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Candidatures aux législatives : Où sont passés les 115 partis ?

Publié le vendredi 16 mars 2007 à 08h55min

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Le Burkina Faso, ce pays sahélien situé à l’intérieur de la boucle du Niger, fait partie des pays les plus pauvres de la planète. Depuis une décennie, il occupe les derniers rangs du classement du PNUD. Peuplé d’environ 13 millions d’âmes, il compte plus de 115 partis politiques.

Si les Burkinabè n’ont pas à rougir de leur pauvreté, comme les autres n’ont pas à se prévaloir d’un mérite quelconque d’être gâtés par dame nature, il faut reconnaître cependant que plus de 115 partis, ça frise le ridicule. Le dépôt des listes de candidatures pour les élections législatives du 6 mai 2007 l’a amplement révélé.

Le dépôt des listes des candidats à la députation au compte de la quatrième législature de la quatrième République par les partis politiques burkinabè auprès de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a créé une inhabituelle effervescence politique. Comme s’ils avaient tous obéi au même mot d’ordre, la plupart des formations et partis politiques ont gardé secrètes les listes des candidats retenus jusqu’à la dernière heure de remise des dossiers. Cela, a-t-on dit, pour éviter le nomadisme et le vagabondage politiques, ces migrations de militants mécontents de leurs positions sur lesdites listes, pour les plus chanceux, pour n’avoir pas été "recrutés" du tout, pour les malchanceux. Les démissions de militants succèdent aux protestations, pour ceux qui le peuvent. C’est le cas des candidats malheureux à la candidature des partis autres que le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP).

La formation des listes des candidats pour une élection est le moment où les militants endurent la cruelle dictature de leur parti. C’est ainsi qu’au CDP, les candidats "recalés" par le parti broient du noir, dans le silence. C’est le cas de certains anciens barons du CDP, autrefois membres de la Convention nationale des patriotes progressistes- Parti social démocrate (CNPP/PSD). Ont-ils oublié un instant qu’on les avait appelés pour boire le lait et non pour compter les têtes du troupeau ? Manquent-ils de courage pour manifester bruyamment leur désaccord par peur des représailles que le CDP pourrait déclencher contre eux pour ceux qui traînent des casseroles ? Espoir de revenir aux affaires plus tard ou attente de promesses de point de chute plus juteux ? Tout cela expliquerait-il la sérénité apparente du méga parti ? Des hommes préfèrent sans doute souffrir au CDP que d’aller chercher ailleurs. C’est une attitude constante chez les cadres du CDP.

L’absence de certains hommes politiques sur les listes CDP aurait pour origine des considérations ethnicistes. Des hommes politiques, et pas des moindres, auraient été traités d’étrangers. A d’autres, on aurait dit qu’ils n’étaient pas de la région. Espérons que tout cela n’est que spéculations politiciennes car si cela était avéré, il faudrait craindre une grave menace sur le Burkina et sa cohésion sociale. Ailleurs, dans les autres partis, on enregistre des démissions en cascades au lendemain de la publication des listes des candidats à la députation. C’est généralement le fait de personnes qui ne sont militantes du parti que de nom. En effet, elles ne disposent pas de carte, ni ne sont à jour des cotisations exigées par chaque parti.

Aujourd’hui, tous les partis politiques, avec des fortunes diverses, ont rendu publique la liste de leurs députables. Sur les quelque 115 partis, environ une cinquantaine seulement a pu présenter des candidats. Et là aussi, le constat est plus qu’effarant. On a pu s’apercevoir que cinq ou six partis politiques étaient présents sur l’ensemble du territoire. Et c’est là qu’apparaît le ridicule de la situation, c’est-à-dire l’extrême multiplicité de partis politiques au Burkina Faso. Des partis qui sont incapables de remplir correctement leurs listes. On a pu regretter la disparition de dossiers de candidatures au niveau de certains partis. Des attitudes qui sont aux antipodes de la construction d’une véritable démocratie.

Certes, la création des partis politiques, tout comme des associations de la société civile, obéit au respect des libertés individuelles et collectives. Mais, devant le spectacle qui revient de manière itérative à l’aube de chaque consultation électorale où des chefs de partis, par mimétisme ou par manque de programme, se réfugient dans la mouvance présidentielle, n’est-il pas venu le temps pour le constitutionnaliste, le législateur, de réglementer un tant soit peu la création des partis, en faisant par exemple obligation à chaque requérant de produire une liste d’au moins cinq cents signatures d’adhésions ? Car n’ayons pas peur des mots : des partis politiques n’existent que le temps des campagnes électorales, juste pour permettre à leur président d’aller clandestinement toucher la subvention que l’Etat alloue aux partis politiques. Incontestablement, cet opportunisme pollue le jeu démocratique. Il le banalise. Il l’abaisse au rang d’un jeu de croquants prébendés, sans foi ni loi. Car il n’est pas question dans ce contexte, de défense d’idéal ni de celle de l’intérêt des masses. Il est temps d’y mettre de l’ordre.

La centaine de partis politiques burkinabè peuvent-ils brandir une centaine de programmes de société capables de sortir le Burkina de l’ornière ? C’est impensable ! Mais il y a quelqu’un que cette espèce de tour de Babel arrange : le parti majoritaire au pouvoir, accusé à tort ou à raison de susciter des démissions, d’encourager des scissions et d’accueillir les transhumants. Ces manoeuvres, si elles sont avérées, ne cachent-elles pas mal les propres faiblesses du mégaparti ?

Le Fou

Le Pays

P.-S.

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