LeFaso.net, l'actualité Burkinabé sur le net
Proverbe du Jour : “Vous n’empêcherez pas les oiseaux de malheur de survoler votre têtе, mаis vοus рοuvеz lеs еmрêсhеz dе niсhеr dаns vοs сhеvеux.” Proverbe chinois

Victoire du PAI : "Et Blaise Compaoré perdit un symbole, et le CDP une dignité"

Publié le vendredi 2 mars 2007 à 08h49min

PARTAGER :                          

J’avais prévenu : "Blocage du fonctionnement du Conseil municipal de Pô : éviter à la capitale du Nahouri une nouvelle révolte". On ne m’a pas écouté et la révolte eut lieu. Il s’agit de cette débâcle électorale du CDP. J’avais écrit : "Pô ne doit pas subir les inconséquences du CDP, car, à vrai dire, le problème de la sous-section CDP de Pô se trouve en dedans et non en dehors du parti".

Et j’avais expliqué : il est vrai qu’au plan de la démocratie, le parti, sorti vainqueur des élections municipales d’avril 2006, avait raison de vouloir gérer la commune, mais étant donné que ce qui lui est arrivé est le fait de ses propres turpitudes, il ne devrait pas pour cela pénaliser la commune. On n’a pas prêté attention à cette explication.

J’avais averti : "La décision de bloquer le fonctionnement du Conseil municipal est risquée pour le parti majoritaire. C’est un couteau à double tranchant, car le parti, déjà en perte de vitesse dans la capitale du Nahouri, sera complètement discrédité, voire anéanti en cas de réélection".

Personne au CDP ne m’a cru. Avec la réélection du 18 février, "l’anéantissement" s’est produit. Seulement 2 conseillers sur 13 dans la ville de Pô. J’avais demandé au commissaire politique du CDP du Centre-Sud (à l’époque le frère Karfo Kapouné, originaire du Nahouri) de "savoir prendre la bonne décision dans l’intérêt de Pô, fût-ce au détriment de son parti".

J’ajoutais qu’il devra "tenir plus tard compte de la donnée "population", synonyme d’électorat, et accepter de perdre aujourd’hui avec l’espoir de gagner demain plutôt que de vouloir gagner coûte que coûte aujourd’hui et perdre définitivement demain (...). A mon humble avis, la meilleure solution pour le CDP, c’est de laisser les choses en l’état en acceptant de siéger tout en travaillant à regagner la confiance de la ville de Pô".

Certainement que le frère Karfo et tous les autres chargés de diriger le CDP Pô n’ont pas apprécié les propos du donneur de leçons. Ils ont tenu coûte que coûte, suivant des mauvais calculs, à gérer la commune. La conséquence, on la connaît depuis le 18 février.

Espérer une nouvelle dynamique dans la gouvernance locale du CDP

J’eusse voulu que quelques aspects de cette réflexion publiée dans les colonnes de L’Observateur paalga du 18 juillet 2006 fussent erronés pour me donner tort, ne serait-ce que partiellement. Malheureusement, pour ceux qui avaient vite fait, comme à l’accoutumée, de classer mon analyse dans le registre des plumes acrimonieuses qui en voulaient au CDP, tout ce que j’avais prévu s’est réalisé.

Cependant, en rappelant aujourd’hui certains passages (mot pour mot) de cet écrit publié il y a 6 mois, ce n’est ni pour réclamer une couronne de prophète, ni pour écrire sous cape (quoique je dusse le faire légitimement), ni pour remuer le couteau dans la plaie.

Mais, je suis meurtri par tant de choses à l’issue de la récente élection qu’il m’était nécessaire de m’exprimer à nouveau pour d’abord me soulager à titre personnel au plan moral et pour ensuite espérer que cela apporte un changement de comportement, ainsi qu’une nouvelle dynamique dans la gouvernance locale du CDP à Pô.

Il est incontestable que la démocratie a été on ne peut plus renforcée à l’issue de l’élection municipale du 18 février 2007, mais il est tout aussi indéniable qu’il en a résulté du gâchis : un an de retard pour Pô au niveau de son développement par rapport aux autres communes, une dépense de 110 millions FCFA effectuée par l’Etat au compte du contribuable burkinabè ; la double perte d’un symbole pour Blaise Compaoré et d’une dignité pour le CDP. (Ce gâchis est subjectif, j’en conviens, car je l’avoue, je suis proche du parti majoritaire).

Tout cela aurait pu être évité si les ressources humaines du CDP résidentes à Ouaga comme dans le Nahouri avaient eu l’intelligence politique et le courage nécessaire d’orienter autrement la situation au niveau du CDP à l’issue des municipales d’avril 2006. Malheureusement, tout s’est passé comme si les cadres du CDP ressortissants du Nahouri méconnaissaient le contexte de Pô et ignoraient la psychologie de leurs frères et sœurs kasséna.

C’est pourquoi, tout en adhérant aux excellentes analyses qui ont été faites par des journaux tels L’Observateur paalga et Le Pays sur les raisons de la défaite du CDP, je classe personnellement en tête des causes de la défaite, celles liées aux limites des dirigeants du parti au plan local.

Le CDP Pô n’avait-il rien de propre à proposer à la commune ?

De façon empirique, je peux évaluer à 20% la perte de l’électorat du parti de Roch Marc Christian Kaboré, dès lors que celui-ci a décidé de bloquer le fonctionnement du Conseil municipal. Cette perte est passée à 70, voire à 80% dans Pô-ville au lendemain de la dissolution dudit conseil. Mais, qu’il s’agisse du blocage ou de la dissolution, j’impute l’un et l’autre de ces actes aux tenants du gouvernail local du CDP.

Il est vrai que la décision de dissolution a été prise par le Conseil des ministres, mais nous savons tous que c’est à la demande de certains conseillers municipaux que le ministre Clément Sawadogo de l’Administration territoriale s’est précipité pour le faire. Mais qui, à sa place, n’aurait pas agi pareillement ? A cette raison majeure qui a fait perdre le CDP, il y a quelque 2 ou 3 autres causes : c’est le cas de la campagne qui n’a pas été emballante au niveau du parti majoritaire.

Alors que l’opposition "attaquait" constamment, le CDP était, lui, toujours sur la défensive comme s’il lui manquait des thèmes d’offensive. Et puis, il est vrai que le parti, c’est Blaise Compaoré et que celui-ci c’est le parti ; il est encore vrai que le parti peut s’approprier le programme du Président du Faso, mais pas au point de donner l’impression qu’en dehors des promesses de Blaise Compaoré, le CDP Pô n’avait rien de propre à proposer à la commune.

C’était en tout cas de la cacophonie ; surtout au niveau des messages radio-télévisés. Comme autre cause, il y a le choix des candidats aux postes de conseillers. Il a manqué au CDP des hommes d’envergure, des équivalents de Henri Koubizara.

Quant à la sortie du ministre Bougma, personnellement je n’ai pas été ému outre mesure par les propos des uns et des autres. Au contraire, cela a donné du piquant à la campagne. Et chaque camp s’en est tiré à bon compte. En effet, si le ministre Bougma ne s’était pas rendu à Pô, le CDP n’aurait pas eu les 2 conseillers dans Pô-ville.

Car c’est bien dans le secteur où ont résidé et résident encore certains des parents du ministre du Travail, que le parti du Président Roch Marc Kaboré a pu glaner les 2 conseillers. Dans ce secteur, on créditait plutôt le parti d’un seul conseiller, mais l’action du ministre fut bénéfique.

Et le CDP doit lui en être reconnaissant. A l’inverse, sa sortie a renforcé la cohésion du camp de l’opposition. C’était de bonne guerre que l’opposition interprète à son avantage la sortie de M. Bougma en tirant sur la fibre patriotique des Kasséna et elle a presque réussi. Sinon, en réalité, l’on sait le ministre du Travail suffisamment intelligent pour oser s’aventurer sur le terrain glissant de l’ethnicisme. Mais à la politique comme à la politique, chacun y est allé de son interprétation.

A présent que les choses sont claires, l’erreur à ne pas commettre par le CDP, c’est d’empêcher le futur maire Henri Koubizara de travailler. Le pouvoir peut ne pas lui donner les moyens (en dehors de ceux prévus par la loi) pour mettre en œuvre sa politique.

Cela est d’ailleurs de bonne guerre. Mais qu’on ne s’avise pas à lui mettre des bâtons dans les roues, s’il arrivait par lui-même à trouver des moyens pour développer Pô ! Vouloir lui créer des difficultés le rendra davantage populaire et desservira encore plus le CDP. Si ce parti a l’ambition de reconquérir Pô, il doit parrallèlement et indépendamment du maire, œuvrer à faire des réalisations de développement. Ainsi, à la fin du mandat du maire, celui-ci dira : "Voici ce que j’ai accompli".

La population jugera alors l’un et l’autre à son bilan. Car, c’est bien cette stratégie que le candidat du PAI a utilisée pour coiffer à l’arrivée son rival, le CDP. Mais la tentation n’est-elle pas grande pour le grand parti de baisser les bras et d’abandonner définitivement Pô et le Nahouri ? Ça serait, de mon point de vue, une erreur grossière, car l’on ne doit jamais abandonner la localité de laquelle l’on détient sa royauté.

Danzoupiou Atihoutigui

Observateur Paalga

PARTAGER :                              
 LeFaso TV
 Articles de la même rubrique
Burkina Faso : Justice militaire et droits de l’homme
Burkina Faso : La politique sans les mots de la politique
Le Dioula : Langue et ethnie ?