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Crise Téhéran-Londres : Les Ayatollahs et la perfide Albion

Publié le mercredi 4 avril 2007 à 08h07min

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Si on en était encore au début des années 70 ou 80, l’Hebdomadaire ouest-africain en vogue à l’époque, "Afrique Nouvelle", aurait immanquablement titré : Iran/Grande- Bretagne, le torchon brûle. Ce qui signifie qu’entre les deux pays, le dialogue est presque rompu et que même l’affrontement est envisagé, le plus sérieusement du monde.

Bien que nous ne soyons pas dans les années 80 et pas davantage en 1970, ce qui se passe présentement entre l’Iran et la Grande-Bretagne n’est rien d’autre que le résultat du brusque refroidissement des relations entre ces deux pays.

Ce n’est un secret pour personne, le sympathique Tony Blair reste, quoi qu’on dise, l’un des plus grands pions de la politique extérieure américaine à l’échelle internationale, à telle enseigne que, ces derniers temps, Londres passe pour être un "toutou" de l’Oncle Sam et Tony Blair, l’homme de main de Georges Bush.

Depuis la chute du Chah d’Iran en 1979 et l’arrivée de Mohamed Khomeny au pouvoir, on se souvient, les relations entre Téhéran et Washington se sont fortement dégradées au point qu’on en était à l’ultime phase de la rupture des relations diplomatiques.

On se souvient par ailleurs de la brutalité avec laquelle le drapeau yankee a été incendié par une foule de fanatiques à Téhéran et l’ambassade américaine mise à sac. En ces temps-là, il ne faisait nullement bon être Américain en ex-Perse. Puis, il y eut la terrible guerre presque fratricide entre l’Irak et l’Iran, qui mettra au moins une bonne décennie à s’éteindre totalement, tout en laissant sur les champs de batailles et dans les cimetières plus d’un million de morts, et des séquelles morales presqu’indélébiles.

Nous avons souvenance également que l’Oncle Sam, qui vouait aux gémonies les Mollahs de Téhéran, avait résolument pris fait et cause pour le tyran Saddam Hussein du temps où ce dernier croyait dur comme fer qu’immortel il était et que, sur terre, il n’avait d’égal que lui-même. Et si l’Irak n’a pas remporté cette guerre face à l’Iran, ce ne sont aucunement les moyens qui ont fait défaut, car la grosse artillerie américaine, voire européenne, avait été sortie pour battre à plate couture Kohmeny et ses compatriotes.

Selon les spécialistes de la politique dans le Golf persique, l’actuel président iranien se trouvait en bonne place dans un pré carré de meneurs, pour porter atteinte aux intérêts américains dans ce pays.

Aussi, ce ne sont pas les motifs de rancœur et de ressentiment qui manquent entre l’Iran d’une part et les USA et Londres de l’autre, pour se rentrer dedans. Et cette affaire de marins britanniques capturés par l’Iran a été le prétexte idoine pour remettre sur la table ce vieux différend.

Pour la petite histoire, le 23 mars dernier, quinze (15) marins et fusiliers britanniques ont été capturés par les Gardiens de la révolution dans les eaux du Chat Al Arab.

Or qui parle des eaux du Chat Al Arab, frontière maritime entre les pays de Saddam et de Khomeyni, parle peut-être de territoire iranien ; Londres, lui, affirme que ses soldats effectuaient une mission de routine dans les eaux irakiennes.

Mais Téhéran, qui estime tenir par la barbichette Londres dans cette affaire, n’a eu mieux à faire que de transmettre des images encore inédites sur les hommes de la Royal Navy, sans pour autant diffuser la bande sonore de leurs aveux présumés. Et dans cette situation de cacophonie et d’accusations mutuelles, il est bien difficile de savoir qui joue franc-jeu en laissant seulement parler les faits dans leur cruelle nudité.

