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RD Congo : Comment sortir de l’impasse ?

Publié le lundi 26 mars 2007 à 08h19min

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Jean-Pierre Mbemba

Restaurer l’autorité de l’État républicain s’avère, en définitive, bien plus difficile que signer des accords de paix. Preuve en a été donnée à Kinshasa, où les démons de la discorde se sont à nouveau emparés des leaders politiques qui se regardent toujours en chiens de faïence.

L’hécatombe qui a caractérisé les longues années de guerre fratricide n’aura finalement pas servi de leçon aux dirigeants et opposants congolais. Ils ont encore enregistré de nombreux morts sur la conscience, suite à la récente bagarre de Kinshasa, enjeu de taille pour qui veut contrôler l’arrière-pays. Kabila, vainqueur des élections, tisse donc graduellement sa toile d’araignée.

Face à l’armée républicaine qui se consolide, MBemba, lui, ne semble pas avoir dit son dernier mot. L’ancien seigneur de guerre a certes perdu les élections. Il ne dispose assurément plus des mêmes forces. Mais cet homme, très riche aujourd’hui, n’est sans doute pas prêt à lâcher Kinshasa, son fief, véritable État dans l’État. Et le fait de lever constamment sa mini armée ne montre-t-il pas qu’il vit des problèmes réels de sécurité ? Naguère vice-président, voilà MBemba devenu chef de l’opposition en disgrâce, car poursuivi « pour haute trahison ».

Au-delà du problème congolais et des efforts de médiation, la question se pose de savoir comment, au lendemain de la signature d’accord de paix, passer à la construction d’un État véritable, un État de droit réellement démocratique. Comment faire en sorte que l’État républicain naissant évolue dans la quiétude et la confiance ? Dans un tel contexte, comment sécuriser les anciens seigneurs de guerre tout en distillant les doses du vaccin anti-impunité ? Sans doute ont-ils du mérite pour avoir accepté d’aller à la paix, de prendre le risque d’aller aux élections puis de les perdre. Mais doivent-ils pour autant continuer à vivre dans l’ignorance d’une autorité qui doit s’exercer au regard des textes fondamentaux ?

De l’autre côté, suivant l’idéal républicain, le citoyen a droit à la protection de l’État. Mais peut-on pour autant interdire à quiconque de disposer de sa propre structure de défense, si tant est qu’il est capable de la financer, et qu’il est insatisfait de la prestation des services publics en recomposition ?Question de dimensionnement, de textes et surtout de confiance après des années de trouble.

Travail de fourmi que de vouloir opérer des reconversions au niveau des anciens chefs de guerre. À Kinshasa comme ailleurs, ils évoluent suivant une logique de guerre qui les prédispose mal à troquer le manteau de chef de guerre contre celui de dirigeant républicain. Toutefois, chercher au plus tôt à les museler, à les précipiter dans les dédales de l’oubli et de l’ennui, constitue une erreur qui se paie cher. Eux qui auront occupé des années durant la scène politique et mobilisé l’attention des médias. L’ennui, c’est le manque de visibilité, le retour probable aux anciennes amours, avec le risque de déstabilisation et des désagréments pour les populations. Dans cette œuvre gigantesque de transformation sociale, toute faiblesse, mais aussi tout excès, pourrait nuire.

En RD Congo, la situation est d’autant plus complexe que le pays est immensément riche, que de nombreux acteurs tant nationaux qu’étrangers tentent chacun de tirer la couverture à soi. Par ailleurs, on relève des différences d’origine et de formation chez les deux principaux belligérants. Mais Mbemba et Kabila n’en partagent pas moins la fougue qui caractérise des jeunes de leur génération. Des heurts, des sautes d’humeur finissent ainsi par empoisonner l’atmosphère. Si le premier a dû se contenter d’un obscur poste de chef de file de l’opposition, le second, lui, cherche encore à asseoir son autorité après une victoire qui se révèle chaque jour un peu plus amère. Il a cependant des atouts : une bonne connaissance de l’appareil d’État, des relations et des appuis importants.

Mais Kabila le victorieux ne doit pas recourir aux anciens clichés dans sa gestion des affaires publiques. Dans son rôle de premier personnage de l’État, il doit savoir inspirer confiance, même aux adversaires politiques. Ceux-ci ne doivent plus être perçus comme des ennemis, mais bien des frères et sœurs qui peuvent et doivent l’aider à reconstruire un pays ruiné et pillé. Tout en pacifiant le Congo, Kabila fils doit progressivement inciter ses concitoyens à se plier à la rigueur de la loi. De son habileté et de sa grandeur d’âme dépendra l’avenir de ce vaste chantier.

Dans la reconstruction de l’État républicain, il faut savoir donner du temps au temps. C’est une tâche ardue, qui exige de tous le dépassement de soi et le respect d’une certaine éthique. En raison de la susceptibilité qui caractérise la classe politique africaine, il semble primordial de restaurer certaines valeurs comme le respect, l’honneur, la probité, la solidarité, l’écoute et le sens du patriotisme.

Tout espoir n’est certainement pas perdu pour la RDC, car nul n’a intérêt à voir perdurer la crise. Les situations de « ni guerre ni paix », on le sait, ne profitent qu’à des individus dont les intérêts sont aux antipodes de ceux des peuples.

Mais un éventuel échec du tandem Kabila-Mbemba aura vraisemblablement des répercussions sur des expériences en cours sur le continent. Si la RDC venait effectivement à basculer, ses leaders politiques confirmeraient que le continent africain n’a toujours pas de dirigeants matures, suffisamment responsables, capables de gérer leur égo et surtout d’amener les nouvelles générations à relever les multiples défis du troisième millénaire.

En attendant, c’est très certainement un véritable « casse-tête africain » que de chercher à reconstruire l’État républicain, à préserver les libertés démocratiques, tout en oeuvrant à rétablir la confiance, redonner espoir aux uns et aux autres sans céder à l’impunité et sans compromettre la paix sociale.

"Le Pays"

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