LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Lutte contre le terrorisme : L’exception de la doctrine francophone

Publié le mercredi 21 mars 2007 à 07h43min

PARTAGER :                          

Pour une fois, on peut dire que la francophonie s’est imposé une ligne directrice dans les relations internationales, si l’on considère que la résistance de Jacques Chirac et Dominique de Villepin à l’unilatéralisme américain s’est faite au nom de la communauté francophone.

Le style flamboyant et engagé de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères, défendant l’idée que la France se fait des relations internationales, reste encore dans les mémoires.

Avec l’invasion américaine de l’Irak, naquit une confrontation de deux visions de la lutte contre le terrorisme : celle de Bush à la hussarde et celle de Chirac toute en finesse. Les positions des deux hommes demeurent jusqu’à présent figées sur la définition du terrorisme, ses causes profondes, les méthodes de lutte, le traitement judiciaire des présumés terroristes, etc. Il est donc évident qu’une doctrine francophone de la lutte contre le phénomène est née depuis le non de Chirac à la guerre en Irak.

Simple hasard du calendrier ou programmation délibérée en raison de la Journée internationale de la francophonie, une rencontre sur le terrorisme se tient à Ouagadougou au moment où se célèbre, dans le sang et le bruit des canons, le quatrième anniversaire de l’entrée des troupes américaines en Irak. Comment les ministres francophones de la Justice peuvent-ils faire prospérer leur vision et l’imposer à la communauté internationale, comme un autre mode de lutte contre les extrémismes ?

Ce serait en tout cas un apport concret de la francophonie, souvent accusée d’être peu influente dans les sphères de décision internationale, que de faire accepter au reste du monde, notamment à l’Amérique, le caractère inopérant de la stratégie du tout militaire dans la lutte contre les nébuleuses terroristes. Les cas afghan, irakien et maintenant somalien sont assez édifiants sur l’impasse à laquelle peut conduire une action uniquement armée excluant les volets politiques, culturels, économiques et diplomatiques.

La majorité de la planète n’approuve pas la stratégie américaine de lutte contre le terrorisme. Les manifestations pour un retrait des troupes américaines d’Irak en est l’illustration la plus visible. Mais il faut savoir que la politique des néoconservateurs de Washington a ébranlé sérieusement l’édifice du droit international incarné par l’ONU. En tant que membres à part entière de cette communauté internationale, les francophones ont le devoir de préserver le monde de toutes les dérives américaines.

Car l’interventionnisme américain peut tout aussi mettre à mal l’intégrité territoriale et la stabilité de pays à partir d’une simple suspicion de soutien au terrorisme. Outre ces violations de la souveraineté des Etats, l’Amérique s’est bâti sa propre justice antiterroriste qui bafoue les droits des accusés. Même chez lui, Bush a été rappelé à l’ordre à plusieurs reprises par les institutions judiciaires sur le traitement des prisonniers détenus à Guantanamo.

Le drame, c’est qu’à la suite de Bush, la lutte contre le terrorisme est devenue un prétexte pour certains dictateurs de porter atteinte aux libertés individuelles et collectives de leurs citoyens. Des dirigeants se sont ainsi engouffrés dans la brèche et n’hésitent pas à embastiller leurs opposants dont le seul crime est parfois de porter une longue barbe et de fréquenter assidûment les mosquées, ce qui suppose qu’ils ont des affinités avec des islamistes.

L’adoption d’instruments juridiques universels devant régir les activités anti-terroristes est de ce fait un impératif pour tous les Etats soucieux d’éviter les dérapages auxquels donne lieu la méthode américaine. La francophonie peut donc apporter sa pierre à la construction d’un monde où le droit sera le socle des relations internationales. Ce rééquilibrage devra nécessairement être fondé sur une analyse approfondie des causes de certaines formes de violences.

Mais la Francophonie elle-même a besoin d’un supplément d’âme et de légitimité, afin que son projet, aussi juste soit-il, ne soit pas boudé par les populations qui la composent. "Vivre ensemble, différents", tel est le thème autour duquel est célébrée la journée internationale de la Francophonie. Un beau slogan certes, mais qui sonne creux à l’épreuve des faits. L’immigré africain refoulé de France peut-il porter l’idéal francophone ?

La France, fer de lance de la francophonie, est paradoxalement le pays qui se verrouille le plus pour éviter de recevoir des immigrés africains. Le continent noir est de ce fait payé en monnaie de singe, lui qui défend la langue française avec une ardeur jamais démentie.

La célébration avec entrain, de la journée internationale de la francophonie sous nos cieux, souligne bien cet engagement, surtout politique. Car la jeunesse, déçue des tracasseries en France, préfère se diriger vers des pays qui appliquent réellement la devise "Vivre ensemble, différents". En Europe, leur destination privilégiée devient l’Angleterre. Mais l’Amérique est en train de devenir leur première terre d’accueil, par la possibilité qu’elle offre à chacun de faire valoir ses compétences.

Une journée internationale de la francophonie, oui, des assises francophones sur le terrorisme, c’est bon, mais tout cela ne rimera à rien si l’exclusion et le paternalisme continuent d’être les règles dans les rapports entre les pays membres riches et pauvres.

"Le Pays"

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique