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Attentat contre Boni Yayi : A qui aurait profité le crime ?

Publié le mardi 20 mars 2007 à 07h29min

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A quatre jours de son premier anniversaire à la tête de l’Etat béninois (il a été élu le 19 mars 2006, à l’issue d’un second tour et a prêté serment le 6 avril), Thomas Yayi Boni, a été victime d’un attentat à quelques kilomètres de Parakou (fief de son prédécesseur) et non loin de chez lui à Tchaourou, le 15 mars dernier.

Alors que le cortège présidentiel revenait d’un meeting électoral, des législatives sont prévues en principe pour le 25 mars prochain, des hommes armés ont ouvert le feu sur les voitures du convoi. Heureusement pour le chef de l’Etat béninois, il y a eu plus de peur que de mal. Yayi Boni ne se trouvait pas dans le véhicule où il prenait habituellement place. Seuls quelques-uns de sa garde rapprochée ont été blessés.

Sauvé donc par sa baraka, ou plus par cette technique qu’utilise de nombreuses personnalités lors de leur déplacement en voiture : à savoir ne pas être présent dans son véhicule de tous les jours connu du public.

Un Hosni Moubarak, depuis qu’il a échappé plusieurs fois aux obus de la Gama Islamaya, l’utilise à fond en faisant démarrer 5 à 10 cortèges identiques dans des directions différentes, question de brouiller les pistes de ceux qui en voudraient à sa personne. Tout près de nous, un Gnassingbé Eyadéma usait de ces "leurres" dans les années 70, époque où le mouvement sécessionniste éwé, depuis le Ghana voisin, avait juré sa perte.

Cependant, il a beau échappé à cet attentat, l’acte est suffisamment gravissime pour ne pas susciter interrogations et inquiétudes. D’abord, à qui aurait profité le crime ? Qui a intérêt à ce que l’ex-président de la BOAD ne termine pas son mandat ? Bref, est-ce un attentat crapuleux ou une opération politico-économique ?

En la matière, aucune hypothèse ne paraissant farfelue, d’aucuns n’écartent pas la thèse d’une opération montée de toute pièce par le chef de l’Etat béninois pour faire grimper davantage sa cote.

La victimisation est également très connue dans le milieu politique depuis des décennies, et les Français ont toujours en mémoire cette "parade" utilisée par François Mitterand en 1967, alors qu’il était encore un peu au bas de l’échelle politique et cherchait sa voie, en croisant le fer avec des monuments de la politique hexagonale. Catherine Nay (1) et bien d’autres biographes ont dépeint ce trait de caractère de celui que ses compatriotes avaient fini par appeler "Dieu" de la politique.

Mais quand bien même les tirs du jeudi 15 mars à quelques encablures de son village d’origine seraient l’œuvre de Yayi himself, on ne peut manquer de se demander s’il a besoin de cela pour se tailler une majorité confortable lors de la future législature.

On se demande d’ailleurs si ces législatives auront réellement lieu à la date indiquée, c’est-à-dire le 25 mars prochain. D’où le scepticisme et les dénégations de nombreux Béninois et de bien d’autres personnes qui connaissent l’homme, pour pouvoir dire que cela ne lui ressemble pas, quand même on sait que la politique métamorphose tout homme.

L’autre piste plausible est bien sûr celle de bandits de grand chemin qui opèrent dans cette sorte de no man’s land que constitue la région, et entre la frontière avec le Burkina et le Ghana. Il est probable que ces "sans-culottes" armés aient confondu le cortège avec celui de simples voyageurs argentés, vu les voitures rutilantes du convoi présidentiel.

C’est bien connu, les braqueurs raffolent des bolides 4x4 ou de luxe, genre Mercedes classe E. Alors est-ce une méprise de la part des attaquants ?

Enfin, l’attaque bien ourdie contre le locataire du palais de la Marina ne saurait être écartée. Et si l’on privilégie cette hypothèse, les regards ne peuvent être tournés que vers ceux qui voient d’un mauvais œil les opérations tous azimuts que mène le nouvel élu contre la corruption, les détournements de fonds publics, bref contre la mal gouvernance.

Déjà, pendant sa campagne électorale et lors de sa prestation de serment, Yayi Boni avait affiché sa volonté ferme de mener une croisade contre tous ceux qui mettaient l’économie béninoise à genoux. Une initiative qui ne lui vaudra pas que des amis, loin s’en faut.

Aux opérations mains propres se sont ajoutées des actions qui empêchent certains de dormir.

Serait-ce donc ces derniers qui ont décidé de lui envoyer un avertissement sous forme de tirs à l’arme automatique ? L’acte du 15 mars dernier n’est pas sans rappeler l’incident d’il y a quelques mois de cela, relatif à une dame qui avait foncé avec son véhicule vers le portail de la maison du président au quartier Cadjehoun, ignorant les sommations de la sécurité et obligeant les éléments à faire feu sur elle.

De ce fait, l’indice d’une vengeance est à prendre au sérieux d’autant plus que l’économie du Bénin est tributaire en grande partie de son grand voisin, le Nigeria ; or ce pays est connu aussi pour être un paradis des deals, pas toujours légaux et transparents. L’attentat contre Yayi Boni pose également la problématique de son système sécuritaire, qui a failli.

Le risque zéro n’existe nulle part, et tout système à ses failles, mais l’attaque contre le chef de l’Etat béninois interpelle les responsables de sa sécurité, au premier chef, qui doivent revoir leur copie. Car un président de la République, c’est avant tout la personne la mieux gardée du pays.

Les Américains n’ont pas hésité à fabriquer l’avion Air Force one, qui peut rester en l’air avec leur président pendant 24 heures, si jamais aucun lieu du territoire Yankee n’était assez sûr pour qu’il y demeure, en temps de crise.

Z.Dieudonné Zoungrana

Notes :

(1) Catherine Nay, Le noir et le rouge

L’Observateur

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