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Guinée : Kouyaté se presse lentement

Publié le lundi 19 mars 2007 à 07h39min

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Lansana Kouyaté

La mise en place du nouveau cabinet guinéen se fait toujours attendre. Le dossier se révèle à la limite si complexe que l’on se demande si Lansana Kouyaté ne se heurte pas à ces difficultés sempiternelles qui hantent les esprits au moment de composer toute équipe gouvernementale presque partout en Afrique : le dosage ethnique, l’équilibre régional, etc. Chassez le naturel, il revient toujours au galop.

On l’a vécu récemment lors du premier tour de la présidentielle en Mauritanie : une femme a reconnu publiquement avoir choisi de voter pour un candidat uniquement du fait de ses origines négro-africaines. Sans doute le poids des discriminations et d’une certaine histoire dure à assumer.

La Guinée, on le sait, a toujours souffert des clivages ethniques et des discriminations en tous genres. Et cela depuis le défunt président Ahmed Sékou Touré. On se rappelle à ce propos l’odieux assassinat du pionnier de l’unité africaine que fut et demeure le Secrétaire général Diallo Telli. Parce que, selon certaines versions, ce dernier était Peulh, et le régime Touré vivait sous la hantise d’un complot ourdi par des éléments de cette ethnie.

M. Kouyaté, de par son nom, devrait logiquement appartenir à la célèbre caste des griots qui ont de tous temps hautement magnifié et glorifié l’histoire et les grandes valeurs de l’Afrique de l’Ouest en particulier. L’un des plus beaux exemples ne nous vient-il pas d’ailleurs de Guinée avec le célèbre chanteur Kouyaté Sory Kandia qui a laissé un héritage lourd à porter par les générations de musiciens ouest-africains ? On ne saurait non plus oublier le rôle éminent qu’ils jouent actuellement dans le cinéma, le théâtre, la musique, la comédie et tant d’autres secteurs. C’est dire combien important est l’apport des Kouyaté, et au-delà d’eux les griots, dans la construction culturelle de nos pays. Ceci pour répondre à ceux qui n’hésitent jamais à nous ramener en arrière pour sauvegarder des intérêts égoïstes. Qui sait si l’avènement de M. Kouyaté n’est pas en soi un signe des cieux, dans ce pays si profondément croyant ?

Sans prétendre que le nouveau Premier ministre fait réellement face à des difficultés ethniques, il faut cependant s’inquiéter et s’interroger. Et dans les spéculations, on ne peut pas occulter l’ambiance combien délétère dans laquelle peuvent se mener les tractations devant conduire à l’émergence d’une équipe compétente, crédible et consensuelle.

Y aurait-il des réticences à donner son accord ? Des personnes consultées ou retenues ne voudraient-elles pas prendre le risque de se compromettre face à leurs groupes d’appartenance ? Quelles pressions retardent réellement la formation du cabinet ? La marge de manœuvre se serait-elle encore réduite avec le groupe Conté et l’Armée, cet élément-clé de la vie nationale ? L’opinion africaine voudrait bien savoir ce qui se passe.

Les syndicats ont bien fait de s’exclure, de demeurer loin de ces consultations. Mais ils doivent continuellement veiller au grain car, jour après jour, on voit bien que la bataille est loin d’être terminée.

Cette lenteur à trouver de nouveaux dirigeants peut paraître curieuse. D’autant que la Guinée regorge de cerveaux ayant fait leurs preuves à l’intérieur comme à l’extérieur. Il suffit de faire preuve d’ouverture d’esprit et d’oser entreprendre les recherches nécessaires pour les dénicher. M. Kouyaté et son entourage le savent. Associer étroitement les Guinéens de la diaspora s’avère important pour ce nouveau départ et pour l’unité nationale à consolider. Car, depuis le régime Sékou Touré, ce pays a atrocement souffert de l’exode de ses cadres. Des générations se sont formées et vivent à l’extérieur. Une expertise rarissime et qui attend d’être mise à profit pour la construction de la Guinée nouvelle.

Cadre africain de très grande valeur et dont la nomination est consensuelle, le nouveau Premier ministre n’aurait vraiment pas dû traîner autant pour composer son équipe. Certes, il ne faut pas nommer un gouvernement pour un gouvernement. Mais le peuple guinéen, vaillant et patient, a déjà consenti de lourds sacrifices pour arriver à ce stade. Tout le monde a payé durant cette crise. Les balles perdues ne connaissaient ni Soussou, ni Peulh, ni Mandingue. Le peuple de Guinée ne mérite pas qu’on lui assène de nouveaux coups du genre de ceux émanant des fourberies que l’histoire africaine a enregistrées.

Si Lansana Kouyaté a eu le mérite de limiter le nombre de ses ministres, et d’entreprendre des réformes qui dérangent, c’est davantage pour sortir le pays de la crise. Ses compatriotes doivent le comprendre et se donner avec lui de nouvelles chances. Surtout favoriser l’arrivée sur les scènes politique, économique et financière de femmes et d’hommes capables de conduire le pays vers des rivages prometteurs.

Descendant de griots ou pas, sa stature d’homme politique compétent, ouvert et bien positionné sur l’échiquier international constitue un atout pour M. Kouyaté face aux investisseurs. Les Guinéens ne doivent pas le négliger. À supposer que son appartenance à la grande lignée des griots d’Afrique de l’Ouest soit un handicap pour des individus, que ceux-ci sachent que l’Afrique d’aujourd’hui en quête de repères a justement besoin d’hommes et de femmes de cette trempe pour aider le continent à se réconcilier avec son histoire, sa culture. Il faut oser l’assumer à présent. C’est en assumant leur culture que les Asiatiques se sont imposés à travers le monde.

Les nouvelles générations veulent évoluer dans la mouvance des démocraties républicaines avec d’égales chances pour tous, sur fond de respect des droits humains, de justice sociale et de progrès réels.

Le Pays

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