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Présidentielle au Mali : La troisième tentation de ATT

Publié le jeudi 29 mars 2007 à 08h05min

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Amadou Toumani Touré

L’élection présidentielle au Mali du 29 avril ne sera pas une simple formalité pour Amadou Toumani Touré. Le président sortant, qui avait bénéficié de l’effet "événements de 1991", avait été élu sans trop de difficultés (quoique au second tour) en 2002 à la magistrature suprême.

Après cinq ans de gestion du pouvoir, les Maliens voient-ils avec le même oeil le "sauveur" d’antan, qui les avait libérés des griffes de Moussa Traoré ? Certainement que le mythe s’est quelque peu écorné à l’épreuve de l’exercice du pouvoir dans un des pays les plus pauvres du monde. C’est pourquoi l’annonce de la candidature du général n’a pas surpris grand monde ; c’est le contraire, c’est-à-dire son départ après un seul mandat, qui aurait créé l’événement.

Car le pouvoir exerce une formidable force d’attraction sur tous ceux qui l’approchent, même si l’on est de la trempe et de la moralité du général Touré. Mais il reste que ATT est tout à fait dans son droit de requérir pour la deuxième et dernière fois le suffrage des Maliens, comme l’y autorise la Constitution.

2007 ne sera pas 2002. ATT doit faire en effet face à une forte résistance, suite à la fin de la fameuse doctrine du consensus qu’il a instaurée. Cette opposition est incarnée notamment par le président de l’Assemblée nationale, lui aussi candidat. Une originalité propre au Mali. Il est en effet très rare de voir dans notre sous-région une telle affiche, où le chef de l’Etat affronte le chef du Parlement. Il est suicidaire, quand on fait partie du sérail, d’oser assumer publiquement sa différence, a fortiori se présenter contre le président en exercice. Rien que ce duel au sommet ATT-IBK rassure quant à l’ancrage de la démocratie au Mali.

Le candidat ATT de 2007 n’est donc plus porté par cet unanimisme qui avait fait sa victoire en 2002. Outre la résistance que lui opposent certains leaders politiques qui l’avaient accompagné durant les premières années de son mandat, la sortie du livre-brûlot "ATTcratie : la promotion d’un homme et de son clan" ont achevé de troubler la confiance que nombre de Maliens portaient en leur général de président. Il y a eu aussi cette page assez obscure des relations Gbagbo-ATT qui ne finit pas de susciter des interrogations sur la probité dont se prévaut le camp présidentiel malien. Une affaire de collusion sur fond de compromissions et de gros sous dont les adversaires de ATT pourraient se servir comme thème de campagne.

Les débats n’en seront que plus pimentés et la présidentielle plus disputée. Le mérite de ce regain de vivacité du débat démocratique revient à la classe politique tout entière car l’uniformisation des idées ne peut que conduire à un monopartisme qui ne dit pas son nom, du fait de l’absence d’une réelle opposition servant de contre-pouvoir.

Le président sortant a indiqué qu’il briguait là son dernier mandat. Propos électoralistes ou conviction profonde ? En tout cas, il ouvre ainsi le bal des ambitions pour tous les ténors tapis dans l’ombre et qui attendent leur heure, à l’image du président de la Commission de l’UEMOA, Soumaïla Cissé. Mais seulement dans 5 ans, ce qui laisse une bonne marge de manoeuvre à ATT.

Il n’y a d’ailleurs pas de raison de douter de la bonne foi de ATT quand il promet de partir dans 5 ans s’il était réélu. On voit mal une personnalité de son rang brader tout le capital d’honorabilité engrangé au fil d’actes de courage politique. Surtout que tout à côté, en Mauritanie, il a fait un émule, le colonel Ely Ould Vall, qui a réussi un véritable miracle démocratique dans son pays. ATT ne peut s’amuser à anéantir un héritage dont l’exemplarité fait la fierté de tout le continent.

Une nouvelle génération d’hommes politiques est née avec ATT et Ely Ould Vall, celle qui veut enfin réhabiliter l’action politique en la rendant crédible aux yeux des citoyens. En tant que porte-flambeaux d’une vision désintéressée de la fonction de chef d’Etat, ils ont une mission sacrée, celle d’essaimer à travers le continent les valeurs de probité et de rigueur puisées en partie dans leur formation de soldats.

C’est d’ailleurs la foi en cet idéal qui a amené ATT à se présenter une première fois en candidat indépendant. Cette année encore, il réédite l’expérience en ne se faisant pas l’esclave et l’otage des appareils de partis. Bien sûr, il ne crache pas sur les soutiens de partis politiques à sa candidature mais garde une distance qui le place au-dessus de la mêlée.

Son Premier ministre, Ousmane Issoufi Maïga, un technocrate sans bord politique, est l’expression de cette volonté de travailler pour tous les Maliens, indépendamment de leur étiquette politique. Cette stratégie du rassembleur fonctionnera-t-elle une fois de plus pour ATT ? Rendez-vous le 29 avril, date de l’élection présidentielle, pour se faire une idée exacte de l’aura que ATT dégage toujours autour de ses compatriotes.

"Le Pays"

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