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Zimbabwé : Quand Mugabe refait le portrait à son opposant

Publié le jeudi 15 mars 2007 à 08h54min

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C’est dramatique, ce qui se passe au Zimbabwe, et au hit-parade des pays en recul démocratique en Afrique, ce pays occupe une place de choix. Pour la nième fois, dimanche dernier, le pays de Robert Gabriel Mugabe faisait parler de lui, en mal.

C’est ce jour-là en effet que le chef de file de l’opposition, Morgan Tsvangirai, avec des dizaines de partisans dont 4 deputés ont été arrêtés. Ils protestaient contre le vœu exprimé par Mugabe, au pouvoir depuis vingt-sept ans, d’allonger sans autre forme de procès son mandat présidentiel de deux ans, en reportant les élections de 2008 à 2010.

C’est à cette occasion que Morgan Tsvangirai, âgé de 55 ans, a été passé à tabac. Avec son œil tuméfié et ses lèvres endolories par les violents coups reçus, on eût dit que le portrait du chef de file de l’opposition avait été totalement refait.

Mardi dernier, alors qu’il devait comparaître devant la justice, il a été autorisé par le procureur à se rendre, sous escorte policière, à l’hôpital pour subir des soins suite à cette bastonnade par des policiers.

On se souvient que depuis février dernier, le pouvoir au Zimbabwe avait interdit toute manifestation politique. Ne pouvant nullement faire valoir bruyamment ses états d’âme, vu que toute manifestation politique y est strictement interdite, l’opposition avait cru pouvoir contourner l’obstacle avec l’ingénieuse idée de convoquer "une assemblé de prière" dans un stade d’Harare.

Mais pour la police, qui était à l’affût, cela n’est ni plus ni moins que politique, et elle est, par conséquent, intervenue avec une violence inouie contre les manifestants, tuant une militante de l’opposition.

La répression de l’opposition au Zimbabwe est loin d’être quelque chose de nouveau, mais c’est la toute première fois que Tswangirai en personne était vertement molesté tel un malpropre par la police. On constatera que Tsvangirai a changé désormais de tactique.

En effet, depuis la formation de son parti, le MDC, en 1999, et sa victoire volée aux législatives de 2000, il s’était montré très prudent, évitant de s’exposer aux brutalités policières. Mais, de l’avis général, cette prudence avait fortement entamé sa crédibilité ; chose qui a créé la scission du MDC en deux fractions rivales.

Pour Mugabe d’ailleurs, cette querelle au sein de son opposition n’était autre que pain bénit. Mais à voir l’opposition dans son ensemble pourfendre le pouvoir, ce repit ne peut être que de courte durée pour le dictateur zimbabwéen.

Cela prouve, si besoin en est, que le pouvoir est monté d’un cran dans sa ferme volonté d’en finir avec l’opposition.

Et il est difficile de rester muet face aux dérives du pouvoir zimbabwéen. La situation est si sérieuse et intenable que l’Afrique du Sud, habituellement si silencieuse sur la crise dans ce pays et qui supportait Mugabe à bout de bras, a donné de la voix en exhortant le gouvernement de Harare à "faire respecter l’Etat de droit".

Et ils ne sont seuls, les Sud-Africains, à s’en inquiéter. Le président zambien, Levy Mwanawasa, a également exprimé sa "grande inquiétude". Et l’Union européenne, les USA et l’ONU ont tout aussi condamné la violente répression de dimanche dernier et conseillé au gouvernement Mugabé de prendre le chemin de la démocratie.

Véritable perle à son indépendance en 1980, le Zimbabwe, anciennement appelé Rhodésie du Sud, avait toute les cartes en main pour être un pays émergeant, qui pouvait rivaliser au moins avec les Dragons d’Asie.

Déjà, avant l’indépendance, les colons dirigés par le raciste Ian Smith avaient jeté les jalons d’un fulgurant développement du pays, et Harare, la capitale, n’avait rien à envier aux capitales occidentales.

Outre que le taux d’alphabétisation de la maison en pierre (signification de Zimbabwe) était loin d’être médiocre, on cultivait en quantité industrielle dans cet ancien empire du Monomotapa du blé, des arachides, du tabac avec un chiffre d’affaires représentant plus de 50% du PIB. Surnommé le grenier à blé de l’Afrique, le Zimbabwe participait, en tant que fournisseur de denrées, au Programme alimentaire mondial (PAM).

Sur le plan minier, ce pays dispose des deuxièmes plus grandes réserves de platine du monde, après l’Afrique du Sud. Mieux, on y trouve d’importantes mines de diamants. Bref, le Zimbabwe était un pays riche où il fait bon vivre. Mais à 83 ans passés, Mugabe ne semble aucunement se soucier encore du bien-être de son peuple, à défaut d’être atteint d’une incurable sénilité.

Pire, l’homme fort d’Harare, non content de fouetter les irréductibles opposants, adopte des mesures économiques qui vont à l’encontre du simple bon sens ; c’est ainsi qu’il procéda à une expropriation forcée des fermiers blancs en utilisant la violence des milices de pseudo-anciens combattants de la guerre d’indépendance.

Et en 2000, il soumit son peuple à une nouvelle constitution incorporant une réforme agraire avec des expropriations sans compensation. Contre toute attente, cette nouvelle constitution est rejetée à une écrasante majorité par la population. Mais Mugabe n’en eut cure qui passa outre pour imposer sa réforme agraire.

C’est alors que plus de 80% de ces fermiers furent littéralement dépossédés de leurs terres, redistribuées à des amis du régime et à des fermiers noirs qui n’avaient, au préalable, aucune connaissance en la matière.

Peu de temps après, le Zimbabwe, qui était exportateur de céréales, en devient importateur, et c’est ainsi que, ne mangeant plus à leur fin, les Zimbabwéens passèrent du statut de fournisseur à celui de client du PAM.

Au Zimbabwe, les pénuries sont récurrentes, et le chômage atteint le fatidique taux de 70% ; et en 27 ans de pouvoir, l’ancien guérillero Mugabe a littéralement plongé le pays dans une pauvreté presque absolue. L’économie, naguère l’une des plus performantes du continent, ne cesse de s’effondrer.

Rappelons que lorsque Mugabe arrivait au pouvoir, 70% des terres arables appartenaient aux 4 000 fermiers blancs. Mais l’ancien maquisard, pour bien faire accepter sa politique, les avait rassurés contre toute expropriation forcée.

Mais contre toute attente, comme un château de sable, l’économie s’effondre dans l’ex-Rhodésie du Sud, avec la dévaluation de 1000 % du dollar zimbabwéen annoncée par le gouvernement. Désormais, il faudra 200 dollars zimbabwéens pour s’acheter une baguette de pain. Visiblement impopulaire, Mugabe use de ruse et de force pour se faire réélire avec 56% des voix contre Morgan Tsvangirai.

Cette fraude électorale était de notoriété publique, et les sanctions internationales ne se firent pas attendre. Echaudé, Mugabe jeta bas le masque et abandonna désormais toute courtoisie en mettant fin au semblant de démocratie qui existait.

Cependant, cette politique de la terre brûlée ne saurait sauver son régime du naufrage, d’autant plus que tous les scrutins sont en train de révéler son impopularité. Coupé d’aide extérieure, le Zimbabwe est dans l’œil du cyclone et s’axphyxie inexorablement ; ce que l’opposition refuse d’entériner par un silence coupable.

C’est tout de même dur de voir une si grande nation sombrer corps et âme... par la faute de son chef !

Boureima Diallo

Observateur Paalga

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