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Eveil des consciences politiques à Pô : Des enseignements pour la démocratie burkinabè

Publié le vendredi 23 mars 2007 à 07h58min

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Henri Koubizara (PAI) de Pô

A peine les deuxièmes élections municipales sont-elles terminées à Pô, avec les résultats qu’on leur connaît, que déjà les populations burkinabè sont engagées pour les élections législatives du 6 mai prochain. Certes, les municipales sont censées être différentes des législatives.

Les enjeux ne sont certainement pas les mêmes (et cela aux yeux des politiciens professionnels seulement), mais, pour les populations à la base, il s’agira encore de désigner leurs représentants par des votes, à travers des partis politiques dont elles ne comprennent pas toujours les logiques de fonctionnement ni les critères des choix des candidats.

Peu importe, l’expérience vécue dans la commune urbaine de Pô sur beaucoup de ses aspects, mérite qu’on y revienne au regard de ce qu’elle peut servir de leçons non seulement aux populations burkinabè dans leur ensemble, mais aussi et surtout aux partis politiques. Et la première leçon porte notamment sur l’importance de l’éveil de la conscience politique des masses dans l’avenir démocratique de notre pays.

En effet, malgré les moyens matériels, financiers et psychologiques mobilisés par le CDP, ainsi que les autres formes d’éléments d’attraction, les populations de Pô, très certainement conscientisées par tout ce qui a été avancé pour dissoudre le premier conseil municipal qu’elles s’étaient donné, en ont décidé autrement. Le CDP a perdu lors de ces élections. Pire, il a reculé.

Ce vote sanction, pour une fois, a été l’expression claire d’un ras-le-bol vécu par ces mêmes populations qui n’entendent plus désormais se laisser imposer du dehors et de haut leurs représentants locaux. Elles ont ainsi fait preuve de courage individuel et de volonté collective, pour dire que trop c’est trop ! Le parachutage politique n’est plus acceptable, et les "feuilles" ne suffiront désormais plus à garantir des victoires électorales.

C’est le signe manifeste que les populations burkinabè, celles de Pô en l’occurrence, gagnent en maturité politique et osent s’opposer à la logique très contestable des "centralismes démocratiques" en vigueur, de manière encore opportuniste, dans beaucoup de partis politiques au Burkina Faso. Toutes tendances confondues, ceux-ci ont tous peur des citoyens conscientisés, capables d’engagement responsable pour leurs intérêts bien compris.

C’est peut-être une des raisons pour lesquelles les "primaires", annoncées à cor et à cri par certains partis, n’ont jamais été respectées jusqu’au bout : elles ont été biaisées de manières diverses, chaque fois que les choix des populations à la base ne coïncidaient pas avec ce que le "sommet" (un politburo digne de l’ère soviétique) souhaitait. Et ces cas étaient loin d’être exceptionnels.

Hier comme aujourd’hui, on assiste ici ou là à des marches ou autres formes de protestation des populations qui ne se retrouvent plus dans les listes "définitives" qu’elles étaient censées préparer, puisque leurs avis étaient requis. L’éveil de conscience politique qui a prévalu à Pô fera-t-il tache d’huile dans la mentalité politique au Burkina Faso ? L’ère des maires parachutés serait-elle révolue au pays des hommes intègres ?

Et bientôt celle des députés inconnus, voire rejetés par les populations à la base ? En tout cas, le vote militant est encore minoritaire dans les consciences et comportements, mais le vote sanction se fait de plus en plus sentir. L’absence réelle de programme d’éducation et de formation politique des militants, et des populations en général, de la part des partis politiques, est criarde, même s’ils évoquent cette obligation citoyenne pour exiger et justifier le financement par l’Etat des partis politiques.

En fait, pour l’essentiel, ils ont peur des populations conscientisées et formées qui cesseront, de ce fait, d’être des bétails électoraux qu’on gave à l’approche des élections, pour les oublier dès la fermeture des urnes. La peur bleue que les parties ressentent pour les candidatures indépendantes en est une preuve.

C’est tout cela que la population de Pô semble avoir rejeté, préférant la dignité à "l’aplaventrisme" honteux. Elle a assumé l’exercice plein et entier de sa responsabilité, sans peur des foudres qu’on serait tenté de faire tomber sur sa tête et sa commune. Car il ne faut pas se leurrer, dans nos Etats africains où le parti se confond parfois avec le gouvernement, il n’est pas exclu que les Pôlais payent au plus fort le prix de leur témérité.

Une des conséquences malheureuses de leur vote sanction pouvant conduire jusqu’au gel des projets de développement de la commune, surtout que ceux-ci, à l’instar de la plupart des jeunes communes burkinabè, dépendent encore directement ou indirectement de l’Etat central.

Mais on ose croire que ceux qui contrôlent l’Etat n’iront pas jusque-là. Toutefois, il y a de quoi être vigilant, et, pour une fois encore, le rôle et la responsabilité de la presse seront déterminants, fille et mère de la démocratie qu’elle est.

Une chose est certaine : la progression des courants d’idées est visible au Burkina Faso. Et ce n’est pas le climat politique actuel qui le démentira.

"Le Pays"

P.-S.

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