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Crise ivoirienne : Quel Exécutif pour appliquer l’Accord de Ouaga ?

Publié le jeudi 15 mars 2007 à 09h00min

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Laurent Gabgbo et Guillaume Soro à Ouaga

Dans son discours très attendu, depuis la signature de l’Accord politique de Ouagadougou, le secrétaire général des Forces nouvelles a lâché une phrase qui montre que l’architecture du futur Exécutif est encore en construction.

Guillaume Soro a en effet laissé entendre que des réflexions étaient en vue sur le futur cadre institutionnel dont la mise en place doit être effective 4 semaines après la signature de l’Accord. Ce cadre institutionnel est essentiel puisqu’il comprend le nouveau gouvernement qui doit conduire aux élections.
Mais les tractations qui se mènent et auxquelles fait allusion Guillaume Soro, portent-elles sur la répartition des portefeuilles ministériels ou sur la forme que prendra l’Exécutif ?

Il n’est un secret pour personne que la formule actuelle d’un régime présidentiel fort avec un premier ministre sans pouvoirs réels, a montré ses limites. Le chef de l’Etat a ainsi, du fait des prérogatives que lui confère la Constitution, broyé son premier chef du gouvernement de l’ère post-Marcoussis, Seydou Elimane Diarra, et s’apprête à enterrer le second, Charles Konan Banny.

Le secrétaire général des FN, qui n’est pas dupe, s’engouffrera-t-il dans le même schéma qui a toujours renforcé Laurent Gabgbo et réduit ses premiers ministres en épouvantails sans personnalité ? C’est pourquoi ses propos demandent une double lecture, quand Guillaume Soro déclare : "Je reçois ce jour même un émissaire du Président de la république en vue de recueillir ses propositions sur le cadre institutionnel d’exécution pour lequel nous continuons de mener les réflexions".

Visiblement, les Forces nouvelles, au-delà des maroquins ministériels, veulent s’assurer que leur chef aura un strapontin qui lui octroiera presque, sinon autant de pouvoirs que Gbagbo, afin de maîtriser la conduite du processus de paix. L’Accord de Ouaga étant bâti sur le partage équitable des responsabilités entre le camp présidentiel et les Forces nouvelles, il n’y a pas de raison en effet que Gbagbo continue d’être le seul maître à bord.

On peut donc comprendre que les fameuses "réflexions" en cours visent à déterminer de façon précise le rôle qu’aura à jouer chacun des deux pôles du futur exécutif. La fonction de vice-président conviendrait-elle le mieux à Guillaume Soro, à l’image du scénario congolais, où cependant furent associés d’autres leaders ? La Constitution ivoirienne ne prévoyant pas ce dispositif institutionnel, il reste à savoir si Gbagbo ne le rejettera pas, pour exiger la formule président-premier ministre.

On connaît le souci exagérément légaliste de Gbagbo quand il s’agit de protéger son fauteuil. Mais dans le cas d’espèce, où il a accepté de cheminer d’égal à égal avec l’ex-rébellion, avec un nouvel esprit (pas d’ingérence extérieure mais un accord obtenu entre Ivoiriens), Gbagbo ne devrait plus pouvoir brandir la Loi fondamentale pour refuser le partage effectif du pouvoir.

En tout état de cause, l’Accord de Ouaga laisse une porte ouverte quant à la configuration du cadre institutionnel et seul le facilitateur pourra, au moment opportun, trancher la question. Il est d’ailleurs difficile de comprendre la frilosité que continue d’entretenir le camp présidentiel à propos de son avenir. Avec le trésor de guerre qu’il a accumulé tout au long de son règne, Laurent Gbagbo est en mesure de battre n’importe quel candidat qui se présenterait contre lui, si tant est que c’est l’argent qui fait les victoires électorales en Afrique. Outre cette puissance financière, Gbagbo a retrouvé un surcroît de légitimité avec l’Accord de Ouaga. Il a donc les mains plus libres pour agir. Mieux, il apparaît désormais comme la locomotive et non le frein à la paix en Côte d’Ivoire.

Un ensemble de signaux favorables qui font donc de Gbagbo un candidat redoutable dans la course à la présidentielle. De quoi donner des insomnies à ses adversaires de toujours, Alassane Dramane Ouattara et Henri Konan Bédié, mais aussi au premier ministre Banny, partagé entre la résistance face à son prédateur de président et l’envie de tout claquer pour se positionner en présidentiable. Si Ouattara et Bédié sont à l’affût, en bons politiciens, de toutes les opportunités pour se refaire une santé politique, sachant qu’ils risquent de peser peu dans le processus actuel, le premier ministre, lui, est dans une posture encore plus délicate. Il est dans la position de l’accusé attendant avec anxiété de connaître la peine que le tribunal va lui infliger.

Partira ? Partira pas ? Il est de notoriété publique que s’il n’en tenait qu’à Gbagbo, l’Accord de Ouaga devrait sceller le sort de Banny. De son côté, Soro, qui se dit mandaté par le G7 (regroupement de partis de l’opposition dont le RDR et le PDCI/RDA), n’a pas remis en cause la Résolution 1721 dont Banny tire sa légitimité.

Mais quoi qu’il en soit, l’avenir du premier ministre se joue réellement maintenant. Marginalisé tout au long du Dialogue direct, il n’est pas certain de rester à son poste, encore moins d’avoir les moyens de sa politique si d’aventure on le gardait. La clarification du cadre institutionnel en gestation permettra sans doute de voir plus clair dans l’avenir de ce banquier qui, venu pour sauver son pays, se retrouve à devoir sauver sa propre tête !

"Le Pays"

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