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Guillaume Soro premier ministre : Le meilleur choix ?

Publié le mercredi 28 mars 2007 à 07h47min

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Les principaux signataires de "l’accord politique interivoirien" du 4 mars 2007 à Ouagadougou, à savoir le président Laurent K. Gbagbo et le secrétaire général des Forces nouvelles, Guillaume Soro, viennent de consacrer la réalité selon laquelle c’est d’eux que dépend la paix nationale ivoirienne, et que ce sont eux les vrais protagonistes de la crise nationale depuis septembre 2002.

En consolidant sa position constitutionnelle de président de la République ivoirienne, Laurent Gbagbo vient de nommer Guillaume Soro Premier ministre, conformément audit accord, marquant ainsi une avancée significative dans la mise en oeuvre du processus de paix dans son pays.

Sans manifestement se préoccuper des leaders des autres partis politiques, jusque-là considérés comme des pièces non négligeables du puzzle ivoirien, et au regard des espoirs légitimes d’un retour de la paix en Côte d’Ivoire, le président Gbagbo a vu juste en pensant que c’était entièrement de lui et des Forces nouvelles, que dépendait la résolution de la crise.

C’est désormais chose faite : Gbagbo, après ses "victoires" sur les résolutions de la communauté internationale, s’est donné le Premier ministre qu’il voulait en toute indépendance, si l’on pense que même le processus de médiation confié au président Blaise Compaoré était de son inspiration. Guillaume Soro Premier ministre, est-ce le meilleur choix, pour autant ? Et si oui, pour qui le sera-t-il ?

De toute évidence, c’est le meilleur choix pour le président Gbagbo. Celui-ci l’a voulu et obtenu. Comme un mal nécessaire, la réalité du terrain s’est ainsi imposée à lui, et en stratège politique confirmé, il a su faire contre mauvaise fortune bon coeur : faire en sorte que ce qu’il ne voulait pas hier soit ce qui l’arrange le mieux aujourd’hui.

En mettant KO ses adversaires politiques classiques (PDCI-RDA et RDR), et en nommant à la tête de son gouvernement une personnalité qui n’est, après tout, que le chef d’un front), Gbagbo s’aménage un boulevard pour gagner les prochaines élections - surtout que, même s’il le pouvait, Guillaume Soro aurait du mal à être un candidat ayant des chances réelles de battre le candidat président sortant. En fait, guillaume Soro est moins dangereux, pour Gbagbo, à l’intérieur qu’à l’extérieur de son système. C’est peut-être ce qui justifie que même Blé Goudé ait plaidé pour une nomination de son ancien "camarade" au poste de Premier ministre de Côte d’Ivoire.

Gbagbo et le FPI sont-ils en train d’en finir, enfin, avec leur seul et vrai adversaire politique du moment ? Guillaume Soro sera-t-il assez constant et suffisamment lucide et rigoureux pour se mettre à l’abri de toute compromission avec Gbagbo, et éviter de se laisser corrompre par le pouvoir qui, dit-on, use ? En tout cas, l’avenir politique du chef des Forces nouvelles est définitivement engagé désormais.

D’où la question de savoir si sa nomination est le meilleur choix. Pour lui, c’est moins sûr. Il ne s’agit pas pour lui de refuser le poste, surtout que les Forces nouvelles jouent le grand rôle dans le rétablissement de la paix en Côte d’Ivoire, d’autant que celle-ci dépend, en grande partie, de l’unité nationale.

Mais en stratège politique, n’aurait-il pas fait mieux de céder cette place, à un autre cadre des Forces nouvelles, par exemple au porte-parole, qui s’est révélé un "politique" très critique, afin de se donner une certaine liberté de manoeuvre, une clairvoyance politique pour suivre avec vigilance l’avancée du processus ? Peut-il être dans le feu de l’action et conserver une autonomie d’analyse durant toute la période ?

Enfin, qu’est-ce qui ferait que Gbagbo, après avoir mis des bâtons dans les roues de ses prédécesseurs, cesse brutalement ses "calculs", à moins qu’il soit désormais de bonne foi, qu’il "aime" désormais Guillaume Soro et qu’il s’agit, en fait, d’heureuses retrouvailles, que des "malins génies" avaient travaillé à rendre impossibles ?

Car on ne peut pas penser que le fauteuil de Premier ministre puisse représenter la finalité de la lutte de Guillaume Soro et des Forces nouvelles. Ce qui est vrai par contre, c’est que le temps est en train d’avoir raison des Forces nouvelles. Usées par le temps et les épreuves objectives sur le terrain, s’agit-il pour elles d’opérer un retrait honorable pour sauver ce qui peut encore l’être ? Ce serait tout à fait raisonnable.

Alors, justement, il aurait bien fait d’abdiquer, d’autant que la formation du gouvernement est, certes, un élément important du dispositif de l’Accord, mais pas le seul. De quelle marge de manoeuvre le Premier ministre disposera-t-il dans la gestion politique de la transition, tant que la Constitution ivoirienne demeurera profondément présidentielle, et le Premier ministre rien d’autre que le premier des ministres ?

Avec la nomination et l’acceptation de Guillaume Soro au poste de Premier ministre, les Forces nouvelles jouent leur dernière carte, alors que la partie ne fait que commencer.

Souhaitons que la bonne foi prévale de part et d’autre, surtout à l’étape actuelle, le plus urgent étant la paix intérieure en Côte d’Ivoire. La paix à tout prix. Le reste viendra après !

"Le Pays"

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