans pour statuer sur une indemnité qui est couchée sur papier.

C’est tout simplement absurde parce qu’on insulte l’intelligence des travailleurs de tout un ministère.

Excellence Monsieur le Premier ministre ;

A ce qu’on dit, nous devons prouver après le décret que vous avez signé avec le Premier Magistrat et deux de vos ministres, c’est-à-dire que nous devons fournir des preuves à même de justifier cette indemnité.

Si nous devons encore prouver notre indemnité, mon cher Premier ministre, avec tout le rang qui vous revient, vous devez le faire à notre place parce que vous êtes l’un des signataires du décret qui vous l’octroie.

Mais comme ont dit de justifier, justifiions alors.

Conformément au Décret N°2004-195/PRES/PM/MFPRE/MFB/MASSN portant organisation des emplois spécifiques du Ministère de l’Action Sociale et de la Solidarité Nationale du 12 Mai 2004, il existe trois options de personnel :

Il y a l’option Education Spécialisée qui comporte les Moniteurs d’Education Spécialisée, les Attachés d’Education Spécialisée et les Inspecteurs d’Education Spécialisée. Il y a ensuite l’option Education de Jeunes Enfants, les Moniteurs d’Education de Jeunes Enfants, les Educateurs de Jeunes Enfants et les Inspecteurs de Jeunes Enfants. Il y a enfin l’Education Sociale qui comporte les Adjoints sociaux, les Educateurs sociaux et les Administrateurs des Affaires sociales.

Si nous prenons, Monsieur le Premier ministre, l’Option d’Education sociale et l’option Education Spécialisée, il ne se passe pas un jour sans qu’un agent (de n’importe quelle catégorie) ne soit interpellé pour résoudre telle ou telle question. Le domicile de l’agent devient automatiquement un centre social dès lors où vous êtes agent social.

Quel que soit le jour de la semaine (les week-end surtout) où on sait que vous êtes à la maison, vous êtes interpellé. Vous êtes souvent taxé de mauvaise foi parce que pour nombre d’usagers, avec les discours qu’ils écoutent, se disent que les agents sociaux mangent sur leur dos.

Ce n’est malheureusement pas vrai.

En exemple, le trafic des enfants ne se fait pas uniquement les jours ouvrables, ni seulement aux heures de service. On ne choisit pas les heures de service pour exciser les fillettes. On ne choisit pas d’heure, ni de lieu pour envoyer un bébé abandonné. Nous avons appris que d’aucuns disent que tout le monde reçoit des cas sociaux. C’est vrai certes, mais vous les recevez parce que vous le voulez de bon coeur. Mais nous les recevons parce que nous sommes interpellés. Nous les recevons parce que cela fait partie de nos attributions.

Nous les recevons parce que nous sommes poursuivables si nous les refusons.

Alors, nous sollicitons un peu de considération. Ce n’est pas parce qu’on hésite à donner l’argent aux gens qu’on doit remettre en cause l’un des plus nobles métiers de l’homme : la promotion du social (l’unique chose qu’il nous faut dans ce monde et où tout le monde est vulnérable).

Pour l’option Education Préscolaire, les agents commencent le service à 6h30, avec l’accueil des enfants qui viennent de la maison parce que le service des parents commence à 7H00. Donc les agents commencent le service avant l’heure d’ouverture. Dans le même temps, ils descendent après les parents d’enfants. Le plus souvent le départ du dernier enfant de la structure d’éducation se fait environ une heure à une heure et demie après la descente des parents.

Soit 1H30 après 12h30. Ce n’est pas tout.

Une fois à la maison, les agents chargés de cette mission doivent tenir leurs cahiers de préparation à jour. Toutes les activités du jour se préparent la veille à la maison (exactement comme à l’école primaire).

Hormis les visites à domiciles que les agents font aux domiciles des parents d’enfants, l’inverse aussi se fait. Les parents qui constatent des comportements inhabituels de leurs enfants, vous approchent à domicile pour comprendre et le plus souvent, ce sont des heures d’entretien.

Excellence Monsieur le Premier ministre ;

Ce que nous avons énoncé brièvement n’est que la face visible de l’Iceberg et traduit peu le sacerdoce des pauvres travailleurs sociaux. Alors, quel crime ces travailleurs sociaux ont dû commettre pour mériter de tels traitements ? Nous voulons savoir.

Nous pensons être dans un Etat de droit. Nous voulons comprendre. Disons clairement les choses ! Certains n’ont pas étés obligés de se justifier sur leurs droits pour les obtenir. Une seule promenade de rue un certain jour de décembre 2006 a tout résolu. C’est parce que nous sommes ainsi sans pression qu’on se moque de nous. Souvent, on oublie que tous, décideurs et autres, nous sommes tous des passagers clandestins de l’Histoire soumis tous à la condition humaine : tous mortels.

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Cela fera la troisième lettre ouverte que nous formulons à votre endroit après celles de décembre 2006 et de février 2007, nous écrirons jusqu’au sang de nos doigts s’il faut pour comprendre cette injustice inouïe.

Excellence Monsieur le Premier Ministre,

Tout en comptant (comme d’habitude) sur votre compréhension, nous vous prions de recevoir ici l’expression de notre totale considération.

Yacouba H. S. Ouédraogo Direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale du Yatenga

TEL : 76 65 76 28

LE Pays

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