Manigance de la part de Téhéran ou pas, en tout cas, au moins deux marins auraient reconnu sans autre forme de procès être entrés dans les eaux iraniennes ; en outre, la seule femme du groupe des quinze, Faye Turney, a envoyé coup sur coup trois lettres d’où transparait un mea culpa.

Au début de cette affaire, Londres n’a pas manqué l’occasion de taper du poing sur la table, estimant que Téhéran en faisait trop dans ce présumé espionnage. Tony Blair était allé jusqu’à proférer de graves menaces contre le régime des Mollahs au cas où ils ne libéreraient pas dans les plus brefs délais les otages de sa gracieuse majesté.

A un moment où la mise de Téhéran au ban de la communauté internationale pour fait de promotion d’arme nucléaire sans le quitus des grands de ce monde est à l’ordre du jour, l’Iran avait toutes les raisons de frissonner et de se calfeutrer dans ses petits souliers.

Il n’aurait d’ailleurs pas eu tort, Téhéran, car si on a les USA et presque toute l’Europe des 27 contre soi, c’est comme si le ciel vous tombait dessus. Mais en dépit des menaces physiques, voire financières voire physiques qu’il encourt, Téhéran n’a aucunement plié l’échine et est resté sur ses positions initiales face aux sujets de sa gracieuse Majesté.

Voyant qu’il perdait son temps, face à son antagoniste, à vouloir faire parler les nerfs, Londres, contre toute attente, s’est résolue à mettre balle à terre et à privilégier la voie du dialogue. La logique aurait voulu qu’on commençât par là ! En tout cas, selon l’hebdomadaire britannique Sunday Telegraph, la Grande-Bretagne recherche présentement, contre vents et marées, un compromis susceptible de permettre la libération de ses marins, et compte envoyer en Iran dans les prochains jours un haut responsable de la marine afin de négocier. D’ailleurs, selon ce même journal, une solution diplomatique aurait la faveur des Britanniques, dont 48% sont opposés à l’usage de la force quoi qu’il advienne, contre 44% qui en sont partisans.

Mais quelle que soit l’état de captivité de ces 15 otages à Téhéran, on pense que l’usage de la force est exclu, ce, d’autant plus que le bourbier irakien nous rappelle tous les jours qu’aller en guerre est facile, mais la gagner sans laisser trop de plumes, une autre paire de manches. Et en dépit de ses premières gesticulations médiatiques et de ses menaces à peine voilées, on voit mal comment Tony Blair, qui sait qu’il est vers la sortie, allumera un autre foyer de tensions, qu’il n’ignore pas lourd de dangers pour la paix internationale.

Mais on sait que, dans cette affaire, Téhéran ne demande pas autre chose que des "excuses" officielles de la part de Londres en bonne et due forme. On se dit bien que cette puissance mondiale qu’est l’Angleterre peut demander pardon.

Et véritablement, s’il ne tenait qu’à Londres, ces "excuses" devaient être adressées depuis longtemps par Téhéran. Mais le hic est que, depuis quelques jours, l’Oncle Sam, l’ennemi juré des Mollahs, est entré dans la danse et a qualifié "d’inexcusable" la capture des marins britanniques. Véritablement, face à cette histoire, on se demande pourquoi Londres se refuse à présenter ses excuses.

Pendant qu’on y est, qui nous dit que ces 15 capturés ne sont pas seulement plutôt que de paisibles marins, de véritables espions à la solde de Washington ?

Depuis la chute du communisme et la déliquescence de l’URSS, l’Oncle Sam est seul maître à bord du navire mondial et tient le gouvernail à sa guise. Et la situation des prisonniers de Guatanamo, traités comme des bêtes immondes, est encore vivace dans nos esprits pour nous dire qu’en matière de respect des droits de l’homme, les dirigeants américains ne sont pas des plus exemplaires. Et cela, ce n’est pas nous seulement qui le disons, mais aussi et surtout les citoyens de ce gendarme du monde. Ah Oncle Sam, quand tu tiens le monde !

Boureima Diallo

L’Observateur

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