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Discours du Premier ministre : Restaurer l’autorité de l’Etat

Publié le mardi 3 avril 2007 à 09h19min

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A deux pas des législatives, c’est un discours à saveur testamentaire que le Premier ministre Yonly a livré à ses concitoyens la semaine dernière. En effet, au-delà de la hausse générale des salaires, le chef du gouvernement semble avoir cherché à convaincre que son équipe a pris conscience du mal qui ronge le pays et s’attelle à restaurer l’autorité de l’Etat.

Ce discours a le mérite de trancher avec les précédents par la richesse des sujets traités, la sincérité du ton, le sérieux des problèmes abordés et la hardiesse des mesures adoptées ou envisagées. Une certaine "bravitude" le caractérise : la reconnaissance de la déliquescence de l’État que les premiers responsables voudraient bien guérir de ses maux. D’où l’annonce en filigrane de trains de mesures qui voudraient rassurer l’électeur que l’équipe gouvernementale existe et qu’elle veille bien au grain.

Mais on peut se demander pourquoi, contrairement aux habitudes, la hausse des salaires a-t-elle été annoncée par le Premier ministre et pas par le Président de la République ? En optant pour une telle hausse des salaires, chercherait-on à rétablir l’équilibre après avoir donné satisfaction aux militaires qui ont imposé leur dicktat par des coups de feu et des troubles en décembre dernier ?

Certes, incontestablement, le Burkina a acquis de l’audience au plan international avec les succès enregistrés dans les médiations entreprises pour juguler les conflits fratricides, notamment au Togo et en Côte d’ivoire. Toutefois, si le leadership extérieur s’est bien affirmé, à l’intérieur, bien des dossiers attendent d’être épluchés, le dossier Norbert Zongo entre autres.

Le moins qu’on puisse dire est que ce discours a été prononcé dans un contexte particulier. Nous sommes en effet à la fin de la législature et le scénario prévoit généralement des inaugurations devant témoigner de la vitalité et de la servitude de l’Etat. Parce qu’on aura besoin de sa voix, faut-il caresser le citoyen dans le sens du poil, en le gratifiant de friandises de toutes sortes ? Possible.

Mais après tout, quoi de plus légitime que d’augmenter le salaire à un moment où la misère et la chaleur se conjuguent pour donner un cocktail des plus explosifs ! Mais les prochaines élections législatives seront devancées par la fête des travailleurs.

Et si la mesure annoncée est habile et ne laisse pas indifférent, l’on devine aisément la réaction en chaîne des partenaires sociaux : "c’est bon mais ce n’est pas arrivé", comme ils aiment à le dire, eux qui attendent sans doute le 1er mai pour rappeler qu’ils avaient demandé bien davantage au chef du gouvernement et à son équipe.

Toutefois, on peut déplorer dans ce discours le silence sur les réalisations de l’année précédente, les moyens à mettre en oeuvre quant à l’exécution de certains chantiers. Concrètement, qu’adviendra-t-il des problèmes pendants ?

S’agissant par exemple de l’insécurité et surtout de l’impunité, le Premier ministre n’a pas véritablement donné de signaux forts. Pourtant, l’État a mal à son autorité. En effet, le citoyen fait de moins en moins confiance aux institutions. Il en ressort que le pays continue de basculer tranquillement au plan moral. Jour après jour, on constate des comportements des plus anarchiques. Sans doute las d’attendre, le citoyen semble avoir désormais choisi de régler personnellement ses comptes. Comme tout récemment dans le cas des maquis Kundé qui ont été pillés et incendiés, des citoyens molestés et vandalisés, ou encore de ce vigile lâchement abattu par son employeur, etc.

S’il est vrai que le Premier ministre a promis que la justice poursuivra son cours, il reste que la demande sociale se fait pressante au niveau de l’État qui doit s’empresser d’y répondre, tant l’attente est forte.

Par ailleurs, de plus en plus le Burkina végète dans un libéralisme sauvage qui ignore les valeurs cardinales de notre société, pousse les individus à tourner dos aux principes les plus élémentaires de la coexistence pacifique. Tout en clamant leur adhésion aux principes du libéralisme économique, les dirigeants semblent incapables de faire jouer les règles de la libre concurrence et de la transparence. Au vu et au su de tous, des médiocres dament allègrement le pion aux plus méritants, institutionnalisant de ce fait le clientélisme qui détruit progressivement la société et l’Etat. Tant et si bien que la corruption a fini par envahir des milieux insoupçonnés.

Assurément, à travers ce discours sur l’état de la Nation, l’équipe Yonli annonce un vaste chantier pour le prochain quinquennat. Sans doute faut-il se féliciter de la prise de conscience sans précédent enregistrée au sommet de l’Etat, à travers cette mercuriale d’un Premier ministre qui bat déjà tous les records de longévité sous la IVe République. Au-delà des considérations reposant sur la métaphysique et l’irrationnel, le secret de ce grand commis de l’Etat tient probablement à son sens aigu de l’Etat, à son volontarisme et à son style.

Le Pays

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