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Christiane Démontès, chargée de communication de Ségolène Royal : « Nous voulons une politique de l’immigration et non une de l’immigration choisie »

Publié le jeudi 1er mars 2007 à 08h01min

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Christiane Démontès

Christiane Démontès est sénatrice de la république française, vice-présidente du conseil régional Rhône-Alpes. Militante du parti socialiste, elle est la secrétaire nationale chargée des relations Nord-Sud. Elle est actuellement chargée des questions de communication et d’argumentaire dans l’équipe de campagne de la candidate Ségolène Royal pour la présidentielle. A la faveur du FESPACO, nous avons pu nous entretenir avec elle sur des sujets intéressant l’Afrique et leur candidate.

Sidwaya (S). : Vous êtes ici au Burkina Faso pendant que la campagne présidentielle bat son plein en France. Qu’est-ce qui explique cela ?

Christiane Démontés (C.D). : Je suis venue ici au Burkina Faso pour deux raisons. La première, c’est la tenue du FESPACO. C’est un festival qui a un certain nombre de partenariats avec la France, les collectivités territoriales. La seconde raison est liée à l’engagement que j’ai pris avec une organisation non gouvernementale auprès de la population de Gorom-Gorom dans le Nord du Burkina Faso.

Je vais de ce pas m’y rendre car c’est une ville qui a été touchée par des inondations de manière assez dramatique, l’été dernier. En tant que sénatrice, j’apporte une aide financière à la reconstruction d’un certain nombre de maisons à Gorom-Gorom. Je suis là pour rencontrer un certain nombre d’organisations locales, pour voir comment coordonner nos énergies et participer rapidement à la reconstruction de cette ville.

S. : Ségolène Royal a souhaité la suppression des financements de coopération dans sa région de Poitou Charantes. Et pourtant, vous agissez ici dans le sens contraire ?

C.D. : Je crois effectivement que Ségolène Royal a diminué un certain nombre d’aides. Elle a surtout voulu les réorienter. Aujourd’hui, c’est une question qui est au cœur du débat au Parti socialiste. Aujourd’hui, il est nécessaire de repenser la coopération, repenser la coopération Etat à Etat, repenser la coopération collectivité territoriale à collectivité territoriale (ce qu’on appelle la coopération décentralisée), et repenser la coopération à travers le travail que font les organisations non gouvernementales.

Le contrat que je fais en tant que secrétaire nationale du P.S chargée de ces questions, c’est que ces trois types d’aide ne se coordonnent pas ; c’est-à-dire que les rapports sont verticaux et non transversaux. Il y a nécessité d’articuler les rapports Etat-collectivité territoriale, ONG, de fixer un certain nombre d’exigences aux aides qui peuvent être apportées de part et d’autre et surtout, de soutenir des projets pour éviter de considérer qu’il y a une France colonisatrice et des pays qui ont besoin de l’aide de la France. Les pays africains, aujourd’hui sont des pays adultes et nous sommes dans les relations égalitaires d’Etat à Etat.

Ce qui n’a pas toujours été le cas de par le passé. C’est l’une des choses que d’ailleurs je dirai au président Compaoré que je vais rencontrer (l’entretien a eu lieu mardi 27 février matin) d’ici à là. Je crois qu’aujourd’hui, nous sommes dans un autre type de relations qu’il faut reconstruire. Même si l’on n’en parle pas beaucoup, l’un des enjeux de la campagne présidentielle en France c’est que l’on n’ignore pas que le président de la République a un rôle important sur la scène international, dans les affaires étrangères. Je dirai que c’est son champ de compétence réservé. Il faut alors qu’à l’occasion de cette présidentielle, nous soyons capables de dire et proposer un certain nombre de choses.

Ségolène Royal est très engagée sur des propositions concrètes. Elle a travaillé avec les ONG de Poitou Charentes, les collectivités territoriales. Mais il y a un besoin de recentrer tout cela et voir où cela peut nous mener parce que c’est bien tout cela, une coopération décentralisée. Mais entre des aides ponctuelles et des projets à moyen ou long terme, il y a un chemin à faire. A quoi par exemple cela servirait de livrer des vélos, des motos, si sur place, il n’y a pas des gens pour les réparer ?

S. : Quelles peuvent alors être les priorités pour l’Afrique de Ségolène Royal au cas où elle parvient à la magistrature suprême ?

C.D. : Plusieurs questions se posent. D’abord, il faut avoir une vraie réflexion sur l’Afrique. Nous avons une politique de visas qui est dramatique, c’est-à-dire que nous sommes avec une immigration pas du tout organisée, des gens qui viennent en France pas forcément de gaieté de cœur et qui savent que s’ils sont conduits à la frontière, ils pourront y parvenir ; c’est en réalité quelque chose de vraiment hypocrite.

Il faut dire que la France est une terre d’immigration (c’est l’une des grandes différences entre Ségolène Royal et notre adversaire de droite) ; une immigration qui s’organise, dans laquelle on donne la possibilité aux gens de venir et de repartir, et de revenir. La politique de visas est une politique qui doit être une politique pour circuler et non pas pour une période donnée, où les gens ont surtout peur de repartir et de ne pas pouvoir revenir et donc de ce fait, n’ont plus envie de répartir. Elle est la première des priorités. Nous voulons une politique de l’immigration et non pas une politique de l’immigration choisie.

