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Zimbabwé : Instaurer un dialogue direct

Publié le jeudi 5 avril 2007 à 09h01min

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Robert Mugabé

Malgré les diverses pressions exercées sur eux, les chefs d’Etat de la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) ont tenu bon. Ils ont refusé de suivre l’Occident dans sa guerre contre le président zimbabwéen, Robert Mugabé, en optant pour une approche qui privilégie la négociation.

Cette décision de solidarité pour le moins courageuse et rare sur le continent est caractéristique de la détermination des pays de la région à ne pas se laisser dicter leur conduite. Elle traduit aussi le fossé qui sépare l’Occident et ces pays sur la question zimbabwéenne.

Ayant pour la plupart d’entre eux acquis leur indépendance à la suite de guerres de libération, ils voient en l’acharnement contre Mugabé le prolongement de la domination coloniale européenne. Et l’une de leurs recommandations, à l’issue du sommet qu’ils viennent de tenir, touche justement à la réalité de la confrontation entre la Grande Bretagne et le régime zimbabwéen : la question de la réforme agraire.

Les Anglais, qui avaient promis lors des négociations pour l’indépendance, de financer la réforme agraire devant permettre un rééquilibrage de la possession des terres, n’ont pas tenu leur promesse. Mugabé a donc appliqué sa propre thérapie, s’attirant les foudres des Anglais qui, avec leurs alliés européens et américains, ont imposé à son pays un embargo depuis 2002.

La SADC a du reste demandé la levée de ces sanctions qui, en définitive, font plutôt du tort aux populations. Le pouvoir, qu’on est censé punir, n’en a cure. Au contraire, poussé à bout, il développe des réflexes de survie qui ne peuvent toujours s’accommoder des exigences de l’Etat de droit.

Le président du Zimbabwé peut très bien invoquer la situation d’agressé dans laquelle il se trouve pour instaurer un régime d’exception. Encore que malgré toutes les accusations dont Mugabé fait l’objet, son pays dispose de l’une des institutions judiciaires les plus indépendantes du continent.

La Grande-Bretagne et les Etats-Unis ont en cela une attitude ambiguë. Comment peuvent-ils exiger de Mugabé qu’il applique les préceptes de la démocratie alors qu’ils maintiennent autour de lui l’étau de l’embargo et financent son opposition ? Un dirigeant de la trempe de Mugabé ne peut céder à cette duplicité et l’on comprend pourquoi la SADC a écarté tout usage de la force pour résoudre la crise. Thabo Mbeki, le président sud-africain a reçu ainsi le mandat de conduire une médiation entre Robert Mugabé et Morgan Tsvangirai son opposant de toujours, afin de renouer les fils du dialogue. Une sorte de dialogue direct à l’ivoirienne en perspective.

En tant que puissance régionale, l’Afrique du Sud a effectivement une influence sur les pays de la région et peut faire fléchir les positions des uns et des autres. De plus, elle dispose d’une arme qui peut ramener n’importe quel dirigeant zimbabwéen à la raison par le fait qu’elle pourvoit le pays en énergie électrique.

Mais on peut être sûr qu’entre Mugabé et Tsvangirai, aucun dialogue ne peut s’instaurer tant que les Occidentaux continueront d’infantiliser le Zimbabwé et de le considérer comme une colonie britannique. La levée des sanctions et la fin de l’instrumentalisation des opposants apparaissent comme un passage obligé vers tout début de discussion. Le médiateur sud-africain devrait de ce fait agir sur deux fronts, interne et externe.

Car tant que la crise sera perçue comme une confrontation entre Mugabé et les Occidentaux avec l’opposition comme instrument de déstabilisation, il est clair que le mur de la confiance sera difficile à briser. Et bien sûr, l’homme fort de Hararé surfe sur cette vague du complot extérieur, pour susciter le patriotisme de ses compatriotes et des pays de l’Afrique australe. La stratégie marche bien puisqu’il tient les rênes du pays depuis 1980.

Une longévité provoquée indirectement par ses détracteurs occidentaux eux-mêmes dont l’acharnement a fait de Mugabé un martyr auprès de son peuple. D’autant que le motif du divorce est lié à la réaffectation des terres agricoles détenues par une minorité de Blancs contre la majorité de la population. Pour une question de justice sociale, Mugabé est devenu un pestiféré aux yeux des Britanniques.

Ce bras de fer qui n’en finit pas de plonger le pays dans les abîmes du sous-développement, est la preuve que les puissances occidentales ne reculent devant rien pour sauvegarder leurs intérêts. Mais en même temps, leur intransigeance fait de Mugabé un héros. Comment sortir du cercle vicieux ? Le président sud-africain a la lourde tâche de trouver une réponse à cette question afin de permettre au Zimbabwé, ce beau pays, de retrouver sa splendeur d’antan.

Le Pays

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