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"Paroles d’honneur"" : Ou quand Simone Gbagbo réécrit l’histoire de la Côte d’ivoire (4)

Publié le lundi 26 mars 2007 à 08h27min

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Simone Gbagbo

En octobre 2000, Laurent Gbagbo accède au pouvoir. Dans le livre que vient de signer Simone E. Gbagbo, cet événement se produit environ à mi-parcours. Mais, déjà, le ton a été donné. Alassane Dramane Ouattara est un "véritable fléau" pour la Côte d’Ivoire.

Si les autres acteurs de la crise ivoirienne (Henri Konan Bédié et Robert Gueï) bénéficient de portraits d’autant plus soft qu’ils sont courts, Ouattara est, à longueur de pages, traité de manière particulièrement hard : "La machette [...] semble être l’arme privilégiée de certains éléments du RDR, avant qu’on ne leur donne les moyens d’acquérir des kalachnikovs".

Mais si le ton a été donné, il va, également, changer au fil des pages. Très en retenue sur les questions religieuses dans les 250 premières pages, S.E.G. va se "lâcher" dans les 250 pages suivantes, développant une vision quasi mystique de la mission politique que doit accomplir Laurent Gbagbo. Exit d’ailleurs le parti, le FPI, et les compagnons de route du nouveau président. Il ne s’agit plus que de "Laurent, Laurent, Laurent,...". Ce n’est plus un leader politique, c’est un nouveau Messie qui va s’atteler à "réconcilier pour mieux refonder". "Premier acte : la formation d’un gouvernement de large ouverture". "Deuxième acte : la trêve sociale". "Troisième acte : l’organisation d’un Forum de réconciliation nationale". "Laurent, écrit S.E.G., se laisse gagner par la conviction que chacun des leaders allait désormais faire un effort pour que la Côte d’Ivoire s’engage durablement dans l’unité et la paix. C’était compter sans Ouattara. Lors d’une rencontre avec les maires RDR, Alassane Ouattara déclara qu’il n ’attendrait pas 2005 pour devenir président de ce pays. Ses partisans, annonça-t-il, devaient se préparer à se battre : il allait "mélanger " le pays ! Son quotidien Le Patriote publia une carte qui divisait en deux la Côte d’Ivoire. La carte même que réalisera la rébellion un an plus tard... ".

Mais les "araignées de l’ombre" (selon S.E.G. se sont les "réseaux d’influences" dont le seul objectif est de grimper sur la "chaise du pouvoir") vont prendre "terriblement peur" et tout mettre en oeuvre pour renverser la tendance qui se fait jour en Côte d’Ivoire : Gbagbo atteint ses objectifs. Notons, par ailleurs, que S.E.G. classe dans la "nouvelle race de dirigeants en Afrique" ("une race d’hommes libres qui, comble des combles, veulent avant tout le bonheur de leur peuple"), Marc Ravalomanana, le président-patron et populiste de Madagascar !

"Le navire Ivoire sortait tranquillement des eaux tumultueuses des années troubles" quand, "dans la nuit du 7 au 8 janvier 2001, coup de semonce, des troupes armées ont attaqué la radio et la télévision". Qui sont-elles ? "Une fois encore [mais à quoi donc se rapporte ce "une fois encore" ? S.E.G. donne la réponse deux pages plus loin : "Je veux parler des mutineries de 1990, du coup d’Etat du 24 décembre 1999 et de la tentative de coup d’Etat du 19 septembre 2002. Les mêmes démarches. Les mêmes techniques communicationnelles"], entremêlés, on retrouve des nationaux proches de Ouattara, des militants du RDR et des mercenaires étrangers venus pour la plupart du Burkina Faso ".

Voilà, pour la première fois, le Burkina Faso dans le colimateur de S.E.G. Elle commente ainsi la situation qui va se développer au lendemain des événements du 7-8 janvier 2001. "Les négociations diplomatiques souterraines et officielles s’engagèrent principalement avec l’Etat du Burkina Faso. Dans ce pays se créaient déjà des camps d’entraînement des futurs combattants qui viendront à nouveau attaquer mon pays dans la nuit du 18 au 19 septembre 2002. Le 1er août 2002, Balla Kelta, partisan de Robert Gueï, logé par le président Compaoré dans le quartier VIP Ouaga 2000 à Ouagadougou, était lâchement assassiné. Il semblerait qu’au cours d’une réunion entre comploteurs pour décider des dispositions du coup d’Etat à venir, il avait eu le malheur de vouloir imposer Robert Gueï contre Ouattara, en cas de réussite de leur putsch. C’était un signe annonciateur du caractère violent et sordide des événements que nous allions connaître bientôt. Sans aucune vergogne, le pouvoir burkinabé et certains parents de Balla Keïta accusèrent Laurent d’être le commanditaire de ce meurtre. Pauvre Laurent !".

C’est une étape dans l’ouvrage de S.E.G. Après Ouattara, "le fléau", voici les complices du "fléau" qui vont, progressivement, tomber le masque. Car il y a des "leurrres". D’abord, les coups d’Etat ivoiriens ne sont jamais des coups d’Etat mais l’expression de "revendications" d’un "groupe social précis, des militaires". Ce sont des "faits divers", des affaires qui ne sont ni "criminelles", ni "politiques". 2002 est donc la "continuation du coup d’Etat de 1999". "Le général Gueï tout comme Soro Guillaume ne sont que des leurres. Il faut chercher plus profond les vrais commanditaires".

Facile dès lors que l’on constate que "le pouvoir attaqué, c’est-à-dire la victime, est transformé en agresseur, et l’agresseur, c ’est-à-dire la rébellion, en victime " et que "tout un arsenal médiatique pré-positionné de longue date est mis à la disposition des agresseurs". Qui peut faire cela ? Réponse de S.E.G : c’est "la France, l’alliée des rebelles".

Nous avions Ouattara, puis Compaoré, voilà Jacques Chirac qui déboule sur la scène ivoirienne. Et, dans la foulée, l’affaire du "vrai-faux charnier de Yopougon" que S.E.G. avait laissé en plan quelques centaines de pages plus tôt. Pour expliquer 2002, il faut donc retourner au 22 octobre 2000, et à l’annonce de la découverte du charnier de Yopougon que, "l’AFP dans une dépêche [va] attribuer [...] à Laurent Gbagbo et à son équipe". "Qui a fait passer ce communiqué ? Qui est susceptible d’être aussi machiavélique et d’utiliser toutes les ressources de l’information pour déstabiliser un pays ?" interroge S.E.G. Après avoir mis en cause VAFP, RFI, TV5, Paris-Match, Le Monde, La Croix, etc., S.E.G. ne tardera pas à donner la réponse : la France de Chirac. "Derrière le charnier de Yopougon se cachait un vaste complot international avec de solides ramifications locales ayant un seul objectif : renverser Laurent Gbagbo par un coup d’Etat".

Les journalistes français étant les complices de l’Elysée, S.E.G. va, une fois encore, trouver un remarquable raccourci, rappelant que Joseph Goebbels, ministre de la Propagande et de l’Information de Hitler, était "journaliste déformation". Autre raccourci : "les principaux organes médiatiques en France sont également la propriété de groupes industriels (Bouygues, Lagardère, Dassault...) dont certains d’entre eux fabriquent et vendent de l’armement et dépendent tous, en partie, des commandes de l’Etat français. Difficile de les imaginer indépendants !" .

Cette collusion entre la France et la rébellion ivoirienne trouvera, selon S.E.G., sa meilleure illustration lors de l’affaire de la dissolution de l’Assemblée nationale ivoirienne. Le propos vaut d’être, là encore, rapporté : "Dans les foyers, dans les villages, dans les villes, la retransmission de la session [parlementaire] était attendue chaque jour. Les Ivoiriens, directement informés, ont pu ainsi échapper aux tentatives de manipulation des médias. Résultat, l’Etat français furieux décida la dissolution de l’Assemblée nationale par le truchement du GTI (Groupe de travail international) chargé du suivi de l’application des résolutions de l’ONU sur la crise ivoirienne. Vous pensez bien qu ’ils ne pouvaient pas laisser debout une institution qui les empêche de chanter l’air qu’ils veulent comme ils le veulent !" .

Autre affaire de "manipulation" des journalistes : "l’affaire Kieffer". Une affaire pour laquelle "Goebbels a été battu sur son propre terrain ", selon S.E.G.

A suivre

Jean-Pierre BEJOT
La Dépêche Diplomatique

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