Je trouve d’ailleurs ce terme assez scandaleux de la part de notre adversaire de dire que si on a besoin de médecins, eh bien, on fait venir des médecins. Oui mais, si des médecins de Madagascar sont en France, ils ne sont pas à Madagascar pour soigner les populations locales. Cela est absolument insupportable. Il y a de vraies interrogations sur l’immigration. Ensuite, il y a la question de la dette avec les pays en développement. Là-dessus, et c’est ce que souhaite Ségolène Royal, il faut qu’il y ait une politique coordonnée, peut-être même à l’échelle de l’Europe. Comment faire pour supprimer la dette ? A quelles conditions ?

Tout cela dans le respect d’un certain nombre de choses comme le respect des droits de l’homme, la démocratie, le droit des travailleurs. Il y a un certain nombre de réflexions à mener avec les pays concernés. Il faut réellement des aides qui servent aux populations, qui aident les entreprises à s’implanter et qui crèent de la main-d’œuvre locale dans des conditions de travail décent. Par rapport à l’Afrique, l’Europe a un rôle important à jouer.

S. : Quelle place de choix accorderiez-vous au Burkina Faso si le P.S arrivait au pouvoir ?

C.D. : Les habitants du Burkina Faso comme ceux d’autres pays ont tout à gagner à l’élection de Ségolène Royal. Nous partons du principe qu’il faut tourner la page des relations telles qu’elles étaient entre la France et l’Afrique en traitant désormais avec les pays d’égal à égal, en voyant de quoi ils ont besoin, ce qu’on peut faire, comment mobiliser l’Europe ? La France est l’amie du Burkina Faso et Ségolène Royal est aussi l’amie du Burkina Faso.

S. : Vous êtes chargée des questions de communication dans l’équipe de campagne de Ségolène Royal. D’aucuns avancent que ce sont les médias qui l’on façonnée ; qu’en dites-vous ?

C.D. : On ne peut pas aujourd’hui faire de la politique sans prendre en compte ce qui se passe dans les médias ; en particulier l’image qui arrive dans tous les foyers, les ménages à travers la TV, la journal de 20h, etc. Effectivement les médias jouent un rôle important. Ceci dit, ce n’est pas la télévision qui a désigné Ségolène Royal au débat interne du Parti socialiste. Ce sont 60% des militants du parti qui l’ont désignée.

Incontestablement, elle est la candidate du Parti socialiste et tout le monde est derrière elle. Je crois pouvoir dire que d’ores est déjà, elle est la candidate de la gauche ; même les autres candidats de la gauche (la gauche antilibérale) savent bien que l’enjeu est tellement important face à la droite que Ségolène Royal est la candidate naturelle de la gauche et elle est la seule candidate du changement. Nous avons tantôt eu des problèmes de communication à l’intérieur entre le parti socialiste, les comités d’avenir mais elle peut impulser une campagne de type différent avec une participation des citoyens qui a bien marché, avec beaucoup de monde.

Aujourd’hui, nous sommes en ordre de marche et il n’y a pas une réunion où on n’atteint pas au moins 200 000 personnes. La candidate a récemment fait un discours assez fondateur à Villepente en débat du mois de février en expliquant sa politique, la politique étrangère de la France, et en particulier sur la suppression petit à petit de la dette. Aujourd’hui, nous du PS avons un programme, nous le proposons aux Français et nous débattons avec eux. Nous avons bon espoir que le 22 avril et le 6 mai 2007, Ségolène Royal sera la nouvelle présidente de la république, de gauche.

S. : Ségolène Royal a parlé de la « gauche du XXIe siècle » lors d’un de ses récents meetings. A quoi elle voulait renvoyer ?

C.D. : Elle renvoie surtout à un autre manière de faire la politique. En France, ailleurs aussi sans doute, et à cause de cette information qui circule et d’un certain nombre d’erreurs du passé, on ne peut plus faire de la politique comme on l’observe aujourd’hui. Je veux dire que la logique actuelle, est que les hommes politiques pensent « vous m’élisez, faites-moi confiance. Et puis je reviens dans cinq ans et vous me relisez encore ». Les populations veulent aujourd’hui participer, être associées ; elles ne veulent pas forcément prendre des décisions car elles savent bien que l’élu, c’est celui qui les représente.

Mais, les populations veulent pouvoir dire leur mot. Je crois que c’est cela que Ségolène Royal a parfaitement compris et souhaite qu’il faut maintenant tourner la page d’une époque de la politique. Il faut consulter les gens, aller sur le terrain voir les résultats quand on propose quelque chose, la réajuster si nécessaire. On n’est pas intelligent tout seul. Ségolène Royal a la conviction qu’on est plus intelligent collectivement. C’est cela la politique du 21e siècle. Même notre adversaire, Sarkozy en est conscient.

Entretien réalisé par Ismaël BICABA

Sidwaya